La Bibliothèque de la ShinRa corp.

 

Il est recommandé, pour comprendre le texte, d'avoir lu "Fantaisie Ultime"

 

Le Désert et le Papillon

 

 

On ne pouvait pas vraiment dire qu'il faisait noir dans cet endroit, seulement qu'il n'y avait pas de lumière, et par conséquent pas d'ombre non plus. Il n'y avait pas de paysage, seulement du noir, parfait et sans aucune faille. Ce n'était pas la nuit, ni le jour; lorsqu'elle élevait la main, elle pouvait la voir, donc ce n'était pas exact qu'il n'y avait pas de lumière... il n'y avait en fait aucune source lumineuse. Mais elle y voyait... Cette perturbante constatation était un démenti de toutes les connaissances scientifiques humaines, cela dépassait la compréhension! En fronçant les sourcils, la jeune fille se laissa tomber à genoux dans le vide, et atterrit dans le vide sans chuter. Pas le moindre souffle d'air ne caressait son visage, et pourtant, elle voyait ses longues mèches de cheveux noirs qui se mêlaient allègrement aux ténèbres environnants, qui volaient librement autour d'elle comme si elle était immergée dans de l’eau impalpable... On ne pouvait pas exactement nommer Ténèbres cet endroit car ce n'était pas de l'obscurité, simplement... le vide...

 

Est-ce que le Chaos ressemblait... ressemble à ça...?

Pourquoi suis-je ici? Comment suis-je arrivée ici..? Je ne... me souviens pas...

 

Elle éleva à nouveau les mains pour les scruter. Elle avait eu l'intuition que ses mains étaient la clé à ses interrogations. Maintenant qu'elle les regardait plus attentivement que tout à l'heure, elle s'aperçut que ses doigts étaient plus épais qu'ils n’auraient dû l'être. Plus longs aussi. Avec des articulations plus marquées. Des ongles coupés courts alors que les siens étaient d’habitude longs et manucurés...

… Des mains d'homme!!

Elle sentit ses yeux s'agrandir sous la surprise de la découverte. L'instant d'après, elle se demanda pourquoi elle avait été surprise... elle aurait dû s'en douter. Elle n'était jamais elle-même dans ce genre de "rêves" qu'elle faisait depuis quelques temps. Elle était... Thephys...

 

Oui, mon Double... Je suis lui. Mais...

 

Mais le duvet qu'elle voyait sur ses bras aux nerfs saillants était blond, pas brun! Sans même qu'elle ne sache quand elle s'était relevée, Angie se tenait maintenant debout, la tête penchée vers ses mains qui étaient retombées le long de son corps. Elle s'aperçut alors qu'une légère brise, qui s'était levée en même temps qu'elle, lui caressait les cheveux, mais elle ne voyait plus de longues mèches danser autour de son visage… Elle avait à présent les cheveux courts…? … Quelques mèches plus longues cependant lui tombaient sur les yeux et elle put en distinguer la couleur : des mèches à présent dorées comme le soleil de midi avaient remplacé ses cheveux habituellement sombres comme une nuit sans lune.

 

C'est logique. Je ne suis plus Thephys... Je suis l'Autre!

 

Elle se mit tout à coup à rire, la tête renversée en arrière, mais aucun son ne sortait de sa gorge. Elle riait tant qu'elle en avait mal aux côtes et dut s'arrêter pour reprendre son souffle et essuyer ses larmes d'hilarité.

Lorsque sa vision embuée de larmes fut redevenue claire, elle aperçut une forme au loin. Une personne dont elle ne voyait pas le visage, dont elle ne pouvait voir le visage… pourtant chaque détail du tissu richement brocardé de sa veste de style chinois, brodée de bleu marine et d'argent, lui apparaissait pourtant aussi clair et précis que passé à la loupe.

 

C'est logique. En se concentrant sur les détails, on perd de vue le tableau d'ensemble. C'est logique, tout à fait logique.

…Oh, et puis au diable la logique !

Mais… mais si je la perds, il ne me restera plus rien…

 

La personne sans visage avait de longs cheveux noirs, mais elle fut pourtant sûre qu'il s'agissait d'un homme. Il avait des épaules larges recouvertes d'une cape blanche qui s'enroulait au-dessus de sa tête et autour de son cou en un voile, une écharpe, un étendard majestueux qui contrastait comme un rayon de lumière avec les ténèbres aux alentours. En revanche ses jambes se perdaient dans l'obscurité ambiante, comme si cet homme en était sorti, comme s'il avait été tapi dans ce vide depuis le début, et qu'il venait d'en sortir.

La jeune fille fit un pas en avant, en direction de ce jeune homme sans visage.

"Jeune homme" ? Depuis quand savait-elle qu'il était jeune ?

Depuis toujours, peut-être...

 

Deedo, je te présente Istemis.

 

Il avait son âge...? Sûrement... Il avait à peu près le même âge qu'elle.

Elle...

Le tout était de savoir qui ce "Elle" représentait. Et qui était-Il, lui?

 

Une soudaine explosion de lumière l'aveugla, elle sentit que quelque chose venait de lui transpercer la poitrine. Elle ouvrit la bouche, un son étouffé en sortit douloureusement, tandis qu'un goût de fer, un goût de sang, se répandit sur sa langue. Elle tomba vers l'arrière. Cette fois, elle chuta. Une longue chute libre, sans personne pour la retenir, personne pour l'aider, personne...

 

Lorsque les Anges tombent, ils laissent derrière eux une longue traînée de plumes immaculées. Ils appellent ça la queue de l'étoile filante, ils ne savent pas qu’il s’agit en fait d’un ange tombé... tombé des nues, eh hé…

 

Elle tomba, laissant derrière elle une longue traînée écarlate de sang frais, son sang, dont elle voyait chaque minuscule goutte s'éloigner d'elle au ralenti; chaque goutte parfaitement ronde, une bulle de perfection... Cela ressemblait à l’intérieur de ces petites pendules faites d'huiles colorées qui jamais ne se mélangent, ces pendules particulières qui marquent l'avancée du temps en laissant s'échapper vers la surface une bulle de couleur.

Si joli...

Tous ses mouvements ralentis… Elle se trouvait peut-être bien dans l'eau d'une pendule après tout...?

Elle ferma les yeux et sentit son souffle s'apaiser lentement. Elle prononça quelque chose d'inaudible à ses oreilles, qui parla à son âme.

 

Il faut croire en ses rêves.

 

"Croire en ses rêves..?"

Ses lèvres avaient bougé et répété ces mots, mais aucun son n'en était sorti.

 

Je n'ai pas pu atteindre l'Equilibre car je ne pouvais pas y croire. Après ce que j’ai vécu, je ne pouvais plus y croire… Mais contrairement à moi, tu en as la capacité. Toi.

Moi ? Moi, je ne sais même plus qui je suis…

... Mais quelle importance, après tout, que de savoir qui je suis. C'est fini, j'ai fait mon choix et j'y ai adhéré jusqu'à la fin. La fin...

 

Elle eut l'impression de mourir doucement comme une flamme qu’on s’apprête à souffler au loin.

 

Si tu parviens à croire en tes rêves, tu maîtriseras parfaitement ton Pouvoir. Tu contrôleras l’Ombre, et alors l’Equilibre sera atteint…

 

L’Ombre…?

Laekh ? Laekh…

Ce prénom résonna soudain en écho et alla se perdre au loin.

La jeune fille ferma les yeux avec résignation, inspira une dernière fois, toute dernière fois, et… elle… expira…

Puis plus rien. C’était la fin.

Elle se sentit alors aspirée hors d’elle-même.

 

Alors c’est ça, la mort ?

… J’ai toujours su que ce n’était pas aussi effrayant qu’on le pense…

 

Elle se sentait si calme et paisible, elle sourit… lorsqu’un hurlement retentit. Un cri de douleur, de peine si forte qu’il l’ébranla dans toute l’âme.

Qui était en train de crier ? …Le hurlement semblait à la fois féminin et masculin, unique et multiple, désespéré et colérique.

Elle rouvrit les yeux et regarda en direction du cri qui retentissait encore et encore, qui se répétait comme s’il allait durer toute une éternité. Le paysage de vide et de ténèbres était inchangé mais un éclair l’illumina le temps d’un clignement d’yeux. Au loin, un coup de tonnerre assourdissant se mêla au cri de peine. Un second éclair aida la jeune fille surprise à distinguer une forme accroupie qui tenait dans ses bras la silhouette alanguie d’un être que la vie avait déjà quitté. La jeune fille reconnut le corps défunt comme étant le sien, malgré les courts cheveux blonds et l’apparence masculine que ce corps revêtait.

 

Une parcelle infime d’Ombre est présente en chaque être, sur chaque planète, dans chaque monde, qu’il soit réel ou onirique. L’Ombre est le dénominateur commun qui relie tous les êtres de l’Univers entre eux. Celui qui a en charge l’Ombre acquiert donc le pouvoir de voir la Vérité dans chaque être, de lire dans sa conscience au-delà des apparences, des mots et des mensonges… il se peut même qu’il entrevoie l’Avenir. Hélas, il peut seulement l’entrevoir, avant que la Destinée ne rabaisse son voile sur cet Avenir que nul ne saurait prévoir…

 

A présent, les hurlements s’étaient mués en sanglots étouffés. La silhouette accroupie avait enfoui son visage dans le cou du mort, ses épaules arquées tremblaient au rythme des profonds sanglots qui l’agitaient, ses longues mèches de cheveux noirs dénoués serpentaient sur le sol invisible comme autant de rivières de larmes sombres.

 

Mon pauvre enfant… Il faut apprendre à dire Adieu. Le plus tôt est le mieux…

 

Elle ne put retenir un sourire devant la rime qui venait d’être faite à son insu.

L’autre en revanche était loin de pouvoir sourire, toujours accroché convulsivement à son amour perdu à jamais. Ses longues mèches de cheveux se rassemblèrent, comme animées d’une vie propre, puis elles se muèrent en un grand serpent, qui avança vers la jeune fille en sifflant et goûtant l’air de sa langue fourchue. D’abord noir comme les cheveux couleur de deuil, le reptile changea de peau : il devint blanc et brillant comme l’ivoire nouvellement poli, en abandonnant son ancienne parure sombre qui s’évapora comme de la fumée sans feu. Les volutes de fumée dansèrent dans l’air un long moment, avant de se condenser en une forme… particulière.

La jeune fille pencha sa tête sur le côté en observant avec curiosité cette étrange apparition. La fumée avançait vers elle au même rythme lancinant que le grand serpent aux écailles argentées. Devenant plus lumineuse au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de la jeune fille, cette fumée ressemblait vaguement à un grand oiseau aux ailes déployées, à la longue queue[1] aux plumes majestueuses, un oiseau couleur de flammes bleues dont la forme se précisait de plus à plus. Jusqu’à ce que le phénix prenne définitivement substance et… fonde sur le serpent pour l’attaquer. La spectatrice, seul témoin de cette scène terrible, tressaillit. Le serpent se laissa faire et disparut sans réagir dans la gorge béante de l’oiseau… qui lui-même disparut finalement comme un rideau de fumée se dissipe au vent.

 

Je n’ai plus rien à perdre mis à part la vie.

 

La jeune fille se sentit elle-même devenir fumée, elle pensa qu’elle aussi se dissiperait à jamais pour disparaître (c’était peut-être tout simplement ça qu’on appelait la mort ?) mais au lieu de ça, elle eut ensuite l’impression de… revenir… de revenir sur ses pas… non, plutôt de… remonter… dans le temps…

On était revenu au point de départ ou presque : le vide aux alentours, sans lumière ni ombre, où on ne voyait rien qu’une obscurité totale mais où on pouvait pourtant facilement voir ses bras ou ses jambes simplement en baissant les yeux vers eux.

Mais à ce moment-là, la jeune fille était bien plus occupée à fixer les ailes frétillantes d’un grand papillon blanc qui voletait et tournoyait devant elle. Elle tendit la main vers lui, il se posa comme un baiser aussi léger que l’air sur son index où il demeura un court instant, puis battit à nouveau des ailes pour reprendre son vol. Il s’éloigna lentement, en marquant de courts temps d’arrêt, comme pour inviter la jeune fille à le suivre, attendre qu’elle arrive à sa hauteur.

Elle était sur le point de rattraper ce merveilleux papillon, lorsqu’il prit soudain feu et disparut aussi vite et silencieusement qu’il était apparu. La jeune fille s’arrêta net, regrettant la perte de ce nouveau compagnon si beau et gracieux, mais elle n’éprouva pas de réel chagrin. Après tout, ce n’était qu’un insecte, n’est-ce pas ?

 

Né d’un rêve, je mourrai oublié comme un rêve au réveil. Sans personne pour me regretter…

Certaines vies valent plus que d’autres…

 

Un vent violent se déclencha brusquement dans ce paysage de vide. La jeune fille éleva le bras vers son visage pour se protéger du vent qui gagnait en puissance au fur et à mesure, de plus en plus de puissance.

 

Le tout, c’est de savoir lesquelles valent le plus. Afin peut-être de mieux les éliminer…

 

Lorsqu’elle s’aperçut que ce vent à l’étrange force charriait du sable en quantité, notre amie décida de marcher dos au vent. Le paysage était partout vide, elle ne savait pas où elle allait mais elle continua à marcher, afin de ne pas se faire engloutir dans cette tempête de sable, et en gardant bien le dos au vent afin de pouvoir respirer… Et pourtant, malgré toutes ses précautions, le sable entrait dans ses yeux, dans son nez, dans sa bouche, l’asphyxiait, l’obligeait à cracher et à larmoyer, la faisait souffrir… Elle avait l’impression de se noyer…

Elle se trouvait peut-être bien dans l'eau après tout...?

Finalement, au moment où elle sentait qu’elle allait abandonner la lutte et se laisser enterrer sous ce monstre de sable, tout s’arrêta. Le hurlement du vent fut soudain remplacé par le silence le plus total, sans aucune transition, ni aucune logique. Et c’était bien ce qui rendait la chose inquiétante, voire effrayante.

Le cœur battant la chamade, la jeune fille regarda avec hébétement autour d’elle pour essayer de se repérer. Ce qui avait été un non-paysage vide et déserté par l’ombre et la lumière, était maintenant devenu un désert au sens littéral du terme : partout on ne voyait que dunes sablonneuses qui se dressaient fièrement sous un soleil écrasant. A chacun des pas qu’elle faisait, la jeune fille s’enfonçait jusqu’aux chevilles. Le contact du sable était doux et chaud contre la peau nue de ses pieds, une sensation vécue presque sensuellement par la jeune fille, qui continuait vaillamment à avancer car elle avait aperçu un bref flash lumineux tout à l’heure. Comme elle était perdue dans le désert où toutes les directions semblaient se valoir, sa seule piste pour le moment était de se diriger en direction de ce flash de lumière, en espérant qu’il la mènerait vers un endroit plus accueillant.

Un autre flash, puis un autre se succédèrent. La jeune fille perdue pressa le pas, pour finalement se mettre à courir quand elle eut l’espoir qu’elle touchait enfin au but. Et lorsqu’elle le toucha…

 

Que… Qu’est-ce que… du verre… ? Une paroi en verre ??

 

Elle posa une main sur la surface en effet vitrée qui se dressait devant elle. C’était donc cette immense vitre qu’elle avait vue au loin se refléter au soleil… Elle leva le visage vers le ciel, mettant un bras en visière pour protéger ses yeux du soleil impitoyable qui dardait ses rayons directement sur elle. Sur elle qui semblait être le seul être vivant à des lieues à la ronde.

 

Cette vitre est vraiment… très haute… Je n’arrive même pas à en voir le haut… Hum… Elle paraît transparente mais je ne peux pas voir au travers… C’est peut-être un miroir sans teint. Oui, c’est sûrement ça. Sinon je pourrais voir au travers… Mais dans ce cas, pourquoi est-ce qu’il ne reflète rien, ce miroir ?? Ce n’est pas logique !

 

Elle toqua contre la glace, se demandant si derrière ce miroir, il y avait des êtres qui seraient là, à l’observer comme un animal de laboratoire. Elle ne put résister à la tentation de leur tirer la langue en grimaçant, pour se moquer d’eux au cas où ils seraient justement en train de la regarder.

 

Mais jusqu’où ce miroir peut aller comme ça… Peut-être jusqu’à la fin du monde ? Peut-être bien que la limite de ce monde n’est pas une couche d’atmosphère comme sur la Terre, mais bel et bien une frontière en verre…

 

Le coin de ses lèvres se releva en un sourire ironique.

 

Non… il y a sûrement une fin quelque part… Il y a une fin à tout. A tout. On va bien voir jusqu’où cette vitre peut aller…

 

Elle laissa la paume de sa main frôler la surface du miroir agréablement fraîche malgré ce soleil qui brillait toujours aussi impitoyablement. Puis le bout des doigts toujours en contact avec la glace, elle commença à marcher en suivant cette paroi de verre pour seule guide.

Un long moment de marche passa, puis en baissant par hasard les yeux vers le sol de sable, elle aperçut des traces de pas humains. Elle sursauta à cette découverte, d’abord effrayée par l’idée d’une présence étrangère, puis finalement rassurée de savoir qu’elle n’était pas seule dans cette situation. Si elle pouvait retrouver cette autre personne, elle pourrait peut-être s’en faire un allié. Ensemble, ils multiplieraient sûrement les chances de sortir de ce désert. Encouragée par cette perspective, elle se mit à courir en suivant les traces de pas pour rattraper celui ou celle qui en était l’auteur.

Au bout de quelques foulées, elle s’arrêta. Une intuition qui venait de traverser son esprit l’obligea à poser son pied menu sur une des traces de pas… juste pour voir…

Le pied et la trace correspondaient parfaitement.

 

Qu’est-ce que c’est que ça ! Non, ça ne peut pas…

 

Portant les mains à sa bouche, les yeux écarquillés, elle voulut hurler et pleurer. Mais elle fut incapable de faire ni l’un ni l’autre. Son esprit commença à analyser la situation d’après les indices dont elle disposait à présent.

Elle avait marché en suivant la paroi de verre. Les traces de pas dans le sable étaient les siens. Depuis la fin de la tempête de sable, il n’y avait plus eu le moindre soupçon de vent dans ce désert. Le soleil brillait d’une façon bien trop intense et égale. Il n’avait pas bougé de place dans l’horizon alors que des heures et des heures s’étaient déjà écoulées….

Les traces de pas étaient les siens… Elle était revenue sur ses pas, elle avait tourné en rond. Et comme elle avait suivi la paroi de verre, ça voulait dire que l’endroit où elle se trouvait était entièrement clos par ce miroir sans teint ni reflet…

Pas de vent, un soleil qui ne bougeait pas…. Ce n’était pas un désert normal. Ce n’était pas… pas un désert du tout.

 

…J’ai peur de comprendre…

 

Le sable près d’elle se mit en mouvement. En sursautant, la jeune fille s’éloigna, les yeux fixés sur la portion de sable qui semblait maintenant former comme un tourbillon d’eau… comme l’eau qui s’écoule dans le siphon d’une baignoire une fois qu’on a enlevé la bonde qui retenait le liquide dans le récipient.

 

Le sable s’écoule, il quitte le récipient… ou bien il va en rejoindre un autre ? Comme l’eau dans un barrage à plusieurs niveaux, peut-être… ?

…Je ne veux pas comprendre… Je refuse de comprendre !

 

Ce qui était tout à l’heure encore un soleil dardant ses rayons au-dessus du désert, disparut soudain et fut remplacé par… un couvercle de nuages striés de marron clair et de couleur chocolat. C’est ce que la jeune fille découvrit avec horreur en levant les yeux vers le ciel – ou du moins ce qui semblait être le ciel.

 

Non… non, non… ça ne peut pas être un s… NON !

 

Ca ne pouvait pas être ça !! Elle frappa des deux poings contre la paroi de verre, le visage levé vers le couvercle couleur bois ciré, tandis que derrière elle le sable continuait à s’écouler régulièrement… Avec une régularité…

 

Non, il ne faut pas que j’y pense ! Ce… ce n’est pas ça, c’est impossible ! Ca n’a aucune logique… Ou plutôt, c’est beaucoup trop logique !!

 

… Une régularité d’horloge… Une horloge qui égrenait le temps avec du sable au lieu d’un tic-tac mécanique. Une… horloge de sable… Un…

 

Non, non, NON !!

 

…sablier. Un immense sablier… Et le "ciel" marron au-dessus d’elle n’était qu’un couvercle de bois qui constituait le sablier.

 

Chronos. C’est l’un des noms sacrés qu’on donne au temps. Ce sablier qui influe sur le temps est donc tout simplement nommé "Sablier de Chronos". Je te le confie mais si tu le casses… tu devras en payer le prix.

 

La jeune fille était prisonnière d’un immense sablier… ou bien était-ce tout simplement elle qui était devenue minuscule… ?

 

L’illusion ne peut pas me faire de mal si je n’y crois pas. Je ne dois pas y croire… pas y croire.

 

En tournant les yeux vers le tourbillon de sable, elle s’aperçut qu’il avait cessé de s’écouler.

 

Je n’y ai pas cru, alors… ça s’est arrêté… ça… ça a marché. Ca a marché !

 

Un léger tremblement de terre se produisit – du moins, cela ressemblait à un tremblement de terre… La jeune fille tomba à plat ventre contre le sable. Elle se remit assise en toussant et en recrachant le sable qu’elle avait mordu lors de sa chute.

 

Ou alors… c’est quelqu’un qui a secoué le sablier… Heureusement qu’il l’a remis à l’endroit, sinon j’aurais été… je n’ose même pas imaginer ce qu’il me serait arrivé !

 

A peine venait-elle de penser à ça qu’elle vit avec horreur que… le niveau de sable remontait !

Le sablier dans lequel elle était prisonnière, était toujours dans la même position, il n’avait pas été retourné. En revanche, il semblait que le sable était en train… de s’écouler… à l’envers…

A l’envers ??

 

C’est impossible ! Un sablier ne peut pas s’écouler à l’envers ! Rien ne peut s’écouler à l’envers !! …A moins que… qu’il n’y ait plus d’attraction terrestre. Oui, comme dans l’espace…

 

L’Univers n’est pas l’espace. L’Univers est plus vaste et plus petit qu’on ne le pense : il tient dans notre cœur et nous englobe tous.

 

Dans ce cas, sans attraction terrestre, tous les corps peuvent flotter, voleter, et s’écouler, et que sais-je encore, et tout ça, dans la direction qu’ils veulent ! … Enfin, qu’ils aient ou non une volonté propre. Et pas sale ! Haha ! … Hum, ce n’est pas le moment de plaisanter. Et ce n’est pas non plus le moment de trop réfléchir à la logique de la situation... qui est en fait moins illogique qu’il n’y paraît…

 

Le niveau du sable montant de plus en plus, la jeune fille était à présent enfoncée dedans jusqu’au cou, littéralement parlant. Elle essaya de se débattre, de surnager, mais elle ne fit que s’enfoncer davantage à chacun de ses mouvements. Aussi, elle s’immobilisa et se força à réfléchir calmement.

 

Pas de panique. Penser à respirer… car bientôt je n’en aurai plus l’occasion. Haha, mon optimisme, vieil ami qui ne me quitte jamais, comme je t’aime !! …… Bon, suffit d’ironiser. Je vais m’en sortir, je vais m’en sortir. Réfléchissons. Eh, pourquoi je parle au pluriel, je suis seule ! D’ailleurs, je parle même pas, j’ouvre pas la bouche… Raaah ! Fichues pensées parasites, c’est pas le moment de venir m’embrouiller ! La situation est grave ! … Euh, mais pas désespérée, bien sûr que non. Je vais m’en sortir. Il y a une solution, il y a toujours une solution… autre que la mort… Enfin, j’espère… Argh !!

Alors, je suis dans une situation similaire à un pauvre type -ou plutôt une pauvre fille- prisonnière de sables mouvants. D’ailleurs, c’est l’expression appropriée : sables mouvants.

Que faire pour s’en sortir… je n’ai rien à quoi me raccrocher et sortir de ces sables. Pas de bâton, pas de racines qui dépassent… rien, que dalle !!

 

Pendant ce temps, le niveau du sable approchait de celui du nez de la jeune fille. Elle releva la tête aussi haut qu’elle pouvait, pour continuer à respirer aussi longtemps que possible. Même si elle se disait que c’était juste grappiller quelques misérables minutes de vie supplémentaires, elle le faisait, son instinct de conservation prenant le dessus sur toute logique. Mais après un autre moment passé dans l’angoisse, le niveau du sable était remonté assez haut pour pouvoir lui chatouiller tout de même le nez.

Il le lui chatouilla d’ailleurs tant et si bien qu’elle… éternua. Puis elle recommença, et encore. Elle éternua en salves.

Et elle eut l’impression étrange que cela lui faisait du bien, que cela la… libérait…

 

A force d’éternuer si fort, des larmes pointaient au coin de ses yeux. La jeune fille qui les avait fermés tout à l’heure les rouvrit à présent. Et tout avait changé autour d’elle : elle n’était plus prisonnière d’un sablier géant dont le niveau montait et menaçait de l’engloutir, mais plutôt prisonnière de… tiges de plantes à fleurs ?? Les tiges s’étaient enroulées autour d’elle, ne la blessant pas mais entravant tous ses mouvements… elle ne pouvait pas bouger d’un pouce !

Comment s’était-elle fourrée dans cette situation embarrassante ? Raaah, elle détestait les fleurs en plus, c’était bien sa veine !

A ce moment-là, un grain de pollen lui chatouilla la narine, Angie qui y était allergique éternua bien sûr. Au loin, elle entendit une voix masculine familière qui conseillait à Deedo de la délivrer de ces tiges. Elle ne put qu’approuver par un éternuement. Avant de hurler : « Deedooooo, sors-moi de lààààà !! »

Toute occupée à hurler pour qu’on la délivre de ces envahissantes plantes, Angie ne fit pas attention au magnifique papillon blanc posé sur une fleur près de là et qui semblait l’observer attentivement, en battant des ailes à un rythme… élégant… lent et mesuré… tellement d’ailleurs qu’il en devenait… hypnotique…

 

 

*****

 

Notes :

[1] Ne pas faire de remarque déplacée, ne pas faire de remarque déplacée, ne pas faire de remarque déplacée…

Bon, c’était bien obscur comme texte, hein ? J’espère avoir atteint mon but dans ce cas ! =D

Si vous parvenez à voir toutes les références qu’il y a dans ce texte, vous êtes forts ! Certaines références sont plus visibles que d’autres, qui seraient plus des clins d’œil que de vraies références en fait. De toute manière, la seule façon de les remarquer toutes, serait d’avoir lu, en vrac : la fin de Point de Vue, les chapitres 5 et 6 de Fantaisie Ultime, Errances, Petshop of Horrors (manga de Matsuri Akino), le dernier chapitre de Fantaisie Ultime (c’est pas demain la veille), Monster (manga de Naoki Urasawa), Card Captor Sakura (du fameux groupe Clamp)… Et encore, il y a peut-être d’autres sources que j’ai oubliées ! ^_^;;

Bref, si vous parvenez à comprendre tous les symboles que je me suis amusée (on s’amuse comme on peut) à glisser dans ce texte, vous êtes doués ! =D

Accessoirement, c’est juste une illustration (plutôt qu’une réelle explication) de ce qu’a vécu Angie, intérieurement parlant, lors du combat contre Deedo au début du chapitre 6 de FU.

Le sablier est un élément important dans Errances, il apparaît à la fin de Point de Vue et il est juste mentionné dans le chapitre 6 de Fantaisie Ultime. Quant au papillon blanc, il reviendra pour une courte apparition à la fin de FU…

 

 

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