La Bibliothèque de la ShinRa corp.
Navire sanglant
Préface
Tout d’abord, je vous remercie d’estimer mon travail d’assez bonne qualité pour le recevoir par e-mail : comme tout un chacun, j’apprécie beaucoup les encouragements. Ensuite, j’ai quelques détails à mettre au point. Vous pouvez voir ici la première apparition du Giger. Ce navire porte le nom du célèbre peintre, designer, sculpteur et responsable d’effets spéciaux H.R. Giger, de nationalité suisse. Il est notamment connu pour sa participation au film de Ridley Scott « Alien ». Giger n’est intervenu ni sur le scénario ni sur la conception de la créature, domaine réservé du scénariste hollywoodien Dan O’Bannon. Mais il a doté le fameux Alien d’un design cauchemardesque ; à ce sujet, je peux vous raconter une intéressante anecdote : l’une des principales caractéristiques du monstre, les tronçons de tuyaux fixés sur son dos qui n’ont aucune fonction réelle, n’est pas appréciée de Giger. Il a ajouté ces appendices pour « casser » la forme humaine, ce qui explique que dans « Alien 3 », où la créature adopte une structure de canidé, suite à son incubation dans le corps d’un chien, ils aient disparu. Au sujet d’ « Alien », vous aurez remarqué que l’intrigue suit la ligne principale du film : visite d’une épave, retour à bord du « vaisseau » (ici, le bateau), début de la chasse à l’homme, découverte de la duplicité de la « Compagnie » (dans l’original, la Weyland-Yutani : ici, la Société Mako Shinra Inc.), apparitions plus fréquentes du monstre, massacre de la majorité des membres de l’équipage, et pour finir, la destruction consensuelle de l’élément perturbateur. Pourquoi reprendre cette trame ? D’abord, parce que j’adore « Alien » ; ensuite, parce que la linéarité et la platitude du scénario ne sont en fait qu’un outil commode pour installer un suspense redoutable, mathématique, à l’issue aussi inéluctable que le mécanisme du piston géant de Fiorina 161 : la créature avance lentement, détruisant tous les obstacles un par un… et vous êtes sur son chemin. Ce ressort à l’efficacité incontestable a été ensuite repris dans la majorité des films du genre : « Predator », « Terminator », « Event Horizon » (reprenant pas mal d’éléments d’ « Alien » ; la seule véritable différence est qu’ici, l’Etranger est le vaisseau spatial lui-même), « Anaconda » (une série B récente d’une nullité confondante, que je ne saurais trop vous conseiller (bien peu de gens comprennent ma passion pour les navets))… et j’en passe. La série des « Alien », elle, a suivi son petit bonhomme de chemin, dans la meilleure tradition des séquelles hollywoodiennes : moyennes, prévisibles et au budget toujours plus grand. Est-ce un hasard si « Alien 3 », le seul épisode qui parvienne presque à égaler l’original, est aussi l’exception reprenant sa structure narrative ? Je vous offrirai à l’avenir d’autres nouvelles plus ambitieuses, et je travaille aussi sur une histoire particulière, d’envergure, à laquelle vous participeriez tous, le projet « SIB ». J’en profite pour vous parler d’autres sujets. Non, mon roman n’a toujours pas trouvé d’éditeurs. Contrairement à cette nouvelle, c’est une histoire d’envergure, même si elle n’est rien comparée à sa suite, dont j’ai déjà tapé plus de deux cents cinquante pages. Je ne peux vous parler précisément de l’univers que j’ai mis trois ans à élaborer, parallèlement à ma scolarité : sachez déjà qu’il est très riche et que… oups, j’allais dire quelque chose ! Pour cette saga, chaque personnage, chaque lieu, chaque monstre a fait l’objet d’un long travail de recherche et d’imagination qui a abouti à une biographie solide, et de plusieurs esquisses. Je pourrai à l’avenir récupérer cette titanesque documentation (elle déborde d’un tiroir de mon bureau, ma mère n’arrête pas de me dire de brûler toute cette paperasse inutile…) pour faire jeux vidéos, films (avec le moteur des jeux), bandes dessinées (je les ferai moi-même aussi)… Enfin, je vous en parlerai davantage lorsque le premier volume aura été publié ; je pourrais même faire de la pub en vous offrant un extrait d’un passage inédit du second volume, pourquoi pas ?
Mais cette petite préface commence à traîner en longueur. Merci à l’excellent magazine de cinéma fantastique « Mad Movies » pour ses photos qui m’ont permis de savoir à quoi ressemblaient les réalisateurs que j’ai décidé de recruter à l’insu de leur plein gré comme équipage du Giger. Merci à Mana_slash, qui a voulu m’aider dans mes copier/coller. Merci à SoulDragon, malgré certaines de ses remarques acerbes (selon lui, je ne consacre pas assez de temps au forum) qui m’ont déprimé. Merci à Yuffie (laquelle ? diront les habitués. C’est vrai, entre yuffie_kisaragi, YuffieO1 et les autres… comme les Clouds, les Yuffies se multiplient), qui a eu une discussion marrante avec moi à Noël ; ça m’a remonté le moral… Merci à [MrGlauque], qui me cherche tout le temps, mais sans jamais me trouver, et quand c’est le cas, je n’ai pas le temps de lui répondre… Merci à Blackdeath-C, pour son scepticisme inébranlable : « l’âme n’existe pas ». Et merci à tous les autres.
Bonne lecture !
Raphaël Lafarge/
DragonNoir
N’hésitez pas ! Pour les gentils petits mots, les lettres d’injures, les menaces de mort ou les déclarations d’amour, une seule adresse : CANNEROD@aol.com !
Je tiens à préciser que je ne consulte ma boîte aux lettres qu’une fois par semaine. Ne soyez donc pas offusqués si les réponses tardent à arriver.
Navire Sanglant
Titre définitif de la nouvelle d’abord désignée par le nom de code « Projet Water ». Produit bénévole et impossible à commercialiser.
Prologue
Le soleil venait de disparaître à l’horizon. Les nuages violacés avaient viré au gris ; le ciel était devenu d’une couleur uniforme, un bleu sombre et profond. Aucune étoile n’était encore apparue.
Dans la jungle, il se déroulait autant de drames que pendant la journée ; un lézard bleu s’approchait du villageois égaré qu’il venait de pétrifier ; des fauves dévoraient des macaques ; les grenouilles magiques se reproduisaient en embrassant d’autres êtres vivants, les transformant eux aussi en batraciens. Mais l’activité des prédateurs n’empêchait pas le silence de s’étendre progressivement sur la jungle, comme une chape de plomb.
La silhouette sombre, aux angles brutaux, de l’avion se découpait nettement sur le ciel nocturne. Il fendait l’air comme un oiseau mécanique de cauchemar, défi lancé à la nature, hommage à la technologie moderne.
Sur le flanc de l’avion, un idéogramme complexe souligné de la mention « SHIN-RA INC. ». En dessous, une marque : « Gelnika ». Il semblait se comporter normalement. Seul un léger panache de fumée sombre que l’engin laissait dans son sillage dénotait qu’il était en difficulté.
A l’intérieur, c’était la panique. Scientifiques engoncés dans des manteaux blancs, gardes en uniformes bleus et techniciens vêtus de gris couraient en tous sens en marmonnant des malédictions.
- L’échantillon a détruit la réserve de parachutes ! gémit Carson.
C’était un petit mécano fluet, à la voix enrouée. Il était d’autant plus inquiet qu’il connaissait leurs chances de survies. Les profs avaient réussi à maîtriser cette saloperie de monstre, mais il avait causé des dommages irréparables au réservoir de carburant et lancé une boule de feu qui avait cramé tous les parachutes. Il aurait voulu saborder l’avion, qu’il n’aurait pas fait mieux.
Il se hâta vers le cockpit. Andrew, le pilote, avait le visage baigné de sueur. Il lançait de frénétiques appels à l’aide dans la radio.
- Mayday ! May-day ! May-day ! Nous survolons Gongaga ! Nous souhaitons être repêchés rapidement. Prévoyez d’urgence un stock de Queues de Phénix, parce qu’il y a peu de chances pour qu’un seul d’entre nous survive ! Ca urge !
- Andrew, pourquoi « repêchés » ? fit Carson.
Le pilote se tourna vers lui. Il avait les yeux fiévreux.
- Je vais envoyer ce…
Il tira le manche à balai.
- …cercueil volant… dans la mer. Près de cette côte, le sauvetage ne devrait pas leur causer beaucoup d’ennuis.
- Mais nous allons nous noyer ! Le Gelnika est beaucoup trop lourd pour flotter !
- Pas de problème, Carson. Dans la soute, j’ai quelque chose qui devrait nous aider. Va le chercher.
Il donna un dernier coup au tableau de bord et saisit à nouveau le micro de la radio.
- May-day ! May-day !
Un grésillement retentit dans le haut-parleur, mais Carson ne comprit pas les paroles.
- Je m’en fiche ! rétorqua Andrew. Pas dans quatre heures ! Maintenant ! Et je me fiche aussi des problèmes actuels de Shinra Inc. avec ce groupuscule terroriste ! May-day ! Merde, c’est même pas ça ! My-death, connards ! My-death ! My-death !
L’avion subit une brusque secousse. Andrew désigna du doigt la trappe qui donnait sur la soute. Le mécano hocha la tête, ouvrit la trappe et plongea dans l’obscurité.
Une nouvelle secousse ébranla l’appareil ; la trappe se referma. Carson lança un petit sort de Feu pour éclairer la soute.
C’était une pièce très étroite. Plusieurs caisses de matériel scientifiques étaient alignées là. Mais le mécano n’était pas seul.
Un scientifique se tenait devant lui. Il avait un sourire dément et restait pelotonné dans des blocs gris qui ressemblaient à des matelas miniatures.
- Salut, Carson.
- Qu’est-ce que c’est que ça ?
- Les isolants qui protègent le contenu de toutes ces caisses. Ils suffiront à amortir le choc. T’es surpris, hein ?
- Vous mourrez noyé, de toute façon. Nous allons plonger dans l’océan.
- Je sais. Mais tu mourras, pas moi. C’est le pilote qui vous envoie chercher… ça ?
L’homme montra son poignet. Un bracelet argenté y était fixé. Du mithril. Le vif-argent, métal plus dur que le titane, plus malléable que l’or, plus précieux que le platine, totalement inoxydable. Mais Carson se doutait que ce n’était pas là ce que le scientifique désirait lui montrer.
Dans un renfoncement du bracelet de mithril était fixée une sphère violette, de la taille d’une balle de golf.
- C’est une Matéria Sous-Marin, dit l’inconnu. C’est très rare. Je survivrai donc au choc et à la noyade. Joli coup, non ?
- Pourquoi restez-vous terré ici ?
- Facile à comprendre, Carson. Si je sors de cet habitacle, tous ces crétins, pris de panique, se jetteront sur moi pour m’arracher les isolants et la Matéria Sous-Marin. Ils se piétineront, se battront jusqu’à la mort pour être celui qui survivra, et en fin de compte, tout le monde mourra.
- Vous ramènerez nos corps à la surface pour les ressusciter ?
- Des clous. Si je suis le seul à connaître les résultats des recherches, Shinra m’offrira une petite prime et un nouveau poste. C’est donc la dernière fois que tu me vois, Carson.
- Donnez-moi tout ça, salopard !
- Viens chercher le matos !
Tandis qu’il se jetait sur le scientifique, Carson sentit que le Gelnika plongeait.
L’avion disparut sous la surface de l’eau, dans une surface en U entre une large bande de terre et la région du désert. Il continua sa trajectoire sous les flots et s’écrasa finalement contre la paroi de la plaque continentale, avant de glisser et de sombrer dans les abîmes.
1
Costa Del Sol.
Une ville joyeuse, colorée, et cependant calme et reposante. Partout, les tons chauds du sable, de la brique jaune. Des pêcheurs, des touristes, des enfants, des filles en bikinis.
Le port de Costa Del Sol était à la mesure de l’ambiance générale. A une extrémité, l’héliport ; à l’autre, un hydravion rouge, qui pour quelque mystérieuse raison, stationnait là depuis des années. De grands cargos blancs étaient rangés sur les quais, et les marins s’agitaient en permanence pour charger les vivres et marchandises, débarquer les passagers, s’embarquer dans les bateaux… Cependant, depuis que des brigands avaient commis une razzia sur les provisions, les embarcations restaient immobiles. Un seul bateau était en état de fonctionner, de s’élancer vivement dans la mer et d’y disparaître : le Giger.
Le véhicule, qui portait le nom d’un obscur artiste de l’aube des temps, tranchait cruellement avec le décor ensoleillé. D’un noir étouffant, anguleux, patibulaire, c’était un grand cuirassé. Un aileron incroyable était fixé à l’arrière du pont. Le Giger avait l’apparence qui convenait à sa fonction ; c’était le navire des Turks.
Peter Jackson frissonna. Il était assez gros, avec un visage jovial, entouré d’une barbe noire hirsute. Ses lunettes, bien enfoncées sur son nez, étaient couvertes de sueur. Accoudé au rebord de la coque, il regardait atterrir l’hélicoptère de la Shinra.
Il finit par se décider. Il fallait descendre. C’était lui le capitaine.
Il courut sur la passerelle, se précipita vers l’hélicoptère. Un jeune homme mince, en costume noir tirant sur le bleu, avec une chevelure rouge foncé et une grande barre d’acier attachée au dos, venait de descendre.
- Excusez-moi, monsieur Reno…
Les yeux vifs du Turks le fixèrent.
- …Je… je n’ai pas pu les retenir…
- Que se passe-t-il ?
Seigneur, pensa Jackson, il n’a pas l’air dans son assiette. C’est bien ma veine.
- Ils… ils… l’équipage du b-bateau…
Saleté de bégaiement ! Il va me tuer.
- I-Ils… la moitié d’entre eux sont… p-pa-pa… p-par-p…
- Articulez, coupa sèchement Reno.
- La moitié de mon équipage est partie !
- Pour quelle raison ?
- L-Les ru-rumeurs selon l-l-l-lesqu-lesquelles… la société Mako Shinra va faire faillite !
Le jeune homme écarta une mèche rouge de ses yeux.
- Vraiment. Bon, personne ne peut les empêcher de partir. Mais à partir d’aujourd’hui, leurs maisons ne seront plus approvisionnées en Mako. Reste-t-il assez de personnes pour faire fonctionner le Giger ?
- B-Bien assez, monsieur Reno.
Un deuxième homme était descendu. Il était plus âgé et son crâne chauve, au-dessus de ses lunettes noires, luisait au soleil.
Sans rien dire, Reno traversa le port et monta sur la passerelle. Le Turk chauve lui emboîta le pas. Jackson s’empressa de les suivre. En retroussant sa manche pour voir l’heure, il ne fut pas surpris de constater qu’il avait la chair de poule.
Le pont du Giger était froid et fonctionnel. Une peinture malsaine à l’aérographe, représentant des tuyaux noirs et des bébés à têtes phalliques, ainsi qu’une jeune femme avec un curieux casque, décorait les murs, mais c’était bien la seule concession à l’art. Tout n’était qu’angle, arêtes, portes rectangulaires… Certains bateaux anciens, avec leur bois vermoulu, ressemblaient à des êtres vivants. Ce navire-là n’avait absolument rien d’humain, ce n’était qu’une machine noire comme la nuit.
Jackson retrouva les Turks debout, immobiles, près de la poupe. Ils regardaient la mer.
- La journée est belle, Rude, affirma Reno.
- …
- Par ce temps-là, je n’ai pas envie de travailler. Pourquoi devrions-nous tout sacrifier à notre boulot ?
- …
Le capitaine s’avança, mal à l’aise.
- Où allons-nous, monsieur Reno ?
- Suivez la côte. Un peu plus au nord, du côté du Golden Saucer. Nous cherchons une épave. Prévenez-nous quand vous l’aurez trouvée.
Le Giger démarra et accéléra rapidement. Il était énorme, mais assez aérodynamique, et pouvait atteindre à l’occasion une vitesse record. Il se stabilisa à 70 km/h. Curieusement, tandis que les bateaux habituels étaient souvent accompagnés par des bancs de dauphin, le Giger était toujours entouré d’une vingtaine de requins-tigres. Peut-être était-ce dû à l’aileron noir fixé près de la poupe.
Le navire dut ralentir pour s’engager dans une passe difficile. A l’ouest, une bande de terre retenait une portion de la mer entre elle et le continent. De tous côtés, ce n’étaient que falaises escarpées. Cette formation géographique avait été produite par la dérive des continents ; la passe était située au-dessus d’une faille dans la plaque tectonique.
Peter Jackson regardait le technicien Dario Argento.
- Vous êtes sûr ?
- Tout à fait, capitaine. Le radar indique que l’épave est tout au fond, coincée entre les deux murs.
Il appela la salle des machines.
- Ralentissez, les gars ! On y arrive ! On y arrive ! On s’arrête dans ce cul-de-sac.
Juché sur le moteur rugissant, Dean Devlin esquissa un sourire. Il cracha sur la diode verte indiquant que la radio était en fonctionnement.
- On est des pros, mon capitaine ! Mais pas question de ralentir maintenant !
- Vous vous prenez pour qui ? Si on ne s’arrête pas, on va s’écraser sur la falaise du fond !
- Désolé ! On a déjà modéré la pression il y a à peine vingt minutes. Si on baisse encore, on va tomber en rade !
- Vous serez virés ! Emmerich ! Raisonnez cet imbécile !
Roland Emmerich apparut près de Devlin dans un jet de vapeur. Il prit une clef à molette et entreprit d’ouvrir une vanne.
- Il a raison, mon capitaine. Pour prendre le risque de dépressuriser le réacteur, nous aurions besoin d’une petite prime de risque.
- Il faut aussi doser le carburant, rappela Devlin.
- Vous l’aurez, votre prime, fit la voix doucereuse de Jackson dans le haut-parleur. Mais encore une erreur comme ça et je vous jette aux requins.
La diode verte, toujours engluée dans le crachat de Devlin, passa au rouge. Certain que le capitaine ne pourrait pas l’entendre, Emmerich éclata de rire.
- Ce gros lard nous prend pour des idiots. Mais c’est nous qui l’entubons.
Il tira deux leviers avec ses mains calleuses, pleines de cambouis, pressa un bouton encrassé et le moteur se calma.
- Cette fuite du personnel a des effets néfastes sur tout le monde, rugit Jackson, sa barbe hérissée. Quand je pense que le transformateur, le réservoir de carburant, les accumulateurs et le réacteur Mako sont entre les mains de ces deux dangereux incapables !
Argento hocha la tête. Le capitaine sortit de l’habitacle ; la porte se referma en claquant.
Les deux Turks étaient toujours debout près de la poupe.
- Nous avons trouvé votre épave, leur annonça Jackson. Elle est tout au fond de cette passe.
- Très bien. Arrêtez le navire.
Le Giger possédait un équipement technologique de pointe. Radars, ordinateurs, détecteurs de mouvement, hélicoptère, mitrailleuse à l’avant, réacteurs Mako d’appoint à l’arrière. Sur un côté du navire, une petite grue portait un sous-marin de poche de dix mètres de long, pourvu d’un bras mécanique, de plusieurs caméras, d’une torche très puissante et de trois sas circulaires standards : deux sur les flancs et un au sommet. Quatre personnes pouvaient s’y loger.
John Carpenter effectuait avec satisfaction les derniers réglages. C’était un ancien du programme spatial maintenant spécialiste en sous-marins. Il avait un visage ridé et des cheveux d’un blanc neigeux. Le carburant, les batteries, tout était en place. Il vérifia les jointures huilées du bras mécanique, l’étanchéité des trois sas.
- Tout est prêt, annonça-t-il au Turk chauve qui surveillait les préparatifs.
Rude fila vers les cabines.
Reno venait d’enfiler un nouveau costume noir, le précédent étant imbibé d’eau salé. Il referma la garde-robe qui contenait une quinzaine de vêtements semblables à celui-là et vérifia son bâton renforcé. Pour une raison inconnue, cette arme s’appelait Garde de Princesse. Il l’avait achetée à 5000 gils après avoir perdu son précédent bâton, Contes de Fées, à Gongaga.
On voyait six orifices associés et un septième isolé. Il avait placé deux Matérias Super HP, une Matéria Restaurer, une Matéria de Feu couplée à une Matéria Tout. Mais il avait laissé les deux derniers trous reliés par une fente profonde libres pour une combinaison assez plaisante. Une sphère d’un bleu clair et une autre vert foncé brillaient de concert. Une Matéria Effet Supplémentaire et une Matéria Mystifier. Voilà pourquoi le bâton Garde de Princesse émettait une faible lueur rouge. Le moindre coup asséné avec cette arme rendrait son adversaire fou.
Un sourire cruel déforma sa bouche.
Rude ouvrit lentement la porte et entra dans la cabine.
- Reno, le sous-marin est prêt.
- Tu es plutôt loquace, aujourd’hui, Rude.
- …
- Je plaisantais.
Ils se glissèrent dans le sous-marin par le sas fixé sur le flanc droit. Reno tira l’écoutille à lui et activa tous les verrous renforcés. Avec un bruit sourd, le piston central coulissa et s’immobilisa au centre du sas, scellant la fermeture.
John Carpenter tira une molette avec difficulté. La petite grue lâcha le sous-marin. Il tomba en chute libre, pénétra dans l’eau et coula immédiatement à pic, suivi par des requins curieux.
Dans la minuscule cabine de pilotage, Reno ôta un grand panneau métallique pour dévoiler le tableau de bord. Il s’assit et se mit à siffloter. Ses doigts agiles jouèrent entre les cadrans, abaissèrent un interrupteur. De petites ampoules s’allumèrent. Un projecteur illumina une poignée tout en bas à gauche des commandes. Il l’abaissa.
L’hélice se mit enfin en mouvement. Le sous-marin de poche se redressa et fila dans les profondeurs marines.
Le faisceau blanc de la torche fouaillait l’environnement, lacérant à grand-peine les ténèbres bleutées. Quatre caméras s’agitaient sur les flancs du sous-marin noir.
Bien au chaud à l’intérieur, Reno était un peu inquiet. Il n’avait jamais souffert de claustrophobie, mais il était néanmoins perturbé à l’idée que lui et Rude étaient entourés de milliards et de milliards de litres, d’hectolitres d’eau. Et à une telle profondeur ! Sans la paroi d’un mètre d’épaisseur du sous-marin de poche, la pression les broierait comme les mâchoires d’un monstre préhistorique, les réduirait en miettes puis en bouillie. Il suffirait qu’il ouvre un des trois sas circulaires pour qu’instantanément l’engin ne soit plus qu’une carcasse remplie de la même eau qu’à l’extérieur, agrémentée d’un petit nuage de sang vite dissipé, de quelques fragments de chair et de quelques os disloqués.
Le plus énervant était le temps qu’ils devaient mettre à descendre et à remonter. Avec la différence de pression, il fallait laisser le temps à leurs organismes de s’adapter. Et ils n’avaient rien. Pas de lecture. Mais Reno ne bronchait pas plus que Rude. Car ils savaient pourquoi ils restaient calmes. Ils étaient des Turks.
Tout était d’un noir bleuté. Etait-ce cette obscurité proche de celle du ciel nocturne, la dernière chose que les passagers du Gelnika avaient vu ?
Il enfonça un bouton, manipula une languette de métal qui coulissait dans une fente du tableau de bord, et les cadrans divers frémirent encore. Enfin, sur l’un des quatre écrans, dans la lueur froide et vacillante de la torche extérieure, apparut une forme grise.
Ils se rapprochèrent. Le pilote avait bel et bien réussi à faire plonger son avion dans la mer. Sur l’enregistrement qu’on leur avait donné, Reno et Rude avaient pu comprendre la raison de cette action : il ne pouvait pas ralentir l’engin, ni atterrir. C’était vraiment le meilleur choix. Un petit détail, malheureusement, avait empêché Andrew et les passagers de rester en vie : le Gelnika avait sombré en plein cœur de la fosse océanique. A demi écrasé contre la paroi rocheuse, une aile tordue levée vers la surface, telle la main désespérée d’un homme qui se noie, l’avion avait une allure réellement sinistre.
Rude leva son poignet, où étincelait une montre en or incrustée de diamants. Reno s’était toujours demandé comment il avait pu se l’offrir ; il avait dû économiser pendant une vingtaine d’années avant de pouvoir la payer. Son bracelet large et épais comportait huit orifices à Matérias, et dans l’un de ces renfoncements, brillait une Matéria Jaune. Une Matéria Sentir.
Rude ferma un instant les yeux.
- Alors ? l’apostropha Reno.
- …
- L’état du Gelnika ?
- C’est assez étonnant. Il semblerait qu’il retienne une grande bulle d’air.
- Des survivants ?
- …
- Nous pouvons respirer ?
- L’air n’est pas vicié, puisqu’il n’y a pas de survivants.
Au moins, on ne peut pas dire que Rude parle trop. Il dit tout ce qu’il peut dire d’intéressant en deux phrases.
- Donc, pas de gaz carbonique, acquiesça Reno. J’ai étudié la conception du Gelnika. C’est typiquement Shinra, cet esprit pratique et prévoyant : les sas de notre sous-marin sont un standard de qualité, chaque véhicule et construction Shinra en a au moins deux. Ca permet la communication entre tous leurs produits.
Un slogan de Shinra Inc. lui revint en mémoire : « Energie Mako pour un monde meilleur ». Il réprima un éclat de rire et entama la manœuvre d’approche.
Comme un prétendant prudent, le sous-marin se mit à faire le tour de l’avion. Comme sur les plans que Reno avait étudiés, les sas circulaires étaient fixés sur les flancs. Il pencha leur submersible pour faire correspondre les trappes. Les aimants fixés sur le pourtour des sas s’attirèrent mutuellement. Pour clore ce baiser mécanique, Reno déclencha trois petits pistons qui sortirent du cercle de fer, pénétrèrent dans les orifices correspondant de l’autre côté, enclencha les aimants pour attirer les trois autres pistons du sas du Gelnika. De chaque côté, les extrémités des tiges furent serrées par des étaux implacable. A présent, les deux ouvertures étaient virtuellement la même.
Reno retira le piston central, qui vint se loger dans un rail à côté du sas, enleva tous les verrous, et poussa l’écoutille. De l’autre côté du cylindre, il tira la seconde écoutille.
Ils passèrent par le cylindre métallique constitué des deux sas avec une certaine nervosité et se retrouvèrent dans l’avion. De grandes taches de rouille s’étalaient sur les murs. De petites flaques d’eau jonchaient le sol. Ils étaient dans un petit passage obscur.
- Le couloir de la zone de recherche, fit Reno. Attention !
Rude sursauta et vit derrière lui une sorte de méduse verte qui s’apprêtait à bondir. Il lui assena un bon coup de poing et elle glissa sur le sol d’acier, inanimée.
- Un Caniche, constata-t-il. Des créatures marines hostiles ont élu domicile dans le Gelnika.
- Nos chances de retrouver des survivants, déjà proches du zéro absolu, disparaissent totalement, dit Reno.
Il s’approcha d’un corps. Le cadavre, couché sur le ventre, était humide, vêtu d’une blouse blanche. Deux Caniches étendaient leurs tentacules palpitants pour aspirer les fluides vitaux du corps, qui devenait déjà squelettique. La tête… le cadavre n’en avait pas. Le cou était collé contre la paroi, où coulaient une large tache rouge et des fragments de matière cérébrale.
Rude essuya ses lunettes.
Le choc a dû le projeter contre le mur, songea Reno. Mais il se rendit aussitôt compte de l’absurdité de cette déduction. Le sang était encore rouge. Il n’était pas mort depuis longtemps. Donc quelque chose avait envoyé le scientifique vers la paroi, à une telle vitesse que sa tête avait explosé. Ce n’étaient sûrement pas les Caniches.
Ils poursuivirent leur route. Le couloir faisait deux coudes et débouchait sur une petite pièce pleine de bidons rouillés. Reno y vit une petite tache de sang. Il s’accroupit pour l’examiner. Une porte claqua derrière lui.
Il se retourna. Un jeune homme à la tignasse blonde, aux yeux bleus, tenant une énorme épée incrustée de Matérias dans ses mains gantées, venait de pénétrer dans la pièce. Derrière lui, deux autres personnes.
Oh non, pensa Reno, pas eux. Pas AVALANCHE. Pas maintenant.
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