La Bibliothèque de la ShinRa corp.
Il est recommandé, pour comprendre le texte, d'avoir lu "Fantaisie Ultime" et "Point de Vue"
NB: Attention, ce texte est déconseillé aux moins de 13 ans. De plus, c’est du yaoi. Vous savez ce que ça veut dire, ok ? On ne vient pas se plaindre de ne pas avoir été prévenu, les garçons. Et on ne salit pas la moquette non plus en bavant de trop, les filles.
La nuit de toutes les âmes
Vivre avec Laekh était comme un tour permanent sur des montagnes russes. Les montées étaient vertigineuses, et les descentes… je ne voulais pas repenser aux descentes. Mais chaque haut annonçait un bas et les bas étaient autant de promesses de hauts à venir… Jusqu’à ce que le tour se finisse et qu’on se voit obligé de descendre du manège. Lorsqu’on connaît une telle griserie, on ne veut pas penser à sa fin… même si, sournoisement, on se dit que tout à une fin, que tout doit bien finir un jour ou l’autre…
« Mis à part mon amour pour lui. »
Je murmure cette vérité en lançant un regard convaincu à moi-même dans le miroir. Je me trouve très convaincant, me dis-je avec un sourire vers mon reflet. Je penche la tête sur le côté tandis que mon image dans le miroir en fait autant en plissant ses yeux clairs pareils aux miens. J’ébouriffe un peu la longue frange qui me tombe sur les sourcils puis je rectifie le grand nœud de satin rouge sang que j’ai attaché autour de mon cou.
En descendant marche par marche l’escalier de marbre qui mène au rez-de-chaussée, la conversation déstabilisante que j’ai eue hier avec Laekh me revient en mémoire et je dois promener ma main le long de la rampe de l’escalier, de peur de tomber. J’invoque une petite balle lumineuse, qui me suit en planant gracieusement au-dessus de moi pour m’éclairer le chemin. Mieux vaut prévenir que guérir. Et il faut nommer un chat un chat. La conversation portait sur Caelial d’ailleurs… et plutôt qu’une conversation, n’avait-elle pas plutôt été une réconciliation ?
Plus d’une semaine a passé, mais je peux revoir aussi clairement qu’à ce moment-là le visage furieux de Laekh tandis qu’il a empoigné Caelial par la peau du cou pour le secouer de toutes ses forces.[1] S’il avait tué mon animal que j’aimais tendrement, qu’aurais-je fait alors..? Aurais-je été capable de… le quitter… ?
C’était moi qui aurais dû continuer à lui en vouloir, mais au lieu de ça, c’était Laekh qui ne m’avait plus adressé la parole pendant près d’une semaine. J’ai tenu bon une semaine, puis j’ai craqué, j’ai ravalé ma fierté et je me suis jeté à son cou en retenant les larmes bien amères qui me restaient en travers de la gorge. Cependant, la réconciliation n’a pas été aisée, au contraire : Laekh peut se rendre parfaitement détestable quand il s’en donne la peine ! En tremblant de colère, j’ai même dû serrer les poings jusqu’à m’en faire mal aux articulations, pour me retenir de le gifler. Mais le baiser qui a suivi en valait le coût…
« Je suis désolé de te faire pleurer…, a-t-il murmuré ensuite. Mais je ne peux pas… pas… m’en empêcher… »
Ses yeux reflétaient le trouble de son ton de voix.
« Je t’en prie, Laekh, laisse-moi t’aimer…
- Est-ce que je le mérite seulement ? »
Une question simple, posée d’une voix calme, qui demandait une réponse sincère. A ce moment-là, je me suis écrié : « Bien sûr ! Bien sûr que tu le mérites !! »
L’instant d’après, j’ai ajouté en levant un index docte :
« De toute façon, l’amour ne se juge pas au mérite.
- Tu es très convaincant comme ça, Theph ! » a-t-il conclu en riant.
…Mais à présent, je ne peux m’empêcher de me poser à nouveau la question : le mérite-t-il seulement ?
Je secoue vivement la tête pour cesser de me torturer moi-même avec des questionnements blessants et sans fondement. Quoique… y-a-t-il de la fumée sans feu ?
Oui, lorsque Laekh s’est essayé à cuisiner la première fois.
A ce souvenir, je me mets à rire doucement en finissant de descendre l’escalier. Je me dirige sans bruit vers le bureau de Laekh à côté du salon. La porte entrouverte laisse un rayon de lumière blanche artificielle s’échapper vers le couloir sombre.
- Tu vois, la lumière recherche les ténèbres. Le tout, c’est de savoir si elle en est amoureuse, si elle peut les éclairer, ou si elle ne fera qu’être engloutie par eux…
- Oh mon Amour, tu dis vraiment des choses étranges parfois !
- … Si je peux te faire rire comme ça, j’aurais au moins réussi une bonne chose. Eh ?
Dans le couloir obscur, les yeux de ma mémoire revoient le sourire charmant que Laekh m’adressait tandis que je riais la joue posée sur son épaule. A présent plus que jamais, je me dis que sa motivation à ce moment-là n’était pas de me faire rire…
Je prends une grande inspiration comme si je m’apprêtais à plonger vers l’inconnu et pose la main sur la poignée de la porte.
- Est-ce qu’il le mérite seulement ?
- L’amour ne se juge pas au mérite.
Silencieusement, j’ouvre davantage la porte et je me glisse à l’intérieur de la pièce. Je n’avais pas allumé dans le couloir, car je voulais lui faire la surprise ; mais à présent que je le vois plongé dans un livre qui semble le passionner au point qu’en lisant il prenne des notes sur une feuille de papier posée à portée de main, je me dis qu’avoir allumé la lumière dans le couloir n’aurait pas changé grand chose… mis à part peut-être que je n’aurais pas pris inutilement le risque de me casser le cou dans l’escalier sans autre source de lumière que ma petite balle phosphorescente… qui s’est d’ailleurs déjà dissipée par elle-même à présent…
Avec un léger soupir amusé, je m’approche prudemment de Laekh qui continue à prendre des notes sans avoir remarqué ma présence dans son bureau.
Il avait toujours annoté les livres qu’il aimait dans leurs marges, jusqu’à ce que je lui dise que ça ne se faisait pas. Je pensais vraiment que c’était manquer de respect aux ouvrages que de faire ainsi. Il a d’abord cligné les yeux avec surprise, puis son visage s’est assombri : « Tu as raison, comme toujours. Je gâche toutes les choses que j’aime. »
J’ai senti mon cœur gémir lorsque j’ai entendu Laekh prononcer cette déclaration impitoyable. Je voulais le rassurer, lui rendre le sourire, le détromper… mais qu’aurais-je pu dire ?
Depuis ce jour-là, Laekh prend comme marque-page une feuille de papier libre pliée en accordéon et y écrit ce qu’il a à noter, sans plus toucher aux marges de ses livres. Une fois, il m’a même dit, avec un grand sourire sur le visage, que c’était en fait une bonne idée car ainsi, il laissait ses livres propres et qu’en plus, il avait plus de place pour écrire. Si je ne m’étais pas aussi bien tenu à cet instant-là, je crois bien que j’en serais tombé à la renverse.
Et maintenant, en m’approchant de Laekh et en voyant ce qu’il est en train de griffonner rêveusement autour de ses annotations sur papier, je dois me mordre la langue pour ne pas éclater de rire : il est en train de dessiner des marguerites sur son papier ! MON LAEKH est en train de dessiner des petites fleurs en lisant un traité intitulé : De l’utilité de la guerre !!
« Bonsoir, Thephys. Pas encore couché ? »
Je tressaille avec surprise. Sans lever les yeux de son ouvrage, Laekh vient de me parler… Qu’a-t-il dit, au fait… ? …Ah oui…
« Je ne voulais pas dormir avant de t’avoir donné ton cadeau d’anniversaire…
- Ce n’est que demain, mon anniversaire, réplique t-il les yeux toujours baissé vers son livre. Je vais finir par mal le prendre, que tu te trompes toujours sur cette date ! »
Je vois le coin de sa bouche se relever en un rictus sardonique. Je trouve un certain charme à son sourire ironique. Un charme certain, plutôt.
« Depuis trois minutes, nous sommes officiellement demain, Laekh. »
J’aurais pu rajouter "Et na !" ou bien "Et pan dans tes dents, mon Amour !", mais je crois bien que ça aurait paru par trop incongru…
Laekh tourne les yeux vers l’horloge murale qui marque minuit passé.
« Ah, en effet…, fait-il en approuvant lentement de la tête.
- Et moi, je vais finir par mal le prendre, que tu doives vérifier mes dires sur l’horloge et que tu ne tournes même pas les yeux vers moi ! dis-je sur un ton faussement boudeur.
- Voyons, mon Cœur, il ne faut pas mal le pren… »
En souriant, il se tourne enfin vers ma direction. Mais son sourire conciliant se fige sur son visage dès qu’il me voit, et il en oublie de finir sa phrase.
Maintenant, il me jauge des pieds à la tête avec un regard affamé en se mordant la lèvre inférieure. Etant donné sa réaction, je suppose que j’ai bien fait de paraître devant lui avec juste une chemise, blanche, longue, ample et baissée sur mes épaules dénudées, assortie d’un ruban rouge autour du cou… un paquet-cadeau assez spécial, en fait.
Je souris en penchant la tête sur le côté, d’une façon faussement candide.
« Bon anniversaire, Laekh. Tu as 21 ans, ça se fête, non ?
- Est-ce que je peux ouvrir mon cadeau tout de suite ? »
Sans attendre ma réponse, qui aurait de toute manière été plus qu’enthousiaste, il m’attire vers lui en m’attrapant par la manche et me fait asseoir en travers de ses genoux. Je garde la tête penchée sur le côté pour qu’il puisse jouer avec mon ruban de satin, qu’il enroule et déroule autour de ses doigts.
« Hum… je me demande ce que je peux faire de ce cadeau… Il est un peu encombrant, me taquine t-il en m’embrassant sur les joues.
- Tu en fais ce que tu veux, il est à toi… »
Je plonge dans ses yeux couleur glacier et frotte le bout de mon nez contre le sien.
« C’est vraiment l’un des plus beaux cadeaux qu’on m’ait faits…, susurre-t-il en embrassant mes lèvres et en défaisant le nœud autour de mon cou.
- Seulement l’un des plus beaux ? dis-je par plaisanterie.
- Oui. Parce que du chocolat noir, ça m’aurait plu aussi… »
Il se met à lécher ma clavicule comme s’il s’agissait en effet de chocolat savoureux. Je saisis son visage entre mes deux mains et approche ma bouche de la sienne en chuchotant :
« Laisse-moi te montrer que je suis bien mieux que du chocolat.
- Je ne demande qu’à voir ça, Thephys. »
Je l’embrasse avec passion en caressant sa nuque et j’entends son souffle s’accélérer, ce qui est bon signe pour moi. Mais pas encore suffisant, loin d’être suffisant…
Malgré la petitesse du fauteuil sur lequel il est assis, je parviens assez facilement à me tourner face à lui tout en restant sur ses genoux et en l’embrassant. Je détache enfin ma bouche de la sienne, passe les jambes autour de sa taille et enlève le pull épais qu’il porte avant de m’attaquer fébrilement aux boutons de sa chemise à manches courtes… Quelle idée d’être aussi couvert alors que c’est à peine l’automne et que la maison est chauffée !
Je laisse ma chemise tomber à terre avant de m’agenouiller entièrement nu, les jambes de chaque côté de ses hanches, sur le fauteuil. Je dépose sur ses lèvres souriantes un baiser rapide et sonore, puis je commence à défaire les boutons de son jean. Mais avant que je n’aie fini, Laekh saisit mes mains entre les siennes et les porte à ses lèvres. Il en embrasse chaque articulation avant de me renverser dangereusement vers l’arrière. Je sens mes yeux s’agrandir de surprise tandis que le tambourinement de mon cœur s’accélère avec délice.
Le sang commence à me monter à la tête, mes mains s’accrochent désespérément à celles de Laekh pour ne pas tomber. Mis à part mes jambes qui sont retournées s’enrouler autour de la taille de mon compagnon, je suis en équilibre total, tout le haut du corps dans le vide, la tête à quelques pouces du sol et mes cheveux détachés serpentant sur la moquette claire. Lorsque mon ami se penche en plus pour embrasser mon ventre, je me sens glisser de plus en plus vers le précipice alors je m’exclame d’une voix angoissée :
« Je…Je vais tomber, Laekh !
- Je te rattraperai. » répond-t-il avec sérieux en continuant à m’embrasser le ventre.
Je dois avouer que cette sensation est plutôt agréable… Je ferme les yeux et laisse mes mains s’échouer de chaque côté de ma tête, le bout de mes doigts râpant la surface à la fois rugueuse et douce de la moquette.
« Tu me rattraperas avant que je tombe ? »
Ma voix porte un ton tellement rêveur et doux qu’il m’étonne moi-même et me berce de sa mélodie.
« Je te rattraperai, répète Laekh à voix basse. Je serai toujours là.
- A jamais ?
- A jamais. »
Qu’il en soit donc ainsi. Je souris à cette pensée et me laisse aller à ce vertige merveilleux qu’on nomme aimer.[2]
« Alors, je suis bien meilleur que du chocolat, hein ? »
Blotti contre Laekh, je dessine du doigt sur la peau de son torse, moite de sueur après l’amour.
« Hmm… ça se discute…, répond-t-il d’un ton extrêmement sérieux en m’embrassant sur le sommet de la tête.
- Laekh !! »
En riant, je frappe du poing contre son épaule et m’écrie : « Sois un peu sérieux ! »
Ses yeux se plissent entièrement tandis que ses lèvres s’étirent en un grand sourire.
« Sérieusement, tu sais ce que j’aimerais faire maintenant ? » me demande t-il.
Je sens mes joues rougir en pensant à toutes les choses possibles qu’il pourrait avoir en tête en ce moment. Alors je demande d’une voix incertaine :
« Qu’est-ce que tu aimerais faire…?
- Aller à la mer.
- …… Hein ? »
Il me regarde droit dans les yeux en répétant :
« Aller à la mer. Je voudrais aller sur la plage. Maintenant.
- Tu plaisantes ?!
- Non, pas du tout.
- M-mais il est deux heures du matin, Laekh !
- Et alors ?
- On travaille demain…
- En partant tout de suite, on arrivera avant le lever de soleils, me coupe-t-il. Et on aura même le temps de petit-déjeuner avant de revenir pour reprendre le travail à l’heure.
- …Je… ne suis pas sûr que ce soit bien raisonnable… »
En fait, je pense que c’est tout à fait irraisonnable mais j’ai exprimé ma pensée en euphémisme car je suis de nature plutôt diplomate… Silencieusement, Laekh attire mon visage vers lui et m’embrasse d’une façon très convaincante. Vraiment convaincante, dangereusement convaincante…
« Je voudrais voir les soleils se lever, me murmure t-il ensuite, la joue posée contre la mienne. Les voir avec toi, mon Amour… »
Comment voulez-vous résister à une telle demande ? J’ai dans l’idée que je vais accepter de toute façon, mais je veux protester un peu avant, juste pour y mettre les formes.
« On pourrait voir le lever de soleils depuis la maison, Chéri. Ils se lèvent partout et pas seulement près de l’océan, tu sais ! »
A ça, Laekh répond par une moue boudeuse.
« …Mais si tu y tiens vraiment, on peut aller au bord de mer maintenant. Après tout, c’est ton anniversaire aujourd’hui... Mais il faudra rentrer tout de suite après. Et tu devras m’acheter le petit-déjeuner sur la route du retour ! »
Apparemment très content de mon compromis, il se relève et commence à se rhabiller.
« On y va alors ! lance t-il vers ma direction avec le sourire d’un enfant qui vient d’obtenir ce qu’il voulait. Dépêche-toi, Theph, dépêche-toi ! »
J’ai à peine le temps de me lever qu’il m’entraîne déjà en courant vers ma chambre.
« Habille-toi vite ! me presse t-il. N’oublie pas ton manteau, il va faire frais près de l’océan… »
Il attrape un de ses blousons accroché dans le couloir et se chausse en redescendant les escaliers. En voyant qu’il clopine dangereusement sur les marches tout en enfilant ses chaussures, je grimace.
« Fais attention, Laekh !!
- Pas de soucis, dit-il sans même se retourner. J’utilise la lévitation… »
En me penchant par-dessus la rambarde du premier étage, je m’aperçois qu’il lévite en effet à quelques centimètres du sol. Je soupire de soulagement, amusé de m’être fait du soucis pour rien.
« Prépare-toi, Theph. En attendant, je vais sortir la moto. Rejoins-moi devant la grille d’entrée, d’accord ?
- C’est entendu. »
Quelques minutes plus tard, arrivé en courant devant la grille d’entrée, j’entends le vrombissement de la moto de Laekh avant de le voir freiner devant moi dans un ignoble crissement de pneu. Il me lance un casque intégral que j’enfile, puis je monte à califourchon derrière lui sur l’engin. Il tapote affectueusement mon bras passé autour de sa taille, tourne à demi la tête vers moi et à travers la vitre sombre de son casque, j’imagine qu’il me sourit. Je pose ma tête casquée contre son dos et je me laisse entraîner à toute allure en direction de l’océan.
Faire des centaines de lieues pour simplement se rendre sur la plage et voir les soleils se lever ! C’est une folie, mais il est parfois si agréable de faire des folies en pleine nuit avec celui qu’on aime...[3]
Nous arrivons dans la station balnéaire vers les cinq heures du matin. A cette heure, la ville est bien sûr quasiment vide. Seuls quelques personnes obligées de se lever tôt ou de se coucher tard déambulent encore dans les hôtels, casinos et autres bâtiments réservés aux touristes. Même ces derniers sont pour la majorité couchés et dorment paisiblement dans cette ville qui tourne au ralenti puisqu’en ce moment, c’est la saison creuse du tourisme.
Après avoir garé son engin sur le bord du trottoir, Laekh enlève son casque et attend que je descende de moto avant d’en faire autant. Puis il range nos casques dans le petit coffre situé sous le siège, et enclenche la sûreté de sa moto. Nous faisons un petit tour en ville, main dans la main. Arrivés sur la place principale de la ville, nous nous arrêtons pour admirer le paysage nocturne aux alentours.
« Tu veux boire quelque chose, Thephys ? » me demande Laekh en montrant du pouce un bar qui reste ouvert toute la nuit.
Je presse doucement sa main dans la mienne et réponds silencieusement par l’affirmative en hochant la tête. Nous entrons dans l’établissement et nous nous installons à une table du fond[4]. Lorsque le serveur arrive, Laekh nous commande deux cocktails peu alcoolisés. Non pas parce qu’il sait qu’il devra bientôt conduire, mais plutôt parce qu’il sait que je ne suis pas très friand d’alcool fort.
Nous passons plus d’une heure attablés, à parler de tout et de rien. Puis un peu avant le lever de soleils, dès qu’il aperçoit l’horizon se peindre de tons orangés et pourpres, Laekh laisse quelques billets sur la table pour payer l’addition, il m’attrape par le bras et m’entraîne en courant vers la plage de sable gris. Lorsque nous y arrivons, le premier soleil est déjà presque visible en entier tandis que le second montre encore à peine ses rayons au loin.
Sans s’arrêter à la frontière entre sable et vagues, Laekh utilise la magie pour léviter et parcourt ainsi quelques mètres par-dessus l’onde. Lorsqu’il s’aperçoit que je ne l’ai pas suivi, il se retourne vers moi et me tend les deux bras avec un sourire invitant. Je vole, littéralement parlant, vers lui et le rejoins bien vite. L’océan calme semble être un immense miroir qui se teinte du sang solaire, au-dessus duquel mon aimé et moi planons de bonheur. Les métaphores et le sens littéral, l’ombre et la lumière, la folie du cœur et la raison de l’esprit se mélangent et se confondent sur fond de soleils levants. Et lorsqu’à ce moment-là Laekh me prend dans ses bras pour m’embrasser, je me sens mourir et renaître tout à la fois.
Le second soleil finit de s’étirer au-dessus de l’horizon, mes lèvres sont toujours liées à celles de Laekh et je suis emporté dans un tourbillon délicieux. Je pense d’abord que ce n’est que le fruit de mon imagination ou bien le résultat de l’alcool que j’ai bu, mais je m’aperçois ensuite que nous sommes vraiment en train de tourner sur nous-mêmes, la pointe des pieds touchant à peine l’eau.
Lorsque j’éloigne mes lèvres des siennes, nos deux corps pressés l’un contre l’autre cessent de tourner. Lentement, progressivement, ils s’arrêtent. Alors Laekh se retrouve en contre-jour, nimbé d’une lumière à la fois douce et aveuglante qui l’éclaire dans le dos. Je plisse les yeux pour pouvoir deviner sa forme irréelle et étincelante comme un troisième soleil dans mon horizon. Je passe tendrement la main sur sa joue et lui souris :
« Je t’aime, tu sais ?
- Je sais. Et ça me fait peur… »
Je fronce les sourcils d’un air désapprobateur :
« Il n’y a aucune raison d’avoir peur, Laekh !
- Si. J’ai peur… peur d’avoir un jour à choisir entre l’Univers et toi. Et de te choisir. Te choisir toi, sans hésiter. »
Ma désapprobation se mue en perplexité :
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
- J’ai peur de ce sentiment que j’éprouve… L’Univers peut bien s’écrouler, tant que tu es sauf, je serai totalement heureux. Si ton salut devait passer par le sacrifice de l’Univers en entier et de tous ses habitants moi y compris, je n’hésiterais pas à te choisir, toi. J’en suis certain, et c’est pourquoi j’ai peur, peur de cette certitude… »
Je reste silencieux. Je ne comprends pas bien, ou alors je crains de comprendre, alors je ne dis rien.
« Et toi ? me demande alors Laekh. Si tu devais choisir entre l’Univers et moi ? …Réponds-moi franchement. »
Cette folle et déstabilisante supposition me donne le vertige et je reste un long moment sans répondre.
« Je savais que tu hésiterais. »
Sa voix ne comporte aucun reproche, simplement une constatation… ou plutôt une confirmation de ce qu’il savait déjà ?
En souriant, Laekh me caresse doucement la joue. Puis il pose la sienne sur mon épaule.
« Voilà toute la différence entre nous deux, mon Amour, conclut-il à voix basse. L’hésitation. »
Je tourne et retourne la question dans ma tête : si je devais choisir entre l’Univers et celui qui représente tout pour moi… que ferais-je ?
« En définitive, peu importe qu’on fasse un choix bon ou mauvais... Tant qu’on en fait un. »
Sa voix me parvient comme dans un rêve tandis que je continue à me débattre dans cette interrogation : de l’Univers ou de Laekh, qui choisirais-je ? Qui ? Lequel ?
« Ce qui différencie vraiment les hommes, c’est l’hésitation avant d’agir. Simplement l’hésitation, Thephys. »
A la fin, j’envoie tout valser et je me dis qu’il est inutile de se poser ce genre d’énigme puisque je ne vais certainement pas avoir à faire un choix aussi déchirant que ça.
Cependant, malgré ma résolution de ne plus y repenser, ma raison continue à débattre contre mon cœur sur ce choix éventuel mais cruel à faire ; j’hésiterais, c’est certain. Puis je choisirais de sauver les innocents, en sacrifiant mon amour s’il le fallait. Puisque c’était mon devoir.
Ou bien… je laisserais l’Univers s’écrouler pour sauver Laekh. Il m’importe bien plus que tous les mondes réunis, de ça j’en suis certain…
Mais est-qu’il le mérite seulement…?
A vrai dire…… je m’en contrefiche éperdument, car l’amour fait fi du mérite, de la raison ou de la sécurité de l’Univers.
Soudain, je comprends enfin pourquoi Laekh a dit tantôt que cela lui faisait peur.
Notes d’Angie :
Bon, tout d’abord le titre : c’est une référence à l’étymologie anglophone du nom Halloween : All holies’ eve. C’est à dire la veille du jour des saints (la veille de la Toussaint, quoi). Et si vous ne le saviez pas encore, je vous rappelle que l’anniversaire de Laekh se fête le 1er novembre, le jour de la Toussaint.
[1] Référence à ma fiction courte "Quand vient la pluie". Pas indispensable de l’avoir lue pour comprendre celle-ci.
[2] Attention, le moment des acrobaties sur chaise est venu !! =D Mais vous n’en verrez que le début ! *ricane* (Désolée pour le commentaire idiot -et qui rime en plus- mais il fallait absolument que je le fasse… ^_^;; *lol*)
En fait, j’avais juste la flemme d’écrire le lemon, ce qui aurait rallongé le texte sans vraiment lui être très utile. Je vise avant tout l’utilité, voyez-vous. *sourire plein de dents*
[3] Naooon, aucun sous-entendu, voyons ! XD
[4] Pour pouvoir se tripoter tranquillement ! …….. Non, je plaisantais… =D