La Bibliothèque de la ShinRa corp.
Navire sanglant
3
- Nous devrions tuer ce forcené, décréta Lucas.
- C’est indigne de gens civilisés, répliqua Tim Burton.
- Et ce qu’il a fait à Raimi, c’est digne de la civilisation ?
- En l’exécutant, nous nous rabaisserions à son niveau. De plus, les consignes sont formelles : on ne prend aucune décision d’importance sans la présence des Turks.
Jeunet frissonna.
- A présent, nous savons ce qui est arrivé à Columbus. Mc Tiernan a sûrement jeté le corps à la mer. Mais pourquoi a-t-il tué deux personnes ?
- Pourquoi ? rugit Lucas. Mais c’est un forcené ! Un timbré ! Il n’y a aucune logique dans ce qu’il a fait ! Peut-être qu’il était convaincu que Raimi et Columbus étaient des extraterrestre, ou bien les voix dans sa tête qui lui donnent des conseils lui ont dit de les assassiner. Un fou dangereux.
Jeunet baissa la tête. L’explication est plausible.
- Bon, ça règle tout. Mc Tiernan est enfermé dans l’une des cellules blindées sous vidéo-surveillance. Le Giger est bien le navire des Turks : savez-vous qu’il y a même de petites caméras cachées dans les toilettes ? Evidemment, les cabines de Reno, de Rude et de tous les autres connards sont dépourvues de caméras.
Ils se séparèrent. Jeunet se mit à errer lentement dans les coursives, laissant ses pensées vagabonder. Il faillit heurter Craven, qui courait à vive allure.
- Wes ! Fais un peu attention !
- Où étais-tu ? Je t’ai cherché partout.
- Avec Tim et Lucas. On a sorti Spielberg et Lucas des cellules sur ordre de Jackson ; nous y avons casé Mc Tiernan.
- C’est bizarre, Jean-Pierre. Je n’aurais jamais cru que Mc Tiernan soit un assassin. Et il paraissait tellement équilibré.
- On ne connaît jamais totalement les gens. Ca me rappelle, il n’y a pas longtemps, j’étais allé voir mon cousin à Gongaga…
- Epargne-moi ta vie de famille.
- A l’auberge, il y avait ce gros type avec une arme à la place du bras, un grand blond avec une énorme épée et la plus belle fille que j’aie jamais vu…
- Epargne-moi ta vie sexuelle. Et suis-moi. Je dois te montrer quelque chose.
- Enfin, le grand blond s’est réveillé, il était resté dans le coma pendant plusieurs jours…
Ils se hâtaient dans la coursive. Craven semblait très soucieux.
- Et alors, conclut Jeunet, le gros type a dit « Combien crois-tu qu’il y ait de gens dans ce monde qui se comprennent vraiment ? ». Ca m’a trotté dans la tête pendant plusieurs jours…
- Epargne-moi ta vie philosophique. Ecoute, Jean-Pierre, généralement, les gens apprennent qu’ils ne se connaissent pas eux-mêmes avant l’adolescence. Tu veux dire que tu n’y avais jamais pensé avant ?
- Peut-être que nous aussi nous sommes des psychotiques. C’est comme ces malades mentaux qui commettent leurs crimes dans un état second, et qui ne se souviennent pas de ce qu’ils ont fait… C’est de la lycanthropie psychologique.
- Epargne-moi ta vie psychologique. Tu ne t’es jamais réveillé avec du sang plein les mains ?
Craven s’arrêta et le considéra d’un air soupçonneux.
- Mais non, que vas-tu chercher là ? Ca me rappelle que mon cousin m’a dit que sa voisine lui a appris que sa sœur, qui vit à Canyon Cosmos, lui a expliqué que son mari lui a raconté…
- Epargne-moi ta vie sociale, fit Craven en reprenant sa route.
- …que son beau-père lui a confié que son grand-père savait que le voisin de son cousin au troisième degré…
- Comme ça, nous sommes certains que la rumeur est fondée.
- …disait à tout le monde ce que sa petite amie lui avait chuchoté : que près de Nibeilheim, elle avait vu un grand échalas vêtu d’une cape rouge se transformer en Bête Galienne.
- C’est quoi, une Bête Galienne ?
- Je crois que c’est un bipède à poil violet, apparenté aux Canines de Kalm ou aux Béhémoths.
Ils arrivaient à la salle de pilotage. Craven fit signe à son ami de se taire et s’approcha à pas de loup de la porte fermée. La voix impérieuse de Jackson retentissait sur le pont.
- Ce dément, marmonna Jeunet. Je préférait l’ancien capitaine, Stanley Kubrick.
- Kubrick était très ami avec Spielberg. C’est pour ça que quand il est mort, Spielberg s’est mis à faire de la navigation commerciale. C’est aussi pour ça qu’il déteste Peter Jackson. Mais Jackson est un bon capitaine, très courageux. Tu verrais son premier bateau… « Bad Taste », c’est son nom. Quelle coquille de noix ! Ensuite, il a été affecté sur « Feebles », un petit cargo sympa, mais qui puait le hareng. En plus, tu hais Jackson parce qu’il est sévère, cependant Kubrick, lui, était réellement tyrannique. Mais ce n’est pas pour ça que je t’ai amené ici, Jean-Pierre. Tais-toi et écoute.
Le capitaine était de très mauvaise humeur. Il s’adressait d’un ton maussade au technicien Argento.
- Matelot Argento, avez-vous envoyé le message aux Turks ?
- Dario aussi est minable, chuchota Jeunet. Tu te souviens de Joe d’Amato ? Ca, c’était un radio. Il est mort avant Kubrick.
- Chut !
Les voix pouvaient être entendues clairement : le capitaine et le technicien parlaient haut et fort.
- Oui, monsieur ! répondait Argento. Ils m’ont dit qu’ils ne peuvent pas venir tout de suite. Une Arme a attaqué Midgar.
- Quoi ! rugit Jackson. Mais j’ai de la famille là-bas ! ! !
- Et… un grand drame, capitaine. Un grand homme est mort.
- Quoi !
- D’après les premiers rapports, l’Arme qui a attaqué Midgar était l’Arme Diamant.
- Et alors ?
- Son cœur, en diamant, était apparemment totalement invincible. Cependant, un tir de Sœur Ray…
- Je me fiche de cette sœur !
- C’est le nom du Canon Mako de Junon, votre capitaine. Le tir a employé l’énergie Mako de tout Midgar. Il a pulvérisé le cœur de l’Arme Diamant, la tuant sur le coup. Son corps minéral a explosé près du rivage. Mais avant de mourir, le monstre a eu le temps d’aspirer les MP de tous les organismes vivants aux alentours et de les utiliser directement pour envoyer une salve de projectiles de feu sur la ville. L’un d’eux… l’un d’eux a percuté l’Immeuble Shinra.
Le capitaine Jackson avala sa salive.
- C’est ?
- Oui, capitaine. Rufus, fils du précédent dirigeant, nouveau Président de la compagnie Shinra Inc., est mort. On n’a retrouvé de son corps que deux tibias consumés, qui ont été protégés de la désintégration totale par un bureau de métal.
- Alors, c’était vrai, dit Jackson. La Shinra n’est plus que ruines. Il ne reste plus que le Directeur général…
- Il a disparu. On a perdu sa trace près de Junon.
- Heidegger et Scarlet. Nous ne pouvons rien attendre de ces imbéciles. Très bien. Ne révélez pas ces informations au reste de l’équipage, Matelot Argento. A leurs yeux, je ne serai plus alors qu’un commandant de papier.
- Et alors ?
- Ce n’est pas que j’aime particulièrement la charge de capitaine… En fait, je l’accepte pour éviter à d’autres d’assumer à ma place cette terrible responsabilité. Ah, j’y pense, Matelot Argento, faites un dernier essai avec le détecteur.
Ils entendirent un bip.
- Eh bien, nous avons réussi à retrouver Columbus ! Et autre chose de très intéressant… Entrez, Matelot Jeunet, Matelot Craven, n’ayez pas peur !
Pétrifiés, ils entrèrent dans le poste de pilotage. Jackson sourit faiblement en voyant leurs mines dépitées, mais il était très pâle.
- Si vous répétez ce que vous venez d’entendre, je vous jette aux requins.
- Vous ne pouvez pas cacher la vérité à l’équipage ! s’exclama Craven.
- Et pourquoi pas ? Je crois que c’est le grand penseur Terry Pratchett qui a dit que le Q.I. d’une foule est égale à celui de son membre le plus débile divisé par le nombre de participants ? Quel est le type le plus idiot de ce bateau, Matelot Craven ?
Craven réfléchit.
- Je pense que c’est le Matelot Simon West, capitaine.
- Vous estimez son intelligence à combien ?
- 75, mon capitaine.
- Il n’est pas aussi bête… Je dirais bien 90. Malheureusement, 90 divisé par 25, ça fait ?
- Je ne sais pas, mon capitaine.
- Pas de problème ; le Q.I. ne s’estime pas à la rapidité ni à l’exactitude du calcul mental, et c’est tant mieux, même si je considère, Matelot Craven, que le Q.I. en lui-même ne signifie pas grand-chose… Voyez-vous le problème ? Si je révélais la déchéance de Shinra Inc., la société que nous servons, à l’équipage, ils contesteraient immédiatement mon autorité, pour le plaisir. Ils voudraient débarquer à la plage la plus proche et aller s’amuser au Gold Saucer.
- Golden Saucer, mon capitaine.
- Voyez-vous le problème ? Vous faites déjà preuve d’insubordination. Ecoutez-moi bien, Matelot Craven, Matelot Jeunet, peu importe le nom de ce stupide casino. Que la Shinra tombe ou pas, les Turks reviendront dans quelques jours et s’ils nous trouvent au Wonder Square, nous mourrons, nos têtes incrustées dans les écrans des machines d’arcades. Ce n’est peut-être pas la manière la plus désagréable d’y passer, surtout pour des gens comme le Matelot West, mais je ne veux pas finir comme ça. Nous resterons donc à l’ancre ici, et pour ça, le meilleur moyen, c’est que vous teniez votre langue. La foule est toujours stupide. Parfois, cinq personnes suffisent pour obtenir des réactions parfaitement débiles, surtout si elles sont au départ un peu attardées.
- D’accord, capitaine.
Ils allaient franchir la porte, quand Jackson conclut :
- Un dernier mot. Je sais combien il est difficile de tenir sa langue. Je vous demande simplement de le faire jusqu’à l’arrivée de l’hélicoptère, dans quelques jours.
Craven se retourna.
- Pardon, capitaine… Vous avez dit que vous aviez retrouvé Columbus.
- C’est exact, Matelot Craven. Regardez cet écran. Chaque point accompagné d’initiales est un marin. C’est comme ça que j’ai su que vous écoutiez à la porte.
- Mais comment pouvez-vous nous détecter ? Même avec un radar, pour connaître l’identité de chaque signal ?
- Matelot Craven… C’est le bateau des Turks. Vous savez, votre visite médicale, chaque année ? Le vaccin anti-zombie est la clef de l’énigme. L’état anormal « zombie » existera peut-être dans quelques milliers d’années, mais pour l’instant, tous les morts-vivants sont des cadavres ressuscités par d’obscures pratiques. Ce que le médecin vous injecte, Matelot Craven, c’est une dizaine de nano-machines, qui envoient un signal radar particulier, aussi personnel qu’un code barre. Cet ordinateur retranscrit en temps réel les signaux en initiales correspondant à vos noms. Nous renouvelons les nano-machines chaque année, d’abord parce que l’alimentation énergétique ne dure que trois ans, ensuite parce qu’il arrive que malgré leur taille microscopique, elles soient détruites accidentellement : si elles passent dans les intestins alors que vous êtes aux toilettes, par exemple. C’est aussi la raison pour laquelle nous en injectons plusieurs. Matelot Craven, vous devez avoir dans votre corps plus de vingt nano-machines actives et une soixantaine dont les batteries ont lâché.
Craven s’approcha de l’écran. En effet, il y avait un point estampillé : « C.C. », tout près de la poupe.
- C’est la grande soute, gémit-il. Pleine de caisses, de poutres et sans aucune lampe. Vous ne le trouverez jamais là-dedans.
- Exact, Matelot Craven. Vous, par contre, vous avez l’air de savoir à quoi elle ressemble. Vous irez chercher le Matelot Columbus dès demain, accompagné du Matelot Romero et du Matelot Polanski.
- Et… si je puis me permettre, mon capitaine, deux dernières questions.
- Ca en fait déjà trop, Matelot Craven.
- Pourquoi Jeunet ne m’accompagnerait-il pas ? Et pourquoi avez-vous dit à Carpenter qu’il pouvait emprunter la Matéria « Sentir » de Clive Barker, pendant le dîner, alors que vous pouviez retrouver Columbus grâce à votre détecteur et aux nano-machines ?
- De temps en temps, un officier doit savoir asseoir son autorité, Matelot Craven. Attiser les rancœurs entre les membres de l’équipage est le meilleur moyen : diviser pour mieux régner. S’ils s’engueulent, ils ne discuteront pas vos ordres. C’est aussi pour ça que le Matelot Jeunet n’ira pas avec vous dans la grande soute : votre amitié me gêne.
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