La  Bibliothèque  de  la  ShinRa  corp.

 

 

Navire sanglant

 

 

7

 

 

La créature inconnue aperçue par Craven lorsqu’elle avait mis en pièces Romero n’était visible nul part. Mais de nombreux signes de sa présence pouvaient être relevés. En réalité, la grande soute ne ressemblait plus du tout à ce qu’elle avait été. Toutes les caisses de bois et boîtes en carton qui constituaient un inquiétant dédale lors de la précédente visite de Craven avaient disparu de la vaste réserve ; elles étaient à présent empilées contre les murs, les dissimulant complètement, leurs ouvertures tournées vers l’intérieur de la pièce. On aurait dit des casiers, ou plutôt des alvéoles, comme dans une ruche d’abeilles. Le reste de la pièce… Les différentes machines que contenaient les caisses auparavant étaient agglomérées en piliers, en poutres absurdes, qui se fixaient au plafond, aux murs, au sol, aux poutrelles métalliques. Cette toile d’araignée technologique était maintenue en place par les journaux. Les piles de vieux papiers rangées dans la cale avaient été mâchées, transformées en un immonde ciment gris et gluant qui enveloppait, recouvrait les parois trouées de centaines d’alvéoles et les épaisses arêtes traversant la pièce. La grande soute n’était plus qu’une immense ruche remplie d’un entrelacs absurde de piliers et de poutres d’acier baignée dans du papier mâché.

Tels des astronautes explorant une planète lointaine, Reno, Craven, Jeunet et Jackson avancèrent à pas prudents.

- Un nid, murmura Craven. Mais c’est quoi, ce monstre ? Une fourmi géante ?

Aux bouts de filins de papier mâché pendaient deux cocons blancs. Reno brandit sa torche électrique. Le premier cocon contenait un squelette disloqué. Le second… le visage en bouillie, le corps démembré, éventré, sanguinolent, il était pratiquement impossible à reconnaître.

- Ca doit être Romero, fit Jeunet. Reno, vous êtes sûr de pouvoir détruire cette horreur ?

- J’étais un Turk. Malgré tout, je ne promets rien : l’une des premières consignes que j’ai apprises, c’est qu’on ne doit jamais sous-estimer l’adversaire.

- Maintenant, nous savons pourquoi la chose a fait toutes ces poutres, dit Jackson. Elle y suspend sa nourriture. Mais à en juger par le nombre de poutres, elle envisage un véritable festin.

Il s’approcha d’une paroi. Toutes les caisses avaient leur ouverture tournée vers lui. Il regarda dans l’une d’elles…

- Il y a des œufs dans les alvéoles !

Craven s’approcha à son tour. Une sphère parfaite, d’un pourpre violent, grosse comme une tête humaine, reposait dans la caisse.

- C’est bien un nid. S’il y a un œuf dans chaque caisse et carton, la chose prépare une véritable invasion de la planète.

- Atchaa !

Après s’être assuré que le monstre ne les espionnait pas, Reno sortit tous les œufs de leurs alvéoles. Lorsqu’il les transportait, ils palpitaient doucement dans ses bras. Il les déposa au centre de la pièce et leva son bâton. Sept sphères brillantes y étaient incrustées. Mais celles qui étincelaient étaient une Matéria Feu de taille maximum, où dansaient quatre lumières, et une Matéria Tout qui n’était qu’au troisième niveau, avec trois lumières. Une fumée jaune monta autour de Reno.

Le grand amoncellement d’œufs violets s’enflamma brutalement. Les répugnantes sphères battaient comme des cœurs tout en se consumant.

- J’ai pu constater que vous disiez la vérité, Jackson. Mais il s’agit de retrouver votre monstre.

- Il n’a pas pu sortir, la porte était fermée !

- Il n’y en a pas d’autres ?

- Au-cune ! La grande soute n’a qu’une seule porte, et elle est restée verrouillée.

- Dans ce cas…

Reno se concentra à nouveau et les caisses de bois, les boîtes en cartons qui cachaient les parois se recroquevillèrent dans les flammes.

Les alvéoles avaient dissimulé une gigantesque déchirure. Le monstre avait confectionné une dernière « étagère » de casiers improvisés et l’avait tirée derrière lui lorsqu’il était sorti, pour les empêcher de découvrir l’ouverture.

- Quelle est cette direction, Jackson ? fit Reno.

- Oh… Les conduits d’aération. Ils parcourent tout le bateau. Ce monstre peut être n’importe où.

- Atchaa !

Tous se tournèrent vers Craven. Il sortait un Mouchoir de sa poche.

- J’ai le droit d’être enrhumé, non ? La cautérisation n’est pas efficace… J’ai le nez bouché depuis mon enfance, désolé.

 

En remontant sur le pont, ils entendirent un bruit d’hélices bien familiers. Ils coururent et virent que l’hélicoptère avait été remis en marche.

- Votre pilote s’affole, Reno ? lui demanda Craven.

- Nous n’avons pas de pilote. C’est moi qui contrôle cet engin, d’habitude.

Elena se précipita à leur rencontre.

- Reno ! Les empreintes digitales sur les manches des couteaux ! Ce sont celles de Yu !

- Comment ? Alors, c’est le monstre qui l’a manipulé…

En plissant les yeux, Craven parvint à distinguer quelles personnes étaient dans l’hélicoptère noir : c’était George Lucas et Ronny Yu.

- Lucas ! Yu ! Non !

Le marin obèse hurla pour couvrir le bruit assourdissant des rotors.

- Désolé ! Moi, je suis riche ! Je me tire de ce bateau de merde ! Bye, bye ! Et regardez…

Lucas brandit une grosse valise, un sourire aux lèvres.

- L’argent de la drogue ! Crétin de Jackson ! Pendant des années, il n’a pas vu que je restais sur le Giger simplement pour l’héroïne !

- L’héroïne ? fit Jackson, stupéfait.

- Je t’encule, gros porc ! Ouais, l’héroïne ! Le contrat qui me liait au capitaine Kubrick était une invention ! Je l’ai fabriqué en un week-end ! Je me doutais que tu allais me virer et aussi que si tu acceptais, par miracle, de me garder, tu ne comprendrais pas pourquoi, malgré ma fortune, je restais à bosser sur ce bateau de merde ! Alors j’ai imaginé ce contrat à double tranchant ! Des siècles que je t’encule ! Quelle belle couverture… le Giger, le célèbre bateau des Turks, qui voguait d’un coin du globe à l’autre !

Jackson avait le visage rouge et le regard haineux. Il serra les poings tandis que l’hélicoptère décollait.

- Et le capitaine Kubrick ?

- Imbécile ! Tu ne comprends pas ? Il était de mèche avec moi ! Spielberg avait tout compris, mais il ne pouvait rien révéler car nous gardions sa femme en otage ! Voilà pourquoi il me hait !

A côté de Lucas, Ronny Yu se mit à crier :

- Eh, Jackson ! C’est moi qui ai tué Savini !

- Pourquoi ?

- Nous croyions qu’il était de notre côté, mais hier soir, il a menacé de nous faire chanter ! Alors, cette nuit, je me suis introduit dans sa cabine et je lui ai planté deux couteaux dans les yeux ! Bye, bye !

Jackson dit à Reno :

- Pourquoi ne l’arrêtez-vous pas ?

- Les hélicoptères des Turks sont blindés. Ils résistent aux armes à feu, aux missiles et à la magie.

Pendant que l’appareil noir s’élevait lentement, Craven remarqua que quelque chose de bizarre était fixé en dessous. Il reporta son regard vers le petit héliport et vit que le métal du pont était déchiré à cet endroit.

- Lucas ! Yu ! Sautez de l’hélicoptère !

Les deux trafiquants ricanèrent.

- Le monstre est accroché en dessous !

- Quoi ! s’exclama Jeunet.

Craven plissa les yeux, mais ne parvint pas à distinguer l’abomination. Elle était un peu moins volumineuse que l’hélicoptère avec lequel elle montait, et on pouvait voir divers membres, semblables à des coudes et à des mains, s’agiter dans l’ombre sous l’engin. Trois tubes roses couraient près de la queue de l’appareil. Si la chose était humanoïde, ils devaient être fixés à son crâne.

Soudain, un membre énorme jaillit. On aurait dit un tentacule épais comme un tronc d’arbre. Il s’enroula autour de l’hélicoptère ; Lucas et Yu hurlèrent de terreur. Leur véhicule volant se balança un instant et tomba dans la mer, près du Giger.

L’épave noire flottait. Ses pales brassaient désespérément l’eau de mer. Rugissement de prédateur. Pas de sang, pas de membres qui volaient, rien. Le silence s’installa.

- Puisse cette saloperie s’étouffer avec leurs sales tripes de dealers ! déclara Jeunet.

L’hélicoptère explosa. A côté de lui, quelque chose bondit hors de l’eau et y replongea. A une vitesse terrifiante, la créature fendit la mer en direction du navire.

Jackson bondit dans la salle des commandes et vociféra dans le micro :

- A fond de train, vite !

Il entendit la voix nonchalante d’Emmerich répliquer :

- Une minute… faut réordonner le réacteur numéro trois, dépressuriser une fois pour toutes et dévier la vapeur vers une zone en sous-tension pour l’alimenter… C’est un boulot qui prendra bien, pfou ! …un quart d’heure.

- Vous avez trente secondes avant la mort !

Cette fois, ce fut Devlin, éternel compagnon mécano d’Emmerich, qui répondit.

- Les menaces n’arrangeront rien.

- Fous dangereux, vous ne comprenez pas ? Le monstre est sorti de la grande soute ! Il a fait exploser l’hélicoptère avec Lucas et Yu dedans, et maintenant, il revient vers le navire.

Jackson n’entendit jamais la réponse des deux paresseux. Une violente secousse ébranla le Giger, suivie d’une grande déflagration. Il se remit sur pied et se précipita hors de la salle de pilotage. Le tentacule épais comme un tronc d’arbre qu’il avait vu s’enrouler autour de l’hélicoptère s’agitait à présent sur le pont. Le reste du monstre devait être derrière le grand aileron, près de la poupe.

Takashi Miike courait sur le pont. Il portait tout son matériel militaire ; il avait apparemment tout retrouvé juste à temps. Sur son épaule couverte de chargeurs, il tenait un Bazooka Solide incrusté de diverses Matérias.

- Tu vas te faire tuer, Takashi ! s’exclama Craven.

- J’ai gagné une Matéria Attaque Finale au Golden Saucer, lors de mon dernier congé.

- Et alors ?

- Demeuré ! A ton avis, que se passe-t-il si on l’associe à une Matéria Verte de Vie ? Ce monstre ne me tuera pas !

Miike bondit derrière l’aileron. Un membre énorme, semblable à une patte de dinosaure, surgit à côté de lui. Il parut un instant pétrifié par ce qu’il voyait, mais se reprit et visa soigneusement. Une belle roquette grise fila droit sur sa cible.

- J’aurais aimé au moins voir à quoi ressemblait cette chose… gémit Jeunet alors qu’une explosion retentissait.

- On dirait que le monstre a résisté à la roquette ! fit Craven. Regarde, Takashi épaule encore son Bazooka Solide !

Un tentacule vert aussi mince qu’un doigt humain surgit. Il se tortilla et se planta dans la poitrine de Miike, qui laissa échapper un petit cri. Le bazooka tomba à terre tandis que le petit appendice se rétractait.

- Il est paralysé ? dit Jackson. Ce machin l’a piqué…

Le tentacule apparut à nouveau, enlaça Miike, qui restait immobile, et l’entraîna derrière le grand aileron noir. Reno sursauta et se mit à courir en soufflant :

- Le monstre l’éloigne de son arme ! Les Matérias Vie et Attaque Finale ne feront pas effet si leur propriétaire est trop loin !

Un râle plein de souffrance. Craven, Jeunet et Jackson emboîtèrent le pas à Reno. Redoutant de deviner ce qu’il allait découvrir, Craven se hâta encore davantage.

Il n’y avait plus de monstre. Il n’y avait pas de cadavre. Dans l’acier noir et blindé de la coque du Giger avait été creusé un nouveau trou, apparemment sans le moindre effort. La chose avait emporté Miike.

- Qu’y a-t-il en dessous ? dit Jeunet.

Jackson blêmit.

- Un tas de conduits d’aération et puis… la grande soute.

- Ce monstre possède apparemment une capacité d’adaptation rare, conclut Reno. Il a tout de suite su utiliser au mieux ce que contenait le Giger.

- Ne l’avez-vous pas déjà dit ? fit Craven. J’ai l’impression que vous en savez plus que ce que vous ne voulez bien nous révéler, vous les Turks.

- Nous ne sommes plus des Turks, lui rappela Elena. Mais pour résumer, Reno a découvert qu’il avait commis une gaffe en laissant tomber trop longtemps le Giger.

Reno baissa la tête. Elena serrait les dents, les mains sur les hanches. Elle finit par parler.

- L’avion Gelnika contenait toutes sortes de choses, essentiellement du matériel anti-Armes. C’était une véritable station de recherches volante. Au moment du crash, un parasite des plus dangereux s’est échappé

- Un parasite ? grogna Craven. Mais quel genre de scientifiques…

- Des lieutenants d’Hojo : ils faisaient des recherches sur des armes biologiques et ont fini par conclure qu’il suffisait de créer une créature capable de contrôler et de faire muter n’importe quel être vivant, en faisant fusionner leurs systèmes nerveux. Ils ont appelé ça l’Hermès. L’Hermès devait être lâché sur une Arme, par exemple celle qui parcourt actuellement les océans, l’Arme Emeraude. En se fixant à elle, il aurait dévoré son ADN et l’aurait réutilisé pour la métamorphoser, faire évoluer son corps à une vitesse incroyable, donnant un monstre invincible. Le monstre serait parti à la recherche de proies à sa taille – les autres Armes – et les aurait tuées les unes après les autres.

- Très bonne idée ! s’esclaffa Craven. Et après ? Ils espéraient faire disparaître ce monstre d’un coup de baguette magique ?

Reno lui lança un regard noir et répliqua :

- L’Hermès a une faille. Il la transporte dans son système nerveux protéiforme et doit la transmettre à toutes les cellules du corps de son hôte, puisqu’il ne fait plus qu’un avec lui. Cette faille rend son organisme entier vulnérable à une souche mutante du rhume. Nous avons appelé ce virus « l’Anti-Mercure ». En aspergeant n’importe quelle partie du corps de l’Hermès d’une solution contenant de l’Anti-Mercure, on provoque sa désagrégation immédiate.

- Génial ! Pourquoi n’avez-vous pas amené l’éprouvette avec vous ?

- Il n’y en avait qu’une dizaine de doses et elles ont toutes grillées avec le Bâtiment Shinra. Cependant, il reste un mince espoir.

- Lequel ? hurla Craven. Cette saloperie d’Hermès est faite pour casser la gueule à des Armes !

- Le parasite était supposé acquérir une telle puissance en se fondant dans une Arme. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a aucune Arme près du Gelnika, et le monstre que nous avons vu serait beaucoup plus grand s’il avait atteint ce but ; en fait, il ferait dans les trois mille mètres de haut. En proportion, je dirais que l’Hermès s’est fixé à la nuque d’une créature d’environ trois mètres de haut ; les proportions correspondent.

- Quelle créature ?

- Il y avait des monstres dans le Gelnika. Des Caniches, des Serpents de Mer, mais aussi des monstres inconnus, dérivés d’êtres humains, produits des expériences. A en juger par les « tubes roses » que j’ai cru entrevoir quand l’Hermès était fixé sous notre hélicoptère, je dirais que le parasite a choisi un « homme-fleur ».

- C’est bien, Reno ?

- C’est cauchemardesque, Craven. Les « hommes-fleurs » comptent parmi les pires monstres créés par manipulations génétiques. Si l’Hermès s’est allié avec l’organisme d’un « homme-fleur », il devrait pouvoir : - nous paralyser en nous piquant avec son petit tentacule vert, - nous démembrer, - nous manipuler mentalement.

- Comme Miike, Romero et Mc Tiernan ! Tout s’explique !

- Mais certaine de ses caractéristiques physiques me sont inconnues, ajouta Reno. Il a dû les dénicher en pillant l’ADN de l’ « homme-fleur ». Columbus, par exemple, semble avoir été digéré vivant.

- Les étoiles de mer font ça, dit tristement Jeunet. Elles ouvrent de force la coquille des mollusques, fixent leur estomac dessus et attendent que leurs sucs digestifs les dissolvent.

- Je ne laisserai pas ce monstre me faire ça ! s’exclama Elena. Pas question !

- Appelez tout le monde dans la salle des commandes, conseilla Reno à Jackson. Il est temps d’agir.

 

 

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