La Bibliothèque de la ShinRa corp.

 

 

 

Point de Vue

 

 

Acte VII : L’Inconnu dans la Glace.

 

 

Scène 1 : Fin.

 

Je vous avais laissés en plein suspense à la fin du chapitre précédent ; si vous vous rappelez bien, je me trouvais dans le néant, en plein examen final de l’Ombre, entre la vie et la mort… Okay, afin d’abréger ce suspense intenable[1] qui n’a pas lieu d’être (étant donné que je suis encore ici à vous parler, vous pouvez en déduire que je ne suis pas mort durant l’examen. Logique, non ?), je vais poursuivre mon récit là où je l’avais laissé. Car il ne faut pas laisser inachevée une chose qu’on a entreprise, c’est ce que Shoran disait toujours. Et elle disait aussi qu’il ne fallait jamais faire aujourd’hui-même ce qu’on pouvait remettre au lendemain… euh, à moins que ce ne soit l’inverse… attendez… hum…

…Je ferais mieux de reprendre mon récit. Oui.

 

A ce moment-là perdu au milieu de nulle part, j’entendais clairement ma voix qui riait cruellement de moi-même. Or, s’il y avait une chose, une seule, dont j’étais sûr à ce moment-là, c’était que ce n’était pas moi qui riais. Je n’étais pas, physiquement et psychologiquement parlant, enclin à rire à ce moment-là. Loin de là. Alors, comment se faisait-il que j’entendais ma voix qui riait ?

Cela dura une minute, ou une heure. Non… une éternité, dirais-je plutôt. Toujours à genoux, la tête entre les mains, les yeux clos de toutes mes forces, j’essayais de comprendre ce qu'il m’arrivait. Mais c’était trop. Tout simplement trop. Trop pour que je puisse en supporter davantage. Alors… alors je fis ce que j’avais toujours fait en des moments pareils. Ce jour-là comme les autres. Ce que j’avais toujours fait par le passé et que je continue parfois à faire aujourd’hui. J’ai nié. Nié ma propre souffrance, ma propre solitude, ma propre agonie morale, mes peurs et mes doutes, mes larmes cachées, ma honte, ma culpabilité lancinante, mes blessures physiques ou non. C’est cela qui était ma force. Ou… est-ce justement là ma faiblesse..? Sincèrement, je ne saurais le dire. La frontière est si ténue, vous savez…

La voix qui ressemblait à la mienne continuait à rire de moi mais de l’entendre ne me faisait plus rien. Lentement, je me relevai et dirigeai un regard stoïque vers les deux ombres accusatrices. Puisque le jeu semblait avoir débuté, j’allais jouer aussi. Avec leurs propres règles, j’allais les battre à leur jeu. Ma voix, calme et impassible, s’éleva ; le rire devint murmure, puis il disparut.

« Vous avez tort et nous le savons tous les trois. » dis-je d’un ton détaché.

J’avais l’impression que mon esprit s’était détaché de mon corps et que je m’observais de loin ; je ne pouvais plus ressentir mes propres sentiments et arrivais donc à présent à analyser clairement la situation.

« Vous avez tort, répétai-je, les yeux rivés sur mes deux interlocuteurs. Aucun parent n’accuserait ainsi son enfant… »

Ils ne répliquèrent pas, attendant d’entendre ce que j’avais à leur dire ensuite. Et bon sang, j’en avais des choses à dire !

« S’il est vrai que j’ai désobéi à mon père en jouant avec ces allumettes, continuai-je en regardant sans crainte le "fantôme", le reste n’est que pur accident. L’incendie qui s’ensuivit n’était qu’un accident et nous étions tous deux bien placés pour le savoir. Tout comme nous savons que je n’ai eu la vie sauve que par un miracle que je ne m’explique pas encore. Je regrette ma désobéissance qui a entraîné ce malheur mais je ne regrette pas d’avoir survécu. Et un père digne de ce nom ne garderait pas rancune à son enfant pour avoir survécu à un accident que ce dernier regrette de tout son cœur… »

A ce moment précis, je ressentis comme un serrement à la poitrine mais décidai de l’ignorer et de poursuivre. Je n’en avais pas encore fini avec eux, loin de là.

« Quant à ma mère…, prononçai-je à voix basse en me mettant à marcher de long en large devant eux, il semble que j’aie causé sa mort en venant au monde. Je ne connais pas grand chose à la médecine, mais je suppose qu’ils appelleraient ça "mourir en couche". C’est regrettable, c’est une perte inestimable pour un enfant que de n’avoir plus de mère dès sa naissance. Mais surtout, ça n’a rien à voir avec la culpabilité de l’enfant en question…»

Franchement, mon ton à ce moment-là était si calme et détaché, et ma voix ferme portait une telle résignation, que j’avais l’impression d’être un avocat qui plaidait une cause qu’il savait perdue d’avance. Cependant, ma conclusion fut en parfaite contradiction avec mes propres croyances ; persuadé d’être un coupable qui méritait une peine éternelle, je déclarai pourtant d’une voix assurée : « Aucune mère qui a "donné tout son amour" à son enfant comme tu viens de me l’affirmer, rappelai-je à la femme-fantôme, ne peut condamner son fils car celui-ci a accidentellement causé sa mort en naissant. Et pourtant, voilà le seul… "crime" dont tous les deux m’accusez : avoir survécu à mes parents dont j’ai accidentellement causé la mort durant ma petite enfance. C’est risible. »

J’eus l’audace d’esquisser un sourire narquois en disant cela, ne faisant qu’aggraver mon cas. Mais puisque j’allais être condamné, puisque moi-même me condamnais par mes actes… Quitte à me damner, autant le faire avec classe, hein !

« Alors je ne me rabaisserai pas à ce niveau mesquin en vous accusant à votre tour de m’avoir abandonné si jeune, déclarai-je d’une voix portant une conviction que j’étais pourtant loin d’éprouver. Et je ne vous dirai qu’une chose : vous n’êtes PAS mes parents. »

Et comme je sentais que ma voix pouvait faillir et trembler à tout moment, afin d’éviter que mon émotion ne me trahisse, je me retins d’ajouter "car je ne vous considère plus comme tel".

Mon regard fixé sur les deux esprits, j’attendis le verdict. Le verdict me glaça sur place : en se regardant l’un l’autre, les deux juges me sourirent puis déclarèrent : « L’Examen de l’Ombre a été passé avec succès. » Et lorsqu’ils disparurent de ma vue, moi-même me sentis disparaître. L’instant d’après, je me réveillai en sursaut dans la salle d’examen cloisonnée où Lucia m’accueillit à nouveau avec son joli sourire.

 

Scène 2 : Peurs et Doutes.

 

Un imposteur. Tu es un imposteur-né… Ta nature sournoise est telle que tu as réussi à te tromper toi-même ! Félicitations, tu as survécu à l’Examen Final. Mais l’as-tu vraiment passé avec succès ? …Non. La réponse est non, et nous le savons tous les deux, ha !

Un rire amère retentissait dans mes oreilles ; je me réveillai, le souffle court et le cœur battant. Les yeux grands ouverts, je me rendis compte que j’étais allongé sur un lit douillet, dans une pièce… inconnue. Je m’assis dans le lit dans un grand sursaut paniqué. Puis je me rappelai où je me trouvais et repris enfin mon calme : nous étions le surlendemain du jour où j’avais réussi l’Examen et j’étais dans ma nouvelle chambre, chez Thephys. La veille, lui et moi étions arrivés dans cette demeure -presque aussi grande qu’un manoir- que lui avaient léguée ses défunts parents. Mademoiselle Shoran Akido avait eu la garde de l’héritage de Thephys pour lui jusqu’à ses 18 ans, mais il avait insisté pour que sa quasi-mère adoptive le gardât encore quelques années, en attendant qu’il ait fini ses études à l’Université des Gardiens. Et pour nous deux, la vie dans cette école s’était achevée après avoir été désignés Gardiens il y avait maintenant deux jours de cela.

La veille au matin, sur le chemin vers cette nouvelle maison, nous avions fait un détour pour passer à l’orphelinat Akido annoncer la bonne nouvelle à Shoran. Nous voulions lui faire une surprise, mais déjà prévenue par on ne sait quel moyen, c’est elle qui nous avait fait une belle surprise en organisant une petite fête en notre honneur avec tous ses petits pensionnaires. Je l’avais déjà dit, je le répète à présent : Shoran était très gentille mais un peu agaçante à force. Surtout la façon dont elle persistait à m’ébouriffer les cheveux comme si j’étais encore un enfant. Quoi qu’il en soit, la fête se termina assez vite car Thephys et moi avions encore un peu de route à faire avant d’atteindre la maison des Naëhien. A présent qu’il était Gardien de la Lumière, il s’était installé dans ce manoir qui était sien. Et j’étais son invité, car à vrai dire, je ne savais pas où aller et je n’avais pas assez d’argent pour emménager ailleurs. Arrivés dans le manoir à la nuit tombée, nous avions un peu réaménagé deux des chambres au premier étage, en attendant de finir le ménage le jour suivant – c’est à dire aujourd’hui-même. Mais cette première nuit-là, j’étais bien trop fatigué pour manger quoi que ce soit, alors j’étais monté à ma chambre me coucher. Je n’avais même pas eu le temps de me changer ni de faire ma toilette, je m’étais contenté de m’écrouler sur le lit pas encore défait et de m’endormir. Il ne s’agissait pas tellement de fatigue physique mais j’étais devenu le Gardien de l’Ombre et cette nouvelle fonction m’exténuait moralement.

Surtout lorsqu’on doit assumer un rôle qui ne nous convient pas, n’est-ce pas ? Au lieu d’être Gardien de l’Ombre, tu aurais dû mourir ce jour-là…

Ce jour-là… il y avait à peine deux jours de cela, j’étais devenu le nouveau Gardien de l’Ombre. Et Lucia était morte dans mes bras après m’avoir confié la Force qui était auparavant sous sa garde.

A présent, assis au-dessus des couvertures sur ce nouveau lit, j’élevai la main gauche vers mes yeux, en fixant l’intérieur de mon poignet. Depuis bientôt deux jours, le signe de l’Ombre y était inscrit. Inscrit dans ma chair même, tel un tatouage sacré. Sacré ou maudit ? La frontière était si mince…

J’aurais dû mourir ce jour-là. Oui, de ça j’en étais sûr. Le jour de l’Examen… ou le jour de l’incendie de la maison de mon enfance… non, plutôt le jour-même de ma naissance. Dès ce jour-là, j’aurais dû mourir. J’étais né les pieds en avant et on avait dû charcuter ma mère pour me sortir de là, de peur que je ne meure d’asphyxie avant même d’avoir vécu. Epuisée par le travail précédant l'accouchement, ma mère ne s'était jamais réveillée de l'anesthésie générale reçue avant la césarienne.

Né à l'envers. J’avais toujours fait les choses de travers, j’avais toujours fait les choses à ma manière.[2] Je me mis à rire doucement, en regardant toujours l’intérieur de mon poignet.[3]

Il y avait deux jours de cela… Une fois que j’étais revenu de l’Examen, Lucia m’avait accueilli avec un sourire doux. Elle paraissait sincèrement fière de moi… Ha ! Ce jour-là, nous aurions dû nous casser une jambe, au lieu de passer et de faire passer ce fichu examen !

J’étais encore sous le choc de la révélation que les deux ombres venaient de me faire, je n’arrivais pas encore à comprendre que j’avais réussi l’examen, jusqu’à ce que Lucia se précipitât vers moi pour prendre mes deux mains entre les siennes et me répétât : « Vous avez réussi, Laekh ! Vous avez réussi !! »

Devant la quasi-hystérie dont elle faisait preuve, je ne pus que répéter d’un air stupide :

« J’ai réussi..?

- Oui !! me répondit-elle en exultant. Pourquoi semblez-vous toujours aussi surpris d’avoir réussi quelque chose ? Vous êtes le nouveau Gardien de l’Ombre, Laekh !

- Alors… ça veut dire que vous allez… »

Son visage se renfrogna un court instant. Puis en souriant malicieusement, elle m’assena un coup de poing sur l’épaule en me traitant de rabat-joie. Elle n’avait pas tapé très fort apparemment mais il n’empêchait… qu’elle avait un sacré punch !

« AIEUH !! M-mais ça fait mal ! m’écriai-je en frottant mon épaule meurtrie.

- Gros bébé, vas ! me taquina t-elle avec un clin d’œil complice.

- … Je… je suis désolé, Lucia, murmurai-je, ne sachant comment lui faire comprendre que je ne voulais pas la voir mourir.

- Vous n’avez pas à regretter d’avoir survécu. »

Ces mots, prononcés avec un tel calme par Lucia, me rappelèrent de mauvais souvenirs, des souvenirs pas si lointains que ça. Elle venait de prononcer les mêmes mots que j’avais utilisés devant les deux fantômes de mes parents. Je levai le regard vers Lucia, les yeux légèrement agrandis par la surprise. « Vous savez tout ? demandai-je. Je veux dire, vous avez assisté à… ». Une honte inexplicable m’empêcha d’en dire davantage. A ma question, Lucia secoua doucement la tête pour répondre par la négative :

« L’examinateur n’est pas là pour l’examen de l’Ombre. Cet examen est… un examen de conscience.

- Examen de conscience ? répétai-je toujours aussi stupidement.

- Le candidat n’est confronté qu’à lui-même, il n’y a aucune intervention extérieure. C’est… une épreuve assez… très cruelle, prononça t-elle en fronçant les sourcils dans un effort de trouver ses mots, tandis que je continuais à la fixer des yeux, incapable de comprendre. J’ai comme qui dirait, envoyé votre conscience dans l’Univers. L’Univers est intérieur et en chacun de nous, vous le savez certainement… »

J’approuvai de la tête, le regard toujours plongé dans ses yeux violets.

« C’est pourquoi chaque être est à la fois différent et semblable, fragile et précieux. En portant atteinte à un être, quoi qu’il soit, c’est à l’Univers en lui-même qu’on fait préjudice. Les Forces contribuent au maintien de l’Univers, les rêves à son développement, et le devoir des Gardiens est la préservation de tout ceci. Mais l’Ombre est une Force différente des autres du fait qu’elle est présente dans tous les êtres. Une partie de l’Ombre est présente en chacun de nous alors qu’une partie d’une autre ou de quelques unes des autres Forces n’est présente que dans certains êtres en particulier. Prenons les poissons par exemple ; par nature, ils sont intimement liés à l’Eau entre autres. Et les montagnes à la Terre, les hommes à la Vanité. Tous les êtres, les espèces, les races ont en commun une chose cependant : l’Ombre.

- Alors… La Lumière aussi dans ce cas.. ? demandai-je avec perplexité. L’Ombre et la Lumière sont liées aussi, elles sont indispensables l’une à l’autre.

- En effet, vous avez raison. Mais ce que vous venez de dire concerne le rapport de ces deux Forces entre elles, et non pas leur rapport à l’Univers ou aux êtres. L’Ombre est innée, la Lumière s’est développée ensuite. Ces deux Forces sont les toutes premières à se manifester à la naissance de l’Univers – ce qui revient à dire, à la naissance de chaque être. L’Ombre n’est pas mauvaise en soi, mais elle est plus dangereuse que la Lumière – aussi dangereuse, sinon plus, pour son porteur que pour ceux qui l’entourent. Elle est comparable à l’innocence dont tous sont pourvus à leur naissance. Et l’innocence n’est pas incompatible avec la cruauté, elle n’est que la non-compréhension de la portée de nos actes. Si on ne peut comprendre l’Ombre qui est en nous, si on ne peut vivre en harmonie avec soi-même, alors… »[4]

Elle laissa l’avertissement en suspens, comme si elle craignait de provoquer le malheur en l’évoquant. Je comprenais sa superstition même si je ne pouvais soutenir un tel point de vue.

« La Lumière quant à elle doit être développée, c’est pourquoi elle n’est pas présente chez tous. On pourrait même dire que peu d’êtres ont la chance ou la volonté nécessaire pour être… éclairés.

- C’est une vision assez… cynique des choses, fis-je remarquer.

- C’est surtout réaliste et véridique, Laekh... Vous savez ce que je veux dire, heh ? ajouta t-elle avec un sourire en coin entendu.

- En effet. Vous m’enlevez les mots de la bouche, répondis-je en riant doucement. Mais… l’examen que je viens de passer…

- Que vous venez de réussir, rectifia t-elle avec un sourire.

- … que je viens de passer, répétai-je avec entêtement. Je ne comprends toujours pas… il y avait deux… êtres avec moi à ce moment-là, des fantômes, je crois. Et… vous me dites que j’étais… seul ? »

…Seul ? Oui. Comme toujours, voyons.

« Je ne sais pas ce que vous avez pu voir, vivre, ou combattre en vous lors de l’examen. Mais il s’agissait de vous-même. Vous-même et vous seul. »

Je dus prendre quelques secondes pour laisser aux paroles de Lucia le temps de faire leur chemin dans mon esprit encore embrumé par toute cette expérience nouvelle et si surprenante.

« Moi seul…, prononçai-je à voix basse. Alors… ce que j’ai dû combattre là-bas. Ce qui a failli causer ma perte, ce qui se moquait de moi, ce qui… »

Je secouai doucement la tête, essayant ainsi de m’éclaircir les idées. Mais ça restait encore assez embrouillé malgré tout… Lucia posa une main sur mon bras, ce contact me ramena à la réalité : j’étais toujours assis sur le canapé à côté de Lucia dans cette "salle d’examen" si particulière, je n’étais plus au milieu du néant et confronté à deux accusateurs haineux.

« Ne vous inquiétez pas, Laekh, m’encouragea t-elle d’une voix douce. Cela demande un certain temps d’adaptation mais si vous parvenez à combattre vos peurs et vos doutes… si vous parvenez à être en harmonie avec votre propre conscience, si vous parvenez à vous comprendre et à pardonner à vous-même comme vous l’avez prouvé lors de l’examen, alors tout se passera bien… »

Je voulus répliquer que je n’avais pas réussi cet examen comme elle semblait le croire ; que je ne m’étais jamais vraiment pardonné à moi-même ; que devant ces deux fantômes sortis de mon imagination, j’avais juste voulu les renier afin de renier ma propre souffrance et mes fautes ; que je n’avais simplement pas eu assez de force pour achever ma phrase devant eux et que c’était pour ça que j’avais réussi à les tromper – réussi à me tromper moi-même, en fait. Je voulus crier pour faire comprendre à Lucia que je n’avais pas deviné que ces deux ombres, personnalisations morbides de ma conscience tourmentée et de mon auto-culpabilité refoulée, n’étaient qu’une partie de moi-même avec laquelle il me fallait être en harmonie. Je voulais lui dire que je n’avais pas réussi cet examen comme elle semblait le croire…[5]

Et comme d’habitude, je n’ai pas pu faire ce que je voulais. Alors Lucia en est morte.

 

Scène 3 : Prise de conscience.

 

« Les autres candidats sont morts de n’avoir pas su s’accepter tels qu’ils étaient. Accepter leur propre complexité. Si vous vous laissez noyer par vous-même, si vous vous laissez submerger par votre vanité, vos peurs, vos doutes, vos haines irraisonnées, vous mourez. C’est aussi simple que ça, avait conclu Lucia sur un ton docte.

- Alors Thephys aurait pu passer l’examen avec succès.

- Non. C’est encore un enfant qui est dépendant de ses émotions. Ses émotions ont beau être positives, elles finiront par causer sa perte s’il ne change pas sa vision des choses.

- Vous êtes bien pessimiste, avais-je remarqué.

- Je le suis pour le propre bien du jeune Naëhien, avait-elle calmement répliqué.

- Il ne faut pas vivre en suivant ses émotions, alors ? avais-je demandé, l’air grave.

- Pff ! Toute une éducation à refaire ! »

A ces mots, elle m’avait donné à nouveau un coup de poing sur l’épaule. Je grimaçai et gémis en disant qu’elle était trop violente à mon opinion. Elle s’était mise à rire.

« Essayez de réfléchir un peu et vous comprendrez ce que je veux vraiment dire, avait-elle fini par me confier d’une voix plus sérieuse.

- Thephys ne risque pas de se faire noyer par lui-même alors, avais-je dit en reprenant la métaphore de Lucia. En fait… ce sont les autres qui risquent de le noyer…

- Presque dans le mille ! avait-elle répondu en plissant ses jolis yeux grâce à un grand sourire. Laekh, vous comprenez vite quand vous vous en donnez la peine !

- Ce serait bien mieux si vous restiez encore un peu… pour m’apprendre le métier, avais-je tenté.

- Il vaut mieux apprendre sur le tas.

- Pourquoi ?! Ce serait plus sage de ne pas laisser à un jeune seul et inexpérimenté la garde d’une telle… charge !

- Considérez-vous vraiment votre Force comme une charge..?

- … Je-je… je ne sais pas, en fait. » avais-je fini par balbutier.

Mon aveu lui avait arraché un long soupir résigné : « Vous avez peur. »

J’avais approuvé de la tête, sachant que c’était une affirmation de sa part, non une question, car elle pouvait encore lire mes sentiments grâce à son pouvoir.

« L’angoisse face à l’inconnu et au nouveau est tout à fait normale et compréhensible. Mais souvenez-vous d’une chose, jeune homme… »

Elle avait alors pris l’air sévère et parvenait même à me faire un peu peur depuis que j’avais dénoté la menace qui vibrait dans son ton grave. Cette petite femme mince et d’apparence fragile pouvait vraiment être impressionnante quand elle s’en donnait la peine. J’avais dégluti et articulé : « Oui.. ?

- Souvenez-vous, avait-elle asséné avec grandiloquence, que… mon zombie reviendra vous hanter si vous n’êtes pas digne de votre fonction ! »

Je la fixais, les yeux agrandis, le cœur battant soudain plus vite, pris de sueurs froides. Et ce ne fut que lorsqu’elle avait éclaté de rire en disant « Ne faites pas cette tête-là, je plaisantais ! », que j’étais parvenu à réaliser que Lucia n’avait toujours pas deviné que j’avais échoué à l’examen. Qu’elle ne savait pas que je n’étais pas digne de ma fonction comme elle l’avait elle-même dit. Et qu’elle ne le saurait peut-être jamais...

Quelle ironie !

Je m’étais mis à rire amèrement. Sur le moment, Lucia crut que mon rire était nerveux et causé par sa plaisanterie. Alors elle m’avait souri. Et si à présent son zombie n’était toujours pas revenu me hanter, il y avait bien une chose qui me hantait : son sourire.

J’enfouis ma tête dans mes deux mains, et me roulai en boule allongé sur ce lit inconnu qui était le mien, repensant aux derniers moments de Lucia avec moi. J’étais encore dans cette position lorsque j’entendis un léger bruit provenant de l’étage inférieur : il s’agissait de bruits de casseroles entrechoquées. A l’étage du dessous, on était en train de faire la cuisine ; d’ailleurs, une bonne odeur de soupe me parvint bientôt aux narines. Mon ventre cria famine de ne pas avoir mangé depuis la veille au déjeuner, étant donné que j’avais sauté le dîner pour aller dormir. Mais je décidai d’ignorer mon estomac, je n’avais aucune envie de bouger pour l’instant. Pourtant, les muscles de mes paupières s’actionnèrent malgré moi et ouvrant un œil à travers le rideau de mes doigts écartés posé sur mon visage, j’aperçus l’armoire à glace qui se tenait près de mon lit. Par le moyen de cette glace, je vis l’image d’un jeune homme blond, tout habillé et couché en position du fœtus sur un lit à moitié défait par les cauchemars de la nuit passée. Cet inconnu blond semblait complètement perdu.

Je mis un certain temps à réaliser que l’inconnu dans la glace, c’était moi.

 

Scène 4 : Souvenirs en boucle.

 

« Pourquoi ne pouvez-vous pas rester encore un peu avec moi ?!

- Voyons, Laekh ! Vous savez bien qu’un Gardien qui n’a plus la garde de sa Force…

- Vous pouvez encore la garder encore un peu, non ? Après 70 ans, un an de plus ou de moins, ce n’est pas grand chose… juste le temps de m’apprendre ce qu’il faut savoir. La BGU nous forme à cette fonction, c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant de ne posséder qu’un savoir théorique des choses ! Restez encore un an ou deux… S’il vous plait, Lucia…

- Si je dois vous apprendre tout ce qu’un Gardien doit savoir et bien faire, vous mourrez de vieillesse avant d’avoir entendu tout ce que vous devez retenir, Laekh ! »

Tandis que je descendais l’escalier qui menait vers le rez-de-chaussée de la maison de Thephys, le rire plaisantin de Lucia résonnait encore dans les oreilles de ma mémoire. J’avais essayé de la retenir mais elle s’obstinait à vouloir me transmettre sa Force de l’Ombre, alors à court d’arguments, je m’étais résigné et l’avais laissée faire. Car même si je ne connaissais cette femme que depuis moins de trois heures, je savais qu’il était inutile d’essayer de la contredire, elle aurait toujours de belles phrases rhétoriques auxquelles il était impossible de répliquer.

« Heh, ne soyez pas si triste, jeune homme… Ce n’est qu’un cycle naturel… et souvenez-vous… que si vous vous montrez indigne… de votre fonction… je… »

Elle semblait avoir du mal à parler, alors j’avais achevé sa phrase à sa place :

« Je sais, Lucia. Si je m’en montre indigne, vous reviendrez me hanter sous forme de zombie…

- Oui. Et je vous… talocherai jusqu’à plus soif…»

Avec un petit sourire narquois sur ses lèvres encore roses, elle avait fermé pour toujours ses yeux violets et sa main était retombée à ses côtés, inerte.

J’étais parvenu au bas de l’escalier à présent. Mes jambes me conduisirent vers le salon éclairé par la lumière d’une matinée de début d’été tandis que mes souvenirs me conduisaient dans une forêt, la nuit. C’était la nuit juste après la mort de Lucia et Thephys se baignait dans un lac sous la lumière de la lune. Ne l’ayant pas trouvé dans notre dortoir lorsque j’étais revenu de mon examen final, j’avais regardé l’horloge de ma chambre et vu que j’avais passé toute la journée et une partie de la soirée dehors. Quant à dire où j’avais passé ce laps de temps, cela m’était tout à fait impossible. Je savais que j’avais passé une demi-heure dans la salle d’attente avant d’être appelé pour l’examen final, puis passé le début d’après-midi avec Lucia. Mais ce qui s’était passé après sa mort… restait inconnu. Comme si une partie de ma mémoire avait été occultée. Mes souvenirs n’avaient repris qu’une fois que j’étais parvenu à notre dortoir et avais constaté que Thephys n’y était pas, comme si je m’étais réveillé, ou comme si je sortais soudain du brouillard. Et ce ne fut qu’au moment où je parvenais au bord du lac où se baignait Thephys, que je fus rassuré en constatant que je l’avais retrouvé. C’était comme si, pour une raison que je ne m’explique pas encore, j’avais craint de perdre Thephys le même jour que Lucia.

Je m’assis dans un fauteuil dans ce salon du présent matin, mon double du passé regardait Thephys se baigner l’avant-veille au soir.

Une fois que j’avais fait remarquer ma présence, nous avions discuté un instant de nos pouvoirs puis il m’avait demandé de me retourner, il m’avait ensuite rejoint sur la rive et s’était rhabillé.

« Monsieur est présentable, maintenant ? » avais-je ironisé. Sa pudeur frisait l’absurde. Ce n’était pas comme si c’était la première fois que je voyais quelqu’un nu – homme ou femme d’ailleurs ! La timidité de Thephys me faisait rire tout en provoquant chez moi une sorte de… tendresse…

« Laekh, tu es réveillé enfin ! »

Je faillis sursauter en entendant soudain cette voix qui avait coupé court à mes souvenirs. Dirigeant avec brusquerie mon regard vers l’entrée du salon, je vis Thephys qui me souriait.

« Oh, tu es là…, remarquai-je un peu hébété.

- Eh oui, j’habite ici. »

Venais-je bien de déceler un certain sarcasme dans sa réponse ? Je n’aurais jamais cru Thephys capable de ça…

« Hum… tu as faim ? demanda t-il en montrant la casserole qu’il tenait d’une main. Tu n’as pas mangé hier soir. »

J’acquiesçai de la tête et l’accompagnai à la cuisine pour le déjeuner. Je ne sus jamais ce que je mangeai ce jour-là, car je ne faisais vraiment pas attention à ce que j’avalais. Et les rares fois durant le repas où Thephys me parla, remarquant d’un ton inquiet que je ne semblais pas très en forme, je lui répondais d’une voix lointaine que j’allais bien et que j’étais juste un peu fatigué à cause du déménagement. La journée se passa de cette façon, ainsi que la suivante, ainsi que la suivante. La première semaine passée dans la maison de Thephys, je ne fis que revivre en boucle les deux jours précédant notre arrivée dans cette demeure. C’était comme un disque rayé ou une bande vidéo qui rejouerait en boucle le même passage. Encore et encore.

« L'eau n'est pas trop froide ?

- Non, pas du tout... Que fais-tu ici, Laekh ?

- Je ne sais pas... Mes pas m'ont guidé jusqu'ici par hasard... »

Quelle drôle d’idée de se baigner dans un lac perdu en pleine forêt, avais-je pensé ce soir-là à l’encontre de Thephys. Les baignoires n’étaient pas faites pour les chiens, que diable !

« Tu ne m'as toujours pas dit quelle était ta Force...

- Je sais..., avais-je répondu laconiquement.

- Alors... Qu'attends-tu ? Montre-moi de quoi tu es capable ! avait-il insisté avec enthousiasme.

- Je ne suis pas sûr que ce soit une si bonne idée. Mais si tu y tiens, je vais te montrer... » [6]

A ces mots, j’avais alors fixé mon regard sur un des cerisiers en fleurs plantés sur les bords du lac. Quelques instants plus tard, il s’était desséché à vue d’œil, ne laissant plus qu’un tronc noir et sans vie à sa place. Il n’était pas mort, j’avais juste absorbé une partie de son essence vitale en me servant de la part d’Ombre qui se trouvait dans cet arbre comme dans tout être. Cette petite partie de la Force dont j’avais la garde avait servi de catalyseur et m’avait transmis l’essence vitale de l’arbre sur lequel j’avais fixé mon choix. Le cerisier n’était pas mort car je n’avais pas voulu le faire mourir; cependant, si on laissait l’arbre ainsi, il n’aurait d’autre choix que de périr lentement…

« Par l'Univers ! Thephys s’était-il exclamé. Tu es...

- Le Gardien de l'Ombre.

- Le plus puissant... ça ne m'étonne guère étant donné ta force. Très bien, je vais te montrer de quoi je suis capable, moi aussi ! Mais avant... Peux-tu te retourner, s’il te plait... juste un instant, que je mette mon pantalon ? »

Mes souvenirs furent soudain interrompus par un miaulement près de moi. Le chat de Thephys était en train de se frotter à ma jambe. Il n’avait sûrement trouvé la plaque de la cuisine, délaissée depuis le déjeuner, plus assez chaude à son goût et m’avait choisi comme radiateur de luxe. Les chats sont des indépendants pragmatiques qui frisent le cynisme avec une indolence admirable. Je me levai de la chaise sur laquelle j’étais assis, reposai sur la bibliothèque le livre que je feignais de lire depuis tout à l’heure, puis je me retirai dans ma chambre, fermant la porte au nez du chat qui voulait me suivre jusque dans la chambre. Les chats sont des cyniques pragmatiques, alors en tant que tel et comme je n’aimais guère la concurrence, je n’appréciais que moyennement leur compagnie.

 

Scène 5 : Focus, mise au point.

 

« Monsieur est présentable, maintenant ? avais-je dit, le dos tourné, attendant que Thephys enfilât son pantalon sur la rive de ce lac, ce soir-là.

- Oui... tu peux te retourner... excuse-moi...

- Alors ? De quoi es-tu capable Gardien de la Lumière ? »

Il était capable de bien des prouesses, mais il avait simplement choisi de redonner sa force vitale à l’arbre que je venais de condamner à mort. Alors que mon pouvoir consistait à absorber l’essence vitale des êtres via l’Ombre pour soit guérir mes blessures soit rendre à la nature l’énergie vitale prise à une cible, le pouvoir de Thephys consistait à filtrer à travers lui une partie de l’essence vitale présente dans la nature pour panser les blessures d’un être. Nos deux pouvoirs se basaient sur le même mécanisme, ils étaient simplement inversés l’un par rapport à l’autre. Pour simplifier les choses, on disait que je pouvais faire mourir les choses et que lui pouvait les faire revivre. Mais cela aurait été bien trop facile si le Gardien de la Lumière pouvait faire revivre les morts, n’est-ce pas ? Croyez-vous décemment qu’un être puisse redonner la vie une fois que celle-ci a quitté un corps ? Non, le meilleur des médecins ne peut guérir que les maux à sa portée, et le Gardien de la Lumière ne peut guérir un être que si un souffle de vie persiste encore en lui. Simplement, le Gardien de la Lumière le fait d’une façon un peu plus spectaculaire qu’un docteur. Simple question de mise en scène, c’est tout. Les miracles n’existent pas.

Je sais, les désillusions sont difficiles à encaisser, n’est-ce pas ?

« Je suis l’Ombre… et tu es la Lumière… »

Un coup frappé à la porte de ma chambre close me ramena pour un temps au présent.

« Qui est là ? »

Je regrettai aussitôt la stupidité de ma question : qui à part moi et le chat Caelial se trouvait dans le manoir de Thephys !? Le cher ange prit tout de même la peine de me répondre, sans me faire remarquer avec sarcasme que la question était idiote.

« C’est moi : Thephys. Tout va bien ?

- Oui, je vais bien, lui répondis-je à travers la porte. Qu’y a-t-il ?

- C’est… l’heure du dîner… »

Je fermai les yeux. Cela ne pouvait plus durer ainsi. Au bout d’une semaine passée à me ressasser les souvenirs des deux jours précédant l’arrivée au manoir, j’avais fini par comprendre. Mon angoisse vis à vis de l’Ombre, le retour à l’orphelinat Akido en compagnie de Thephys pour une fête surprise organisée en notre honneur, l’arrivée au manoir et notre installation, mon mutisme quasi-total par rapport à Thephys tandis que je l’aidais à re-décorer sa maison ou durant nos repas silencieux, et finalement, le fait que je ne pouvais empêcher ces souvenirs de revenir à la charge et de me hanter même la nuit – tout ça découlait de deux évènements qui s’étaient produits le même jour il y avait une semaine et qui m’avaient profondément marqué même si je le niais : la mort de Lucia et le baiser échangé avec Thephys ce soir-là près du lac. Afin que la bande vidéo cesse de m’imposer ce visionnage en boucle, afin que je puisse à nouveau avancer, il fallait mettre les choses au point par rapport à ces deux… traumatismes. Lucia étant malheureusement incapable d’entendre ce que j’avais à lui dire à présent, il fallait donc que je prenne le courage de parler à Thephys. Il allait m’écouter en leur nom à tous deux.

« Thephys…, appelai-je. Pourrais-tu entrer une minute, s’il te plait ? Nous avons à discuter. »

 

 

*****

Notes :

[1] Ce terme était ironique, vous vous en doutez. J’essayais juste d’être drôle, ne faites pas cette tête-là !

[2] et [6] Je sais que ça rime. S’il vous plait, ne me le faites pas remarquer.

[3] Pas de description de la marque de l’Ombre pour le moment, pas envie. Ceux qui sont très observateurs l’auront déjà remarquée plusieurs fois : sur la page des ficarts de Fantaisie Ultime ou sur la page de sommaire de Point de Vue. Sinon, vous n’avez plus qu’à patienter jusqu’à ce que je me décide à faire cette description, merci.

[4] NDAngie : Quel baratin pseudo-mystico-philosophico-spirituel !

Laekh : Je t’en prie, Angie, mêle-toi de tes oignons et je m’occuperai de mon ail.

Angie (du tac au tac) : Tu es très fier de ce jeu de mots stupide que tu viens de sortir, ’spa ?

Laekh : Il n’est pas faux que l’amusement que je retire à manipuler le sens des mots et leurs sous-entendus est indéniable.

Angie : …Huh ? *essaie de saisir le sens grammatical de la phrase de Laekh pour la comprendre*

Laekh : … *soupir* Laisse tomber, Tenshi. Je faisais du sarcasme envers les pédants.

Angie (perplexe) : Ah ? … Ah bon… *n’a toujours pas tout compris* Euh, et pourquoi tu m’appelles "Tenshi" ?

Laekh : Juste un jeu de mots sur l’étymologie de ton prénom, traduit en japonais. N’y prête pas attention.

Angie : Ah ? … Ah bon… *le regarde stupidement*

Laekh (main sur le front à la Squall Leonhart) : Hum, passons à la suite…

[5] J’ai échoué en fait et je ne suis pas le meilleur. Ça vous fait un choc de le découvrir, n’est-ce pas ! *roule des yeux*

Playlist : Alice Cooper, album "Hey Stoopid" (Je sais, mes goûts musicaux sont ringards. Veuillez accepter mes plus humbles excuses envers la techno ou le rap que votre jeune génération semble vénérer. *roule des yeux*)

 

A suivre :

Acte 8 : Incidents.

(Autrement dit : il n’y a pas d’action sans conséquences, même si on les croyait insignifiantes)

 

 

*****

 

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