La Bibliothèque de la ShinRa corp.
Point de Vue
Acte V – Forces, Puissances et Pouvoirs
Scène 1 : Trois ans…
Depuis que Thephys et moi avions "brisé la glace", une grande amitié était née entre lui et moi et elle grandit au fil des trois années qui suivirent. Nous avons commencé par rattraper le temps perdu en nous racontant nos rêves, nos espoirs, nos craintes, à partager nos secrets ; et il devenait moins introverti tandis que mon côté sombre reculait peu à peu, laissant ma sensibilité naturelle s’exprimer… puis je finis par me rendre compte que je n’éprouvais pas seulement de l’amitié pour Thephys, mon protégé… La révélation me frappa telle un éclair de lucidité dans ma nuit d’égoïsme alors je courus lui déclarer ma flamme. Ce soir-là, il pleuvait et…
Hum… Franchement, vous alliez gober ça, n’est-ce pas ?
Heh.
Mes quelques cours d’art dramatique ont peut-être bien porté leur fruit si vous alliez gober une telle mièvrerie de ma part. Ah, ce n’est même plus drôle lorsque les gens commencent à croire aussi facilement tout ce qu’on leur dit.
La vérité ?
La vérité est immuable mais change pour chaque personne. Alors quelle vérité voulez-vous que je vous conte ? Celle d’Alisyen ? Celle de Thephys ? La mienne ? Celle du Conseil ? En fait, je pourrais toutes vous les raconter ; depuis que j’ai acquis mon Pouvoir, je suis capable de lire dans les pensées de la plupart des êtres vivants. Ou plutôt de les ressentir, comme si ces pensées étaient miennes. Au début, ça me troublait. Puis j’ai été enthousiasmé par un tel pouvoir ; j’ai fini par en user et en abuser. Et un "beau" jour, ça s’est retourné contre moi.
A présent, je sens que je le contrôle mieux. Mais… peut-être ai-je tort de baisser ma garde.. ? D’un autre côté, si je devais être sur le qui-vive 24 heures/24, à craindre une chose que moi-même je serais capable de provoquer par inadvertance… je suppose que ça me rendrait fou. Certains diraient que je le suis déjà de toute manière. Mais comme vous le savez déjà fort bien, le plus fou des deux… est à l’asile ! Non, je voulais dire : le plus fou des deux n’est pas celui que l’on croit.
Bref, tout ça pour vous prévenir que je vais dire la vérité, rien que la vérité et toute la vérité dans ce qui suit. Mais que la vérité n’est peut-être pas forcément telle que je l’aurai décrite.
Hum. Perplexes ? Oui, moi aussi.
Le mieux est de laisser les choses venir, de les raconter tel-quel. Oui. Mais par où commencer ? Le début ? Oui, logique implacable. Mais le début de quoi ? Le début d’un amour impossible ? Le début des maux de tête insupportables ? Le début d’un massacre obligé ? Le début d’une quête irrésistible ? Le début de la fin ? … En fait, tout ça revient au même.
Les ennuis ont débuté avec la passation des Forces aux Gardiens du groupe 27, la promotion de cette année-là, l’année de mes 20 ans lorsque j’ai fini mon cursus à la BGU. Enfin, je suppose. Ou bien était-ce un peu avant ça ? Trois ans avant ? Ou deux ? Ou seulement l’année précédente ? J’hésite.
Je ne sais pas choisir.
Confronté à un choix difficile, j’ai souvent tendance à prendre toutes les options. C’est ma grande faiblesse. Pardonnez-moi, je me repends de tout mon cœur de ça…mais ça ne veut pas forcément dire que j’arrêterai. Car la meilleure façon d’éviter d’être tenté est de céder à la tentation.
Non, inutile d’applaudir. Pour l’instant, du moins.
Scène 2 : … Deux ans…
18 ans. Dans la majorité des pays sur Terre, il paraît que l’année des 18 ans d’un jeune représentant de l’espèce humaine est une année décisive et charnière. A 17 ans, 364 jours et 23 heures 59, vous êtes encore un adolescent irresponsable, couvé par vos parents, un oisillon sans ailes qu’on doit nourrir à la becquée et éduquer. Puis pouf ! la minute d’après, vous êtes adulte, responsable de vos actes (bons ou mauvais), passible de prison et du permis de conduire, autorisé à boire, à voir des films interdits aux mineurs, et caetera, et caetera.
Sur Utopia, c’était à peu près la même chose… sauf pour l’alcool. Il fallait avoir 21 ans pour boire du jus de raisin fermenté, mais ils ont changé la loi dernièrement, et… Enfin bref ! L’année de mes 18 ans ne fut guère digne d’intérêt. La vie à la BGU était toujours réglée comme du papier à musique, malgré quelques fausses notes certaines fois… (Jeu de mots, il fallait rire !)
Le seul changement dans ma vie morne et répétitive cette année-là, fut que je laissai tomber les sorties hebdomadaires entre copains. Finalement, je trouvais qu’aller rendre visite à Shoran de temps en temps n’était pas aussi ignoblement ennuyeux que ça. Donc lorsque Thephys retournait en visite à notre ancien orphelinat, je l’accompagnais une fois sur deux environ. Et croyez-moi ou pas, c’était loin d’être une corvée comme je le craignais au début.
Sinon, rester le soir à la maison (si on peut appeler ainsi le dortoir double que je partageais avec Thephys depuis six ans), à mettre les pieds sous la table après que le même Thephys ait préparé un de ces bons repas dont il avait le secret, ce n’était pas non plus désagréable. Figurez-vous que six ans durant j’avais raté ça ! J’aurais pu me mettre des claques lorsque je découvris que Thephys savait cuisiner (il avait appris avec Shoran), qu’il le faisait très bien en plus, et surtout que j’avais raté ça ! Et puis ça me faisait faire des économies, les repas à la maison coûtant bien sûr moins cher que les restaurants/bars dans lesquels j’avais pris la (mauvaise) habitude de faire des virées. Je suis quelqu’un de pragmatique. Et puis l’argent ne pousse pas sur les arbres, vous savez !
Hum. En fait… je vais vous dire un secret : l’argent pousse bien sur les arbres, mais chut, ne le répétez pas ! Non, je ne plaisante pas. Voyez donc le raisonnement implacable : le papier-argent est fait à partir de papier, le papier à partir de cellulose, et… d’où vient la cellulose à votre avis ? … Bingo ! Vous avez trouvé la réponse à la question à un million ! Oui, la cellulose est fabriquée à partir des troncs d’arbre. Conclusion : l’argent pousse en effet sur les arbres. Mais comme je vous l’ai dit : chut, ne le répétez surtout pas. Car les autres humains risquent de ne pas comprendre l’ironique drôlerie de cette situation.
Scène 3 : … Un an…
Contrairement à l’année de mes 18 ans, l’année suivante fut assez mouvementée. Et tout ça à cause d’une seule personne.
Vous souvenez-vous de ma fameuse "alarme" ? Celle chargée d’agiter le panneau rouge DANGER devant mon nez en faisant "Buip, buip !" à chaque fois que j’approchais trop près d’Alisyen Tarago ? Eh bien, je ne sais comment ni pourquoi, ce fameux garant de ma (bonne) conscience me laissa seul durant quelques temps. Il était peut-être parti en vacances à ce moment-là. Ou bien j’étais brusquement devenu sourd à ses avertissements, ayant décidé de les ignorer. De plus, vous avouerez qu’il était difficile pour moi de feindre éternellement l’indifférence devant ELLE.
Tout commença lorsque, par hasard ou non, j’entrai dans sa chambre et vis sa chaîne posée sur son lit. Oui, sa chaîne, la même arme qui devait me revenir après ma victoire sur elle lors de notre combat un jour d’hiver il y avait deux ans de ça. Le jour où j’avais bien failli y laisser la peau. Tout ça pour une chaîne qui ne m’intéressait aucunement. Et à présent, au lieu d’être en ma possession, voici que cette arme se trouvait tranquillement dans la chambre de sa première propriétaire. Elle y était d’ailleurs restée depuis deux ans sans que je le sache. Je ne sais pourquoi, mais ma première réaction à cette découverte fut de rire. Beaucoup. Puis, avant même que je ne saisisse complètement ce qu’il se passait, j’étais couché au-dessus d’Alisyen sur ce même lit, lui chuchotant qu’elle pourrait garder sa chaîne si elle m’en donnait une compensation satisfaisante. Et… je vais vous passer les détails sur ce qu’il se passa ensuite, mais je suppose que vous avez compris la nature de la relation qui s’installa entre cette jeune fille et moi.
Les premiers temps passés avec Alisyen furent… divins, parfaitement divins. Puis je m’aperçus que mon paradis n’était que le hall d’entrée dans la maison du démon. Au lieu de me faire partir, cela m’attirait et m’amusait, et je décidai d’explorer un peu plus l’intérieur de cette maison. Nous avons tous une part d’obscurité en nous. C’est un cliché mais un cliché peut être exact, la preuve.
Cela dura quelques semaines. Puis les rapports de force commencèrent à peser sur notre relation : chacun de nous voulait prendre le dessus sur l’autre, Alisyen étant aussi, sinon plus, têtue que moi. L’amour et le couple se construisent avec des compromis, paraît-il. L’amour manquait sûrement à notre couple. Toujours est-il que nos disputes prirent de plus en plus d’ampleur. Au début, ça m’amusait et nous nous réconcilions d’une manière fort agréable après chaque dispute. Mais plus le temps passait, et plus les disputes devenaient violentes et blessantes.
Si je n’étais pas parti avant, je suis sûr que c’est elle qui m’aurait finalement laissé tomber. Au fond, elle ne tenait pas tellement à moi. Mais le fait d’avoir été "lâchement abandonnée" par un homme, la seule et première fois que ça lui arrivait, fut une chose insupportable pour Alisyen et c’est pour ça qu’elle jura de me remettre la main dessus. Juste sa fichue fierté teintée d’arrogance, rien qui se rapprochait d’un quelconque sentiment tendre envers moi. Cela ne m’aurait pas déplu qu’une fille fût tellement attachée à moi qu’elle montrât l’acharnement dont Alisyen faisait preuve. Mais soyons réalistes, ce n’était pas de l’attachement. Juste une sorte de compétition pour déterminer le vainqueur d’un combat qui avait commencé deux ans plus tôt, un jour d’hiver dans la serre d’entraînement. Et qui n’était apparemment pas encore fini.
Ne croyez pas que je sois bon psychologue. Si j’arrive à comprendre aussi bien les motivations d’Alisyen, c’est tout simplement parce qu’elle me ressemble en bien des points. Qui se ressemble s’assemble. C’est ce qu’on dit. Mais ne dit-on pas aussi que les contraires s’attirent ?
Je ne comprendrai jamais ce merveilleux sens de la contradiction que les humains possèdent.
Scène 4 : Compte à rebours fini.
Finalement, le jour de remise des diplômes arriva. Je n’aurais jamais cru être aussi nerveux à ce moment-là. Je contrôlais parfaitement ma voix et l’expression de mon visage, alors tout le jour durant, je ne montrai qu’un visage impassible et une voix calme à tous ceux que je croisais. Mais la vérité pouvait se deviner à mes ongles horriblement rongés. C’était une très mauvaise habitude dont je ne pus me défaire que quelques années plus tard. Alors ce jour-là, les innocents qui souffrirent le plus de ma nervosité furent mes ongles. Puisse leur âme reposer en paix loin de leur corps mutilé.
« M. Traumen Laekh. »
La voix de l’examinateur résonna telle… telle quelque chose de très impressionnant (désolé, je manque de terme comparatif assez fort pour désigner ça) et je me levai pour répondre à l’appel. Ma voix calme et détachée me surprit moi-même.
« Présent, Monsieur.
- Veuillez me suivre pour l’examen final… »
Je paniquai. Un examen final ? Quel examen final ?! Tous les examens était passés depuis plus d’une semaine, le jury s’était déjà réuni, et les étudiants n’avaient plus qu’à attendre les résultats pour savoir s’ils seraient parmi les Gardiens désignés cette année-là, de "simple" diplômés de la BGU qui y auraient d’office une place d’instructeur, ou… des moins que rien. L’échec avait mauvais goût, je le sentais dans ma bouche. Je déglutis. Avec ma chance, ils avaient sûrement encore dû penser que j’avais triché durant les examens. Ou pire, mes résultats étaient si mauvais que j’allais mourir de honte sur place tandis qu’ils riraient tous de moi. Les oreilles de mon imagination me faisaient déjà entendre les rires moqueurs qui seraient bientôt ma croix à porter. Je me retins de ronger mes ongles car je me trouvais en public, mais je peux vous dire que mes doigts me démangeaient !
Je lançai un oeil aux alentours. Les autres étudiants qui étaient rassemblés dans la salle d’attente avec moi, me rendirent un regard perplexe. Eux aussi semblaient surpris par la mention d’un examen final. Regrettant l’absence de Thephys qui aurait pu me soutenir moralement (il avait été convoqué la veille, avait été désigné Gardien de la Lumière et était donc resté dans le dortoir à m’attendre aujourd’hui), je suivis l’examinateur dans la pièce d’à-côté. Là, il ouvrit une porte capitonnée à l’autre bout de la salle et me fit signe d’y entrer. J’obéis et passai la porte. Il n’entra pas à ma suite, se contentant de refermer la porte derrière moi. J’étais piégé comme un rat dans un navire sans ouverture, un navire qui était en train de sombrer irrémédiablement dans l’océan. Non pas que je me sente vraiment l’âme d’un rat, remarquez, mais...
« M. Traumen, je suis heureuse de faire enfin votre connaissance. »
Je regardai à gauche et à droite mais ne vis rien. Cela me surprit. En fait, je devais avoir l’air vraiment ahuri car la même voix, féminine, irréelle, sans visage, se mit à glousser de rire. Je baissai la tête. Je m’attendais à ça : j’avais complètement raté mes examens et à présent, la torture de l’humiliation allait commencer…
« Ce n’est pas ce que vous pensez, fit alors la voix en cessant de rire. Vous avez au contraire parfaitement réussi vos examens.
- Huh ? …Euh, je veux dire : je vous demande pardon ? »
J’avais la désagréable impression que cette voix… parvenait à lire dans mes pensées.
« Et c’est la vérité, vous avez deviné juste. »
Je sursautai à cette déclaration de la voix.
« Vous… pouvez vraiment lire dans mes pensées, alors ? demandai-je.
- Oui. Ou plutôt, je peux les ressentir. Comme si elles étaient miennes… »
Je lançai encore un regard aux alentours. La pièce était parfaitement éclairée, elle n’avait rien d’effrayant – en fait, elle était même assez accueillante. Il y avait un fauteuil de cuir beige dans un coin, en face d’une table basse dressée pour le thé. C’était un décor assez incongru pour un examen final, pensai-je.
« Voulez-vous un peu de thé ? me proposa la voix. Asseyez-vous, s’il vous plait, nous allons discuter autour d’une tasse de thé...
- Non, refusai-je avec audace. Il ne me plait pas de m’asseoir, de me sentir observé de la sorte, de savoir mes pensées… violées de cette façon ! Montrez-vous si vous voulez qu’on discute. Je ne parle pas à une voix sans visage ! »
C’était soit de l’audace, soit de la témérité, soit de l’inconscience, soit de la bêtise pure et simple. Car s’adresser ainsi à un examinateur (j’étais certain que la voix appartenait à celle qui était chargée de mon "examen final") et refuser d’obéir à cet ordre -très raisonnable- que venait de m’adresser un supérieur hiérarchique, constituait à la BGU une faute considérée comme grave.
La voix ne répondit pas, mais un mouvement se fit voir près du fauteuil. Il y avait une petite zone d’ombre à la droite du fauteuil, près du sol ; une toute petite zone d’ombre qui se mit à grandir, à s’étirer et à se déformer. Je restai immobile, à observer cet étrange phénomène. L’ombre devint plus sombre encore, jusqu’à acquérir la couleur des ténèbres les plus profonds, puis changea soudain de teinte. L’ombre était à présent couleur de feuillage, un beau vert foncé au milieu duquel quelques taches dorées apparurent. Une longue tunique, large et fluide. C’était une tunique vert foncé brodée d’or qui venait d’apparaître. Je levais les yeux vers l’endroit où devait se trouver la tête de l’être qui portait cette tunique. C’était une femme aux longs cheveux noirs tressés. Elle me sourit et désigna de la main le fauteuil à côté duquel elle se tenait.
« Acceptez-vous de vous asseoir avec moi à présent ? » me demanda t-elle d’une voix douce en s’avançant gracieusement vers le milieu du fauteuil.
J’acquiesçai de la tête et m’avançai à mon tour. Elle me tendit la main gauche puis se ravisa.
« Excusez-moi, je suis gauchère et parfois je me trompe de main… » expliqua t-elle avec un sourire en me tendant la main droite. Je la serrai sans un mot, encore sous le choc. Cette femme venait juste d’apparaître de nulle part !
« Bonjour, je suis la Gardienne de l’Ombre et vous êtes mon successeur, Laekh Traumen. »
Scène 5 : Lucia.
« J’ai… j’ai réussi mes examens alors ? » murmurai-je d’une voix incrédule, ma main droite serrant encore celle de la femme. Elle était plus petite que moi d’une demi-tête malgré les chaussures en velours vert, à talons hauts, qu’elle portait. Elle semblait avoir dans les 35, 40 ans tout au plus. Elle n’était pas une beauté exceptionnelle, mais elle n’était pas laide non plus et surtout, elle avait de magnifiques yeux d’un violet sombre. Ces yeux se plissèrent en un sourire, leur propriétaire se mit à rire doucement. Elle avait un joli rire, et il n’était pas moqueur. Nous nous étions assis en même temps, les mains toujours jointes.
« Pourquoi semblez-vous si surpris d’avoir réussi, M. Traumen ? me demanda t-elle en riant.
- Je-je ne sais pas, balbutiai-je. J’étais conscient d’être un élève plutôt doué… mais l’examinateur m’a appelé tout à l’heure en disant qu’il me restait encore un dernier examen dont on ne nous avait jamais parlé, et alors j’ai pensé…
- Que vous aviez échoué ? compléta t-elle.
- Oui. »
Elle posa son autre main sur la mienne en un geste rassurant. Je m’aperçus alors que depuis tout ce temps, je n’avais pas encore lâché la main que j’avais serrée lorsque cette femme s’était présentée à moi. Je me mis à rougir malgré moi. Elle rit à nouveau, me tapotant amicalement la main.
« Vous êtes vraiment trop mignon, dommage que je sois trop vieille pour vous ! plaisanta t-elle.
- Hum, pas… pas tellement en fait - Enfin, je veux dire… 15 ans de plus, ce n’est pas beaucoup - Non pas que je sous-entende que vous et moi, on devrait… - Ni que vous me déplaisez, au contraire! ... Euh, c’est-à-dire... Hum… »
J’avais envie de hurler. C’était bien la première fois que je perdais toute contenance. Et devant une femme en plus ! Argggghh !!
« Détrompez-vous, jeune homme, dit-elle tout à coup très sérieuse. J’ai largement l’âge d’être votre grand-mère. Et même plus. »
Je la fixai en levant un sourcil. Une grand-mère de 40 ans avec un petit-fils de 20 ans, était-ce techniquement possible ?
« Ne jamais demander son âge à une dame ! fit-elle avec un clin d’œil coquin en agitant son index gauche sous mon nez. Plus sérieusement, disons que physiquement, je fais plus jeune que mon âge. Bien trop jeune. » Elle soupira, un voile sembla passer devant ses yeux soudain attristés. Puis elle reprit vite un air joyeux, les yeux pétillants de vie. Elle commença à dégager doucement sa main de la mienne, je la lâchai bien vite en rougissant à nouveau. Et tout en gloussant de rire, elle s’empara de la théière pour nous en servir deux tasses.
« Au fait, je m’appelle Lucia. » dit-elle ce faisant.
Je souris devant l’ironie de la situation. Elle comprit tout de suite la raison de mon sourire.
« Je sais, c’est drôle n’est-ce pas ? Mon prénom est Lucia, il veut dire lumière et me voici Gardienne de l’Ombre ! La vie réserve tant de surprises…
- Oui, Madame, répondis-je, ne sachant que dire d’autre.
- Appelez-moi Lucia. Entre collègues, on peut s’appeler par nos prénoms, n’est-ce pas ?
- Pardonnez-moi de vous contredire, mais je vous considèrerais plus comme un professeur, plutôt que comme une collègue…
- Oh, vous les jeunes ! souffla t-elle en fronçant son nez d’une façon adorable. Vous êtes trop coincés, vous ne savez vraiment pas vous amuser ! Faites ce que vous voulez, moi je vous appellerai Laekh et pas la peine de protester ! [1] »
J’en restai muet de stupéfaction. Sans plus de cérémonie, Lucia me fourra une tasse de thé (avec la soucoupe en prime) entre les mains.
« Je sais que vous prenez votre thé nature, Laekh. »
Je me mis à regarder mon thé nature en clignant les yeux. Lucia ne me prêta pas attention, elle mit un morceau de sucre et un zeste de citron dans sa tasse à elle, et tourna le thé brûlant avec une cuillère d’argent qui était apparue soudainement dans sa main gauche. [2]
Tout en fixant cette étonnante femme par-dessus le rebord de ma tasse, je commençai à boire mon thé à petites gorgées, afin de ne pas me brûler avec le liquide encore très chaud.
« L’examen final est encore à venir, n’est-ce pas, Lucia ? »
Elle se tourna vers moi, apparemment ravie que je l’aie appelée par son prénom.
« En effet. Mais ne vous inquiétez pas, me répondit-elle en souriant. Vous le réussirez haut-la-main, j’en suis sûre !
- Pourquoi aucun des étudiants n’étaient au courant de cet examen final ? »
Et surtout, pourquoi Thephys ne m’avait pas parlé de cet examen, étant donné qu’il l’avait sûrement passé la veille afin d’obtenir sa fonction de Gardien de la Lumière…
« Parce que seuls les futurs Gardiens de l’Ombre doivent passer cet examen, répondit Lucia. Seule l’Ombre requiert un examen final. »
Je me demandai soudain si elle avait pu lire la pensée que j’avais eue à l’instant pour Thephys. Je décidai que le mieux était encore de ne pas savoir la vérité.
« ... Et donc, continuait Lucia, il est inutile de prévenir tous les centaines d'étudiants de la BGU si un seul d'entre eux doit passer cet examen. Surtout qu'il est très difficile...
- Je suis vraiment le meilleur de l’école alors ? Je… ça me fait plaisir mais ça me fait peur aussi, soupirai-je en fixant un point au-delà de la surface du liquide doré qui se trouvait dans ma tasse entamée.
- Vous n’êtes pas le meilleur de l’école, Laekh.
- Huh ? … Euh, je veux dire : je vous demande pardon ?
- Laissez tomber les formalités avec moi, jeune homme !
- Euh, bien, Mada… je veux dire, Lucia.
- Vous êtes si touchant ! Si mignon ! fit-elle en riant, à mon grand embarras. Je suis heureuse que ce soit vous mon successeur !
- Hum. Merci…
- Ce que je voulais dire, reprit-elle d’une voix plus sérieuse, c’est que le Gardien de l’Ombre n’est pas forcément le meilleur ou le plus fort de la BGU. C’est une croyance erronée, ou plutôt simplifiée à l’extrême. Il faut en effet être fort physiquement, avoir d’excellente connaissance en magie et passer tous ses examens avec brio. Mais ce n’est pas forcément "être le meilleur". C’est plus compliqué que ça. Cette Force en elle-même est aussi plus compliquée que ça. On l’associe avec le Mal, la Mort, la Destruction. On en a peur et on la respecte. Mais le Mal et la Destruction ne sont pas des Forces de l’Univers, la preuve : il n’y a pas de Gardien du Mal ou de la Destruction. Tout comme il n’y a pas de Gardien du Bien ou de la Construction… Si c’était le cas, vous imaginez le tableau ? » fit-elle en riant nerveusement.
Puis en singeant deux voix masculines différentes, elle continua : « Imaginez donc la situation : "– Bonjour, je me présente, je suis Gardien de la Construction ! – Vous êtes maçon, quoi… – NON, je suis Gardien de la Construction !" Oh, ce serait si drôle, Laekh… Si… simpliste. Mais l’existence et l’Univers sont plus compliqués… Le Bien et le Mal SONT l’Univers, ils ne sont pas des Forces distinctes ou enfantées juste après l’Univers, comme l’ont été l’Ombre et la Lumière. [3] Quant à la vie et la mort – l’existence en somme… La Vie n’est pas une Force, la Mort de même. Ce sont des Puissances que même nous les Gardiens ne sommes pas en mesure de contrôler. Nous pouvons juste leur rendre grâce de nous prêter leur Pouvoirs… »
Sa voix s’éteignit, elle n’était plus qu’un murmure lorsque Lucia prononça sa propre sentence : « Je sais que vous passerez l’examen final avec succès. Vous êtes mon successeur, Laekh. Alors moi, je vais bientôt mourir… »
*****
Remarques idiotes ou non :
[1] Quatre rimes en deux phrases. Lucia fait fort, là !
[2] Oyo…
[3] « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. (…) et l’obscurité régnait. (…) Puis Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut. » (Bible, Genèse) – NDLaekh : Bien sûr, ils ont oublié Utopia dans l’histoire ! Tss…
Notes de l’auteur : Plus embrouillé que le début de ce chapitre, vous ne trouverez pas ! *soupir* Je digresse, je digresse, et la fin d’un chapitre est si vite arrivée ! Ah làlà, heureusement que l’histoire a tout de même un peu progressé par rapport au chapitre précédent. Tout ça manque un peu d’action aussi. N’ayez crainte, vous allez bientôt être servis. Bien plus que vous n’auriez pu l’imaginer…
Et au cas où ça intéresserait une âme généreuse ici-bas, voici la… *roulement de tambour*
… Playlist ! (autrement dit : les musiques que j’écoute sur mon ordi en même temps que j’écris, juste pour le plaisir de surcharger la mémoire vive pitoyable de l’ordinateur susmentionné)
Sentenced – album "Crimson"
Garbage – 1er album
October Project – "Deep as You Go" (à force d’écouter cette chanson en boucle depuis ces dernières semaines, je pense qu’elle ferait un excellent thème musical pour Thephys)
Houko Kuwashima – "Somewhere" : il s’agit de la chanson-épilogue de "Slayers Try" que j’écoute en boucle aussi – mélancolique à souhait… *va se taper la tête contre les murs*
C’est *boum* la seule méthode *boum* pour me remettre *boum* les idées en place *boum* après avoir écouté *boum* de telle chansons… *boum* sentimentales... *boum, boum, boum* … Heh ? Tiens, le mur est en train de se fissurer… *perplexe*
A venir :
Acte 6 : Le Mal dans ma Tête (non, pas parce que je viens de me taper la tête contre les murs…)
*****
* Lire le chapitre six
* Retour au sommaire de cette fic
* Retour à la section des Fanfictions