La Bibliothèque de la ShinRa corp.

 

 

Prolongement d'une scène du chapitre 14 de Point de Vue

 

 

Non-dits

 

 

Nous discutions de nos projets de vacances lorsqu’il attrapa soudain mon visage entre ses mains pour m’embrasser. En l’enlaçant, je remarquai à voix haute que son traitement était de mon point de vue aussi bien que des vacances, et mieux encore. En riant, il pencha la tête de côté en me tendant le cou pour que je l’embrasse à cet endroit-là. J’obéis sans me faire prier, en en profitant même pour chatouiller son cou avec le bout de mon nez. Il rit de plus belle, entourant ma taille de ses deux jambes pour me presser contre lui. Le visage toujours plongé dans ses longs cheveux, je continuai mes baisers dans son cou laiteux. Puis la tentation fut trop forte, je me mis à mordiller sa peau fine qui rougit sous mes dents comme une jeune mariée effarouchée. Thephys gémit et s’accrocha violemment à moi, ses doigts froissant fébrilement le tissu de ma chemise comme des naufragés qui cherchaient une aide, une prise quelconque. Je l’embrassai passionnément sur la bouche, il avait un goût particulier de poivre blanc, à la fois fort et doux, piquant et suave, inoubliable… une véritable drogue.

Le souffle court après notre baiser, il me répéta qu’il m’aimait, qu’il m’aimait de tout son cœur, de toute son âme, de toutes les fibres de son corps… Sa voix se perdit dans sa gorge quand il enfouit le visage contre mon épaule, en tremblant légèrement.

« Mon ange, tu me rends fou…, murmurai-je au creux de son oreille en caressant son dos agréablement tiède.

- Laekh… »

Sa voix avait pris une intonation plaintive, plus aiguë, presque douloureuse, qui m’angoissa.

« Qu’est-ce qui ne va pas, Thephys ? » demandai-je en prenant doucement son visage entre mes mains pour pouvoir regarder l’expression de ses grands yeux aussi clairs qu’un lagon limpide. Son regard semblait si triste que j’en eus presque mal…

« Thephys, qu’est-ce qu’il y a ?? »

Il secoua la tête en continuant à me lancer un regard désespéré.

« Tu ne m’as pas menti, tu ne me mentiras jamais, hein ! fit-il d’une voix suppliante. Jamais, hein… promets-moi que tu me diras toujours la vérité. Je t’en prie ! »

Après un court moment d’hésitation, je lui jurai un mensonge :

« Je ne te cacherai rien…

- Rien ? Jamais ? …Promis ?

- Promis.

- Tu m’aimes ?

- Oui, plus que tout. Plus que ma vie. »

Cette fois, je pus lui sourire car ce n’était pas un mensonge. Je tirai le col de son sweat-shirt pour en agrandir l’ouverture, dégageant ainsi sa gorge davantage, pour me permettre de l’embrasser, encore et encore. Il ronronna mon prénom, en passant ses doigts fins dans mes cheveux clairs, comme des papillons qui jouaient avec la lumière. Je le pressai contre moi, l’obligeai à s’allonger sur le bureau, ce bureau sur lequel il était assis, et me penchai sur lui pour l’étouffer de mes baisers. Relevant d’une main le bas de son sweat, j’embrassai et mordillai son ventre, l’autre main posée sur sa gorge.

« Hmmm, continue… » m’encouragea t-il avec gourmandise.

Mais au bout d’un moment, il se mit à gémir étrangement et à se tordre sous moi. Je sentais ses mains accrochées à mon bras qui essayaient désespérément de me repousser mais je continuai mon attaque ; j’étais tout à coup comme possédé, jamais je n’avais éprouvé un tel désir, violent, affamé, presque insoutenable, et qui me consumait comme les flammes de l’Enfer. Lorsque je m’aperçus qu’il gémissait de douleur en essayant de se dégager de mon étreinte, je m’arrêtai soudainement et me relevai. Il put reprendre son souffle et se remit assis, une main posée sur sa gorge. Il me regarda avec stupéfaction, ses yeux rendus encore plus grands par la surprise… non, par… l’affolement.

« Je t’ai fait mal ? demandai-je, ébahi.

- O-oui, admit-il. J’ai eu si peur… j’ai cru que tu voulais m’étrangler !

- T’étrangler ?! répétai-je avec panique.

- Tu… tu me serrais la gorge tellement fort…, expliqua t-il timidement. Je ne pouvais plus respirer…

- Oh, mon Amour…, appelai-je tristement. Pardon… je ne m’en rendais pas compte… »

J’embrassai doucement le bout de ses doigts, puis son front et ses yeux en lui caressant la joue du revers de la main. Rassuré, il se blottit contre moi en me souriant tendrement.

« Je te pardonne, Laekh. »

En posant les yeux sur le bureau vide qui servait de chaise de fortune à Thephys, je pus discerner nos silhouettes déformées par le bois mat : deux formes enlacées et emmêlées, qui refusaient de se détacher l’une de l’autre. Mais la vie ne laissait pas toujours les êtres qu’elle avait crées, faire tout ce qu’ils désiraient…

« Si je te perdais, j’en mourrais sur place… » murmurai-je, en ajoutant en pensée : "…mais je vais mourir bientôt de toute manière". Cela me fit rire doucement, et Thephys s’en étonna.

« Qu’est-ce qui te fait rire ? Pourquoi ? »

J’évitai de répondre à ses questions en l’embrassant à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’il oublie qu’il m’avait posé ces questions. Après avoir enlevé son sweat, il s’allongea à nouveau, sa peau nue se posant contre le bois comme une invitation qu’il m’adressait. Je ris en le mangeant des yeux.

« Je t’aime, Thephys.

- Et c’est sensé être drôle ? demanda t-il d’une voix presque boudeuse, le bras glissé sous sa nuque dans une posture provocatrice.

- Tu es à croquer, plaisantai-je en prenant une grosse voix. J’ai envie de te manger tout cru ! »

Ceci dit, je me jetai sur lui en rugissant pour le chatouiller. Il éclata de rire, se défendant à peine, me laissant de bon cœur l’avantage. Le bois crissa douloureusement sous le poids de notre jeu. En entendant ça, je grimaçai et pris Thephys dans mes bras pour l’allonger par terre.

« Tu te fais du soucis pour mon mobilier ? plaisanta t-il.

- Je te rappelle que c’est mon bureau, lui dis-je sur le même ton de plaisanterie. Si on le casse, je n’aurai plus qu’à m’asseoir par terre pour écrire… »

Il éclata de rire, en renversant la gorge. Son rire cristallin, chantant comme le printemps, ne le rendait que plus désirable à mes yeux.

« J’ai envie de toi…

- Ne te prive surtout pas alors ! » fit-il en riant toujours.

Je m’allongeai donc sur lui, pour l’embrasser, avant de le tourner sur le côté pour me glisser derrière lui et lui démontrer à quel point j’avais envie de lui…

 

Lorsque le dernier râle de plaisir quitta ma gorge, mes yeux se brouillèrent et ma tête devint si légère que je dus déglutir et cligner les yeux pour que ma vision redevienne claire. En haletant, le souffle court, je serrai Thephys dans mes bras, restai en lui encore un moment. Il tremblait, hoquetait en reprenant son souffle et sanglotait doucement, ce qui me causa un pincement au cœur.

« Je t’ai encore fait mal ? » demandai-je, vaguement honteux.

Il secoua vivement la tête en réponse :

« Non, pas du tout ! Je suis juste… tellement heureux. »

En reniflant comme un enfant, il tourna la tête vers moi et m’adressa un sourire lumineux. Je me retirai doucement mais gardai les bras autour de lui d’une manière protectrice. Puis de la main, je séchai ses larmes de joie et embrassai son épaule dénudée après m’être enivré de l’odeur de savon frais exaltée par sa peau moite après l'amour.

« J’ai toujours voulu te demander une chose…, commençai-je à voix basse. Thephys… est-ce que j’ai été le premier… ? »

Je le sentis se crisper dans mes bras, sans dire un mot pour me répondre. En réagissant de cette manière, il n’avait pas eu besoin de me répondre pour que je comprenne. Je soupirai avec mélancolie. Il posa une main sur mon avant-bras et me parla avec sérieux :

« Parfois, Laekh, le plus important… ce n’est pas d’être le premier, mais d’être le dernier. »

Il tourna à nouveau la tête pour me regarder du coin de l’œil, mais j’évitai son regard en baissant la tête et en enfouissant mon visage dans ses cheveux. J’inspirai plusieurs fois leur parfum de shampooing, en essayant de me convaincre que c’était Thephys qui avait raison : c’était futile d’avoir espéré qu’il n’avait jamais été amoureux de personne d’autre que moi. C’était futile d’avoir cru que tout comme moi, il n’avait jamais aimé avant. C’était futile mais ça faisait mal…

« Laekh…

- Ca va, répondis-je d’une voix sans émotion. Pas de problème. »

Il me caressa doucement le bras, je desserrai mon étreinte, subitement, comme par dépit. Il se retourna complètement vers moi pour me faire face et en prenant mon menton entre ses doigts, il me fit relever le visage. Je me forçai à lui sourire lorsqu’il me regarda tristement.

« Le passé n’est pas là pour être ressassé avec amertume, mais pour qu’on apprenne…, me dit-il avec douceur. Pour qu’on apprenne à vivre dans le présent… en regardant vers l’avenir. Et Laekh, c’est… c’est avec toi que j’ai envie de construire l’avenir…

- Tu as raison, c’est l’avenir qui compte… » approuvai-je, en me retenant de répliquer que je n’avais hélas aucun avenir à lui offrir mis à part le deuil.

Il voulut m’embrasser mais je reculai le visage pour ajouter dans un murmure :

« J’ai eu tort de te demander de ne pas m’oublier si je mourais avant toi… En fait, j’espère que tu m’oublieras très vite, que tu m’oublieras aussitôt que je serai mort. »

En entendant ça, il articula dans le vide, sans émettre aucun son, les yeux agrandis par le choc.

« Je te libère de ta promesse, Thephys. Si je meurs avant toi, tu pourras m’oublier très vite. »

Il émit un gémissement plaintif qui quitta sa gorge avec peine. Apparemment, il était complètement désorienté par le ton sérieux que j’avais pris. En souriant avec résignation, je conclus alors ma déclaration par un baiser passionné, comme si ma vie dépendait de ce baiser. Et c’était peut-être bien le cas.

 

 

Retour