La  Bibliothèque  de  la  ShinRa  corp.

 

 

Larmes de Sang

 

 

Chapitre 3 : Ténèbres , doux ténèbres

 

J’ai mis un certain temps avant de sécher ces larmes et de commencer à rentrer . Ces larmes .

Elle avait porté la main sur moi . Elle m’avait même menacé . Ma mère était morte tout comme la sorcière en moi . A partir de ce jour , je me suis décidée de me consacrer uniquement à ma tâche de chef de Seed . J’avais choisi cette voie lorsque j’ai rompu mon serment . Et elle avait choisi sa voie , depuis peut-être plusieurs années ou peut-être en même temps que moi . Mais ma décision était prise comme la sienne . On était ennemie . C’était à celle qui tuerait l’autre . Finalement , je suis rentrée à la BGU , tout mon monde , tout ce qui me restait .

J’ai fait atterrir l’Hydre dans mon univers .

- Bon sang, Julia , où tu étais ?

Quistis avait dû s’inquiéter pour moi . Il est vrai que ma tentative de suicide remontait à une semaine . Une semaine . Une éternité plutôt . En une semaine , tellement de choses s’étaient passées . Si cela se trouve , Quistis avait crû que je ne reviendrais pas .

- Je voulais être seule pour réfléchir . Maintenant , Quistis , concernant l’affaire de ma mère , je prends personnellement le dossier en main . Et on fera comme Geyser dit , on l’élimine .

Je ne lui ai même pas laissé le temps de répondre que je me suis dirigée vers mon bureau .

Yan et Rachel étaient heureux de me voir revenir .

- On s’inquiétait .

- Ne vous en faites pas pour moi . Et laissez les dossiers . Il est temps que je rattrapes mon retard .

A partir de ce jour , je n’avais plus qu’une idée en tête . La tuer , me venger . Je l’ai traqué aux quatre coins du monde pendant deux ans sans relâche . J’arrivais tout de même à assumer toutes mes autres responsabilités que nécessitait mon rang . Quistis s’inquiétait pour moi . Elle trouvait que je faisais de ce dossier une affaire personnelle . Elle n’avait pas tort malgré que je ne voulais pas le reconnaître . Durant ces années , je me suis rapprochée de Quistis . Un soir , elle a été me voir dans ma chambre . Je pleurais ces larmes maudites . J’ai dû tout lui dire . Elle m’a consolée comme le ferait une mère , ma mère .

La presse l’avait appelé Ultimécia . Soi-disant qu’elle aimait tuer en sortant ses Ultimas . A mon avis , il devait y avoir une autre explication . Il n’y avait pas un mois sans que la presse ne parea d’elle . Dix morts à Deling City , le village de Winhill brûlé , une descente à Timber aux anciens studios télé . Elle allait dans des lieux qui avaient eu une signification pour Rinoa Heartilly . Elle devait avoir un repaire mais je n’arrivais pas à le repérer . De plus , on disait de cette sorcière qu’elle tuait uniquement pour le plaisir sans logique . On riait dans mon dos lorsque je disais qu’elle devait sûrement avoir un plan précis , que ce n’était pas son genre . Elle calculait tout . Pourtant , durant ses deux ans , je ne l’ai pas vu en personne . Elle réussissait toujours à se cacher . C’était un chassé-croisé qui a pris fin brutalement .

Un climat de phobie de la sorcière s’est installé . On voyait des sorcières partout . La peur qui venait du fond des âges . On traquait toute ce qui pouvait s'apparenter à une secte ou à une sorcière . Mais on félicitait le Seed qui arrivait à contenir tous ces gens sous pression . La presse faisait les éloges du Seed qui avait pris la menace au sérieux . Au début , j’avais essayé de cacher mes liens avec la sorcière . Mais on a fait des enquêtes . Finalement, j’ai été mise à jour . Les dirigeants des pays se sont mis à craindre cette sorcière qui avait un poste trop important . Finalement , leur verdict est tombé un matin . J’étais dans mon bureau . J’examinais le rapport d’une équipe qui avait croisé la nécromancienne .

- Et vous ne savez pas ce qu’elle faisait à Esthar ? Demanda la chef des Seeds de dix-huit ans .

- Non , mais elle a encore causé des morts . On se demandait si vous pouviez faire quelque chose vu que ... Désolé .

Je n’aimais pas qu’on me rappelle que moi aussi , j’étais une sorcière .J’avais encore mes pouvoirs bien que je refusais à m’en servir . Maintenant , je voulais que l’on voit en moi que le chef des Seeds . A la BGU , on savait l’importance que j’attachais à la menace Ultimécia . Finalement , j’ai congédié l’élève . Esthar . Pourquoi Esthar ? Rapidement , j’ai fait le lien avec les travaux de Geyser . Il travaillait sur le temps . Un pouvoir très tentant pour quelqu’un qui avait réussi à changer l’avenir de sa fille .

- Julia , j’aimerais te parler .

- Qu’est-ce qu’il y a , Quistis ?

Quistis m’avait toujours soutenu dans mes actions . Pourtant , je savais qu’elle n’appréciait pas que je m’occupe de l’affaire de ma mère . De plus , souvent elle avait dû calmer les opinions sur moi , la dernière sorcière . J’ai tout de suite senti la gêne chez elle .

- Ecoutes , j’ai parlé avec le conseil d’administration sur le problème . Et ... Tu es révoquée de tes fonctions ... Pour un temps indéterminée , je suis désolée .

Je n’ai pas protestée , je n’ai pas pleurée . La vie m’avait déjà tellement joué de tour qu’elle m’avait appris à me contrôler malgré mes sentiments intérieurs . J’ai seulement posé mon éternelle question .

- Pourquoi ?

- Ecoutes , tout le monde maintenant est au courant de la menace d’Ultimécia . Et on sait que tu es sa fille . Or , cela fait deux ans que tu la traques mais tu n’as jamais réussi à la retrouver . Je ne mets pas tes compétences en doute . Je sais que tu fais le maximum . Mais les gens commencent à avoir des soupçons , les dirigeants des pays . Moi-même , je crains que tout cela finisse mal pour toi . C’est pour cela que j’ai consenti à te muter .

Ce jour-là , mon univers s’est écroulé une fois de plus . Maintenant , j’ y étais habituée . Ce jour-là , j’ai vraiment compris la phobie qui s’installait dans la population . La peur qui remontait au temps anciens , la peur des sorcières .

- Mais tu peux rester simple Seed . Cependant , dans ce contexte de politique internationale , tu ...

- Je démissionnes . Si je restes , on fera tout pour me mettre dans l’ombre .

- Tu vas continuer à la traquer , n’est-ce pas . Tu sais , si j’ai accepté , c’est parce que cela me permettait de mettre un frein à ta vengeance . Cela va te jouer un mauvais tour .

- Quistis . Vous voulez m’empêcher de partir ?

- Ce n’est pas à moi de décider pour toi . Mais j’aurais préféré que tu restes là . Tu peux être si têtu .

- Oui , vous avez raison . C’est moi qui décide de ma vie .

Je suis comme ça . Quand je prends une décision , même si je n’ai pas pris la bonne , je m’y tiens jusqu’au bout et je l’assume . Je voulais continuer à m’occuper de mon affaire . Et le Seed , tout ce qui me restait , touet ma vie , m’avait rejetée . Durant toutes ces années , je me suis battue , j’ai rejeté mon côté de sorcière pour être la guerrière . Mais ce côté enfoui m’avait rattrapé à mon insu . Je n’avais plus rien à faire ici . On ne me voyait plus comme la chef des Seeds . On avait décidé pour moi que je devais être cette sorcière . Quistis a essayé de me retenir , de me raisonner mais je ne l’ai pas écoutée . Je ne l’ai plus écoutée .

J’ai été dans ma chambre . J’ai enlevé mon uniforme de Seed que j’avais mis souvent depuis deux ans alors que je n’avais même pas mis mon uniforme étudiant le jour de mon examen . J’ai remis mon éternel tenue de combat . Le jean bleu , ma chemise moulante . J’ai pris ma ceinture à laquelle était pendue mes épées et mon revolver . Un poignard que Quistis m’avait offert . Mes économies . Je me rappelle avoir jeté un sort de feu sur mon uniforme Seed . Les cendres , je les ai répandues dans la fontaine . Quitte à tout quitter , autant ne rien laisser derrière soi . J’ai marché vers le hall . J’avais mis vingt minutes à faire mes bagages . J’ai mis vingt minutes pour ranger ma vie et partir pour me venger .

Deux personnes qui ont tout de suite su ont essayé de m’arrêter . Mes éternels amis Yan et Rachel.

- Tu nous quittes ?

- Oui .

- Et nous , on ne compte pas assez pour toi ? Le Seed , c’est toute ta vie .

- Rectification , c’était ma vie et on m’a rejeté . Je reconnais que j’ai pas été un chef idéal . Mais on m’a enlevée tout ce qui me restait .

- Et nous ? Tu pourrais rester avec nous . On est une équipe , merde . Tu peux rester avec nous et laisser ton orgueil de côté .

- Depuis le jour où je me suis fait ça , en désignant mes cicatrices au poignet , j’ai renoncé à avoir des amis .

Depuis le jour de ma trahison ,je n’étais pas digne d’avoir des amis . J’ai marché en direction de la sortie . Je me rappelle avoir entendue des bruits de pas étouffés . Rachel qui courait sûrement pour pleurer son amie . Je ne sais pas puisque je ne me suis pas retournée .

Par contre , j’ai entendu .

- J’espère que tu arriveras à vivre seule , sorcière .

" On se bat par qu’on est seul pour se défendre " . Une devise qui pouvait s’appliquer à Seifer . Mon père , lui , se battait parce qu’il avait quelqu’un à protéger . J’ai toujours été plus ou moins seule . Oui, jusqu’à ce jour , j’avais réussi à vivre seule alors pourquoi ne pas continuer . Pourquoi lorsque j’étais plus petite , j’allais me réfugier dans la serre ? Parce que je voulais être seule . Longtemps , j’ai crû que c’était les événements qui m’avaient forcé à être une solitaire . C’était faux . J’ai choisi d’être seule et je le resterai . Je serai seule pour me venger de cette mère . Et ensuite , que ferai-je ? J’y ai réfléchi longtemps . Je n’étais plus une Seed . Je n’étais pas une sorcière non plus . Finalement, je me suis dirigé vers un endroit où on pouvait être seul pour réfléchir . J’ai pris un bateau pour Balamb . De là , j’ai pu rejoindre Centra . Durant le voyage , j’en étais arrivée à la conclusion qu’il fallait que je tue cette sorcière , pour me venger . Ensuite , on verrait .

L’orphelinat. Je me suis rendue là-bas . Le seul endroit où je serai tranquille , loin de tout et de tout le monde . Le calme , le silence , la solitude , les ruines . Cet endroit était à l’image de ma vie. Je suis allée vers la tombe de mon père au bord de la falaise . Je l’ai regardé . Puis je me suis assise , à côté au bord de la falaise regardant la mer . Je repensais au rare moment où je cherchais à deviner ce que ma mère cherchait lorsqu’elle regardait un paysage . Elle devait chercher un sens à sa vie . J’ai regardé les cicatrices sur mon poignet. A quoi bon vivre si on est seul ? J’ai sorti le poignard de mon sac . Sur le coup , j’ai peut-être voulu me suicider une fois de plus mais la vengeance m’a réveillé et j’ai jetée le poignard à la mer . J’étais là à attendre à côté de la tombe de mon père me retenant de pleurer pour ne pas souiller sa tombe par mes larmes . Je suis revenue à la réalité en un éclair lorsque j’ai senti son aura , l’aura de ma mère tout près . L’orphelinat , elle était toujours restée à l’orphelinat tout ce temps ! Je l’avais poursuivie aux quatre coins du monde mais elle était là . J’ai avancé dans ses ruines qui avaient connu pendant un temps des rires d’enfants . Elle était là . Elle se dressait là . Je la voyais de dos dans ce qui restait de l’entrée de l’orphelinat dans une robe couleur de sang . Elle ne m’avait pas entendu . C’était inespéré comme occasion . J’ai sorti mon revolver . J’ai visé le coeur . Le premier coup est parti puis les autres . Sans hésitation , j’ai vidé mon chargeur en même temps que j’ai laissé libre cours à mon désir de vengeance , de haine , de rancoeur . Tout s’était passé très vite et le bruit des balles avait troublé le silence des ruines . C’était fini . Tout était fini en ces quelques fractions de seconde . Ma vie était finie . J’avais tué mon ennemie et mère . J’avais du sang sur les mains . Une partie de ce sang qui coulait dans mes veines . Ma mère , celle qui m’avait donné la vie , j’ai pris cette vie . Mais j’étais apaisée comme ce jour où je me suis ouvert les veines et que le sang s’est déversé lentement . J’avais réussi . A la fois , j’avais envie de rire et de pleurer . J'avais envie de serrer ma mère une dernière fois et j’avais envie de brûler ce corps . Je me suis approchée de ce corps . Et , au fur et à mesure des pas , j’ai senti les larmes me monter aux yeux . C’est là que j’ai réalisé l’illusion , oui , l’illusion , il n’y avait pas d’autres mots . Des cheveux blonds .

Le sang de ma victime se répandait autours de ces cheveux couleurs d’or .

-Quis...tis ? J’ai tué Quistis .

L’arme était tombée de mes mains en même temps que moi dans ce sang ami et innocent que j’avais versé . J’avais franchi la limite une fois de plus . La limite qui sépare les sorcière du bien et du mal . J’avais rejeté depuis longtemps la croyance en un monde noir ou blanc . Mais , le fait était là . J’avais franchi cette limite imaginaire ou réelle selon les croyances . J’avais tué et de manière lâche . Une illusion . Ultimécia avait voulu que je tue la personne que j’avais respecté le plus . Moi-même , j’étais agenouillée dans ce sang , incrédule sur mon geste . Mes larmes sont venues sans que je m’en rendes compte . Elles coulaient le long de mes joues et se mélangeaient au sang que j’ai versé . C’est une voix qui m’a tirée de prostration . Cette voix que j'avais crû me débarrasser .

- Je suis déçue . J’aurais préféré que tu la tues avec la magie . Enfin , le résultat est là .

Ce jour-là , j’ai rencontré Cronos pour la première fois . Un lion gigantesque avec des yeux écarlates et étrangement dévoué à elle . Et moi , j’ai reposé mon éternel question , la même que j’avais posé à Quistis deux jours plus tôt à la BGU , cette question que j’avais posé dans une autre vie .

- Pourquoi ?

Mon pistolet était vide , j’avais encore mes épées . J’avais des sortilèges . Cette occasion que j’attendais depuis deux ans . Mais je n’ai rien fait . Je n’ai pas sorti mes armes ou ma magie . Je regardais simplement cette femme fière de ce qu’elle avait accompli .

- J’étais jalouse d’elle , je supposes . Après tout , c’est moi ta mère et ton aînée . Au moins , maintenant , tu comprends ce que j’ai ressenti lorsque j’ai tué Seifer .

Comprendre quoi ? Tuer . La joie et la douleur de tuer . Oui , après tout , ma mère avait tué de manière aussi lâche pour se venger de la mort de mon père . Elle avait été soulagée de savoir celui qu’elle aimait vengé . Mais elle avait connu la douleur des remords de cet acte . Moi , j’avais voulu la tuer pour me venger de ce silence , de ce sort , de ces morts . L’espace d’un instant , j’ai été satisfaite de cette mort . Mais , je regrettais cet acte . J’aurais regretté aussi si cela avait été ma mère .J’ai encore eu le courage ou plutôt la lâcheté de me défendre . Oui lâcheté de vouloir ignorer cette acte .

Désormais , je ne valais pas mieux qu’elle . J’ai tué au nom de cette même vengeance lorsqu’elle avait tué Seifer . Au nom de cette même douleur qui ne trouve pas d’écho . Et les même regrets face à la dure réalité . Il y avait seulement le fait que , moi , le sang que j’avais sur les mains était celui que je n’avais pas voulu . Et cela ne faisait que de renforcer la vision que j’avais . Tuer un être .

- Oui mais vous , vous saviez qui vous voulez tuer fit une voix.

- La petite fille trouve encore des excuses à ses gestes . Bon , parlons sérieusement .

- Je croyais que vous vouliez ma mort lorsque l’on s’est vue la dernière fois .

Je voulais mourir , une fois de plus . Je ne méritais pas de vivre .

- Si je te trouvais comme Seed . Mais là , je te trouve ... Seule . Aujourd’hui , de nous deux , je suis la plus heureuse . J’ai Cronos qui m’obéit . Je l’ai crée à partir de la bague de ton père . Et toi , peut-être .

Elle s’était approchée de moi toujours agenouillée près de ce corps sans vie . Ma mère marchant dans ce sang avec un sourire étrange à ses lèvres et une lueur de triomphe dans les yeux .

Pourtant , lorsqu’elle m’a parlé , c’était la voix de celle que je connaissais , cette voix triste et douce , celle de ma mère et pas celle de la sorcière .

- On est pareil toutes deux , seules face à ces humains qui ont peur de nous , qui nous ont rejeté . Regardes-toi . Qu’est-ce qu’ils t’ont apporté ? Des armes pour tuer , deux tentatives de suicides , ta démission de la BGU . Tu souffres seule et tu veux tout détruire , tu veux te venger , de moi , de toi , de tout . Moi , je suis bien pareille . Je veux te venger de toi , de ce monde qui nous rejette...

- Qu’est-ce que tu veux ?

J’avais crié cette phrase pour me ressaisir face à cette sorcière envoûtante , face à ma mère.

Sur le visage de cet être qui m’appelait ma chérie se lisait ce sourire , le même sourire que le jour où j’ai fait sa promesse .

- Tu souffres comme je souffre , tu trahis comme je trahis , tu survis comme je survis , tu te venges comme je me venge . Tu es seule , je suis seule . On est toute les deux seules . On est toute les deux maudites . Tu verses des larmes de sang comme mes ailes qui sont devenues noires . Je veux que tu te joignes à moi . Ensemble , nous aurons notre vengeance .

Elle avait dit cela d’une étrange voix . Ça n’avait pas été la voix de l’inconnue mais la voix , la douceur de ma mère . Se serrer dans ses bras , pleurer dans ses bras . Cela aurait été si simple . Si facile . Ce jour-là , on était étrangement proche l’une de l’autre , la fille et la mère , les deux sorcières , les ennemies des Seeds . Ce jour-là , tous les sentiments qui ont dominé dans les différentes étapes de notre vie sont remontés en même temps . La haine , le respect , l’amour , la peur . Je dois reconnaître que ce jour-là , j’ai été très proche de céder à ma mère , de ne plus être seule . Mais il restait une ombre au tableau . Ce jour-là , un fantôme s’était dressé devant moi , entre nous deux . Ce fantôme a sauvé le peu qui me reste digne d’être appelé une âme . Cette ombre , ce regard vert . Suppliant . Triste . Oui , il avait de quoi être triste . Cette petite fille prête à suivre sa mère simplement pour ne plus être seule . La sorcière l’avait sous-estimé . Le pistolet , il était vide . Mais la guerrière les avait encore .

- Dis à ton chat qu’il n’approche pas sinon je te plante cette épée .

Elle ne s’était pas entendue à ce que je bondisses pour me saisir d’une de mes épées et la plaquer sous sa gorge . A ce moment , mes ailes étaient apparus . Des ailes grises sous la colère . Pour le venger .

- Tu l’as tué . Tu l’as tué alors qu’il avait sauvé ta fille .

L’une de mes plumes était tombée à ses pieds . Elle l’avait fixée d’un air songeur , lointain . Les ailes de ma mère étaient blanches comme celles des anges au début de sa vie . Les miennes au début de ma vie étaient grises car je ne croyais en rien , je ne croyais plus en ce monde de l’enfance où on fait la distinction entre le bien et le mal .

L’incompréhension sur le visage de cette femme puis un rire , ce rire de folie .

- Lui , c’est donc à cause de lui que je ne te rallierai pas à ma cause .

Pourtant ,malgré son rire ,elle avait fait un geste de la main et Cronos s’était tenu tranquille . Elle avait senti la lame s'enfoncer dans sa chair . Mais elle riait , elle riait toujours . Elle voulait peut-être me déstabiliser . Je penses plutôt qu’elle riait de mes états d’âme . Car elle le sentait . Elle sentait mon hésitation .

- C’est moins simple de tuer quelqu’un de ses propres mains que de dos .

Ma mère , c’était ma mère qui m’avait parlé il y a quelques instants . Qui s’était confiée sur sa solitude . Et je pouvais la tuer . J’ai regardé le corps sans vie de Quistis . C’était si facile de tuer et cela m’avait soulagé l’instant où j’avais vidé mon chargeur sur ce corps . Mais , là , j’ai hésitais à recommencer . Je repensais à ma douleur . Ma mère malgré tout ce qu’elle avait fait , la personne qui me comprenait mieux que personne . Et si je l’a tué , je ne vaudrait pas mieux qu’elle . Quelqu’un qui tue pour apaiser les tourments de son âme . Quelqu’un qui tue et qui y prend plaisir . Quelqu’un qui s’habitue à cette douleur lorsqu’il prend une vie à tel point qu’il finit par ignorer cette douleur . Non , je ne voulais pas être cela . Je ne pouvais le supporter . Dans quelques années , j’aurais ignoré les scrupules qui m’ont assaillis ce jour-là . Mais , on n’y était pas encore . Il me restait encore le poids de ma conscience .

Finalement , j’ai pas osé et j’ai suspendu mon geste , acte de lourdes conséquences :

- Non , je ne serai pas comme vous . Et maintenant , que je ne vous recroise pas . Cette fois , c’est moi qui oubliera que je suis votre fille .

Et je l’ai repoussée de moi aussi loin que mes forces me le permettaient . La grande Ultimécia dans la poussière devant sa fille . Mes ailes ont disparu aussi soudainement qu’elles étaient apparues . J’ai rangé mon épée pour repartir ailleurs , quelque part , loin de tout ça , loin d’elle , loin de cette douce tentation de ne plus être seule . Je ne pensais pas qu’elle allait réagir . J’ai baissé ma garde dans mon désir de fuite . En digne manipulatrice qu’elle était , elle a profité de l’occasion . Cronos n’a même pas bougé .

- AAHH !

C'était moi , incrédule qui avait poussé ce cri . Un passage s’était ouvert sous mes pieds qui m'entraînait comme dans un sable mouvant . Je me suis accrochée à ce que je pouvais . A ce moment , j’ai repensé à mes tentatives de suicide . Mais là , les instincts s’étaient réveillés. L’instinct animal de défendre sa vie . Je me suis accrochais . Je l’ai vu se relever , essuyer sa robe . Au même moment , Cronos a bougé . Elle a caressé sa crinière puis s’est approché de moi . Son visage n’exprimait rien . Il me paraissait même trop calme . Une lueur brillait dans ses yeux d’or . Lueur de triomphe ou lueur qui éclaircit nos yeux lorsque l’on est sur le point de pleurer ?

- Voilà une preuve que l’on se ressemble . Chacune a sous-estimé l’autre .

Elle était là belle et digne dans la douleur . Car j’ai senti la douleur dans la voix . Cette voix qui me reprochait de pleurer des gens qui le méritaient pas selon elle .

- Je pensais que tu te joindrais à moi après avoir tuée cette femme . Au lieu de ça , je me retrouve sous le tranchant de ton épée . J’ai sous-estimé à quel point tu avais admiré ce Seifer . Mais toi , tu as sous-estimé le fait que je supprime les obstacles qui me gênent quel que soit le prix à payer . Je ne dirai qu’une chose . Je t’admire . Tu es restée fidèle à ce que tu croyais , à qui tu croyais . Tu es même restée fidèle à ta mère que tu n’as pas tuée . contrairement à moi .Car je ne suis pas fidèle à ma fille .
Elle a écrasé ma main qui était accrochée à un pan de mur de l’orphelinat en ruine . La porte temporelle m’a aspirée .

La dernière chose de mon époque que j’ai vu fut la larme qui coulait le long du visage de cette femme .

Aujourd’hui , j’erre dans le temps et l’espace . Car elle n’avait pas ouvert l’autre côté du passage temporel me condamnant à une mort qui s’appelle oubli et solitude . Je suis à la fois partout et nul part . Je suis à cette époque et je suis dans le présent . J’attends ici . Je survis ici . Je ne vois plus rien que moi au milieu de ce néant . Ainsi donc tout est fini ? Une larme coule le long de ce visage perdu dans le temps . Une larme rouge sang . Une larme de joie ou de tristesse . Joie ou tristesse de t’avoir perdue ? J’essuie cette larme . Mes yeux se perdent dans l’obscurité qui m’entoure . Ils se perdent en pensant à tous ces bonheurs perdus , une famille disloquée par la mort , le silence , les crimes . Pourtant , à une époque , nous avons été heureuse .

- A qui espères-tu que ces paroles arrivent ?

Je me retourne . Elle est là , cruelle et maternelle lorsqu’il s’agit de cette personne , de sa fille.

- Ultimécia ?

Elle secoue la tête comme si elle me réprimandait . Non , c’était :

- Mère .

Cette fois , chacune a pour l’autre le même sourire indulgent mais aussi ironique . Car désormais , malgré les routes différentes que l’on a choisi , on est seule prisonnière du temps , seules toutes les deux . Famille , tueuses , sorcières , seules . Le voyageur qui aurait pu remonter le temps aurait était surpris de voir au milieu de cet endroit hors du temps deux femmes assises dans le vide regardant les ténèbres qui s’étendaient devant leur regard . L’une avait un aspect excentrique et provoquant de par sa mise . Ses cheveux étaient blancs mais le visage encore étrangement jeune et beau . De même , ses yeux dorés transperçaient les ténèbres comme des éclairs . Elle affichait un air d’ironie mais aussi de chaleur vis-à-vis de l’autre femme .

L’autre fille était plus jeune . Pourtant , ses yeux profondément bleus avaient un éclat triste et résigné . Il échappait d’elle une étrange aura . Sa chevelure blonde tombait sur ses épaules comme un étrange fardeau . Malgré tout , son sourire avait quelque chose de sincère et presque heureux .

- Alors Julia Léonhart , cela fait beaucoup de temps .

Elle regardait toujours ses ténèbres . Mais elle ne cherchait plus quelque chose puisqu’elle savait qu’elle se tenait devant elle .

 

 

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