La Bibliothèque de la ShinRa corp.
Le Chaos qui est en Moi
Seconde partie : lorsque nous étions encore des enfants…
Chapitre VII : Je est un Autre
Lieu : Mideel - Temps : Jour J+1 (lendemain des évènements sur l’Ile Ronde), fin de matinée.
C’était une belle journée sur l’île de Mideel, le soleil brillait, la nature elle-même semblait chanter. Le lac n’avait jamais paru aussi beau à Vincent. Enfin il revenait chez lui… Parti en mission depuis plusieurs jours… Aucun endroit ne valait sa douce demeure, la maison ! Sa petite sœur vint à sa rencontre en courant, elle n’avait que douze ans mais parlait parfois comme une adulte.
« - Le docteur Mentor voudrait te voir à la clinique dès que possible… Tu m’as manqué, tu sais, Vinsounet ! Hé hé !
- Tu m’as manqué aussi, sœurette ! »
A la clinique, le docteur Mentor faisait son tour de visites quotidiennes à ses patients.
Malgré ce que Red leur avait dit, il sentait que tout finirait bien. Peut-être s’était-il alarmé trop tôt, peut-être que Bugenhagen (Paix à son âme !) s’était trompé… Il fallait garder la foi…
Vincent était allé à sa place rendre visite à une petite malade qui habitait au sud du continent Est. Le docteur attendait impatiemment de le revoir pour avoir des nouvelles de la petite, elle n’était pas très résistante, mais le médecin sentait qu’elle allait guérir. Il fallait toujours garder espoir.
Il passa près de la chambre de Tifa Lockheart. Cette jeune fille, en revanche, était une force de la nature ! Tout comme son ami, le jeune Clad. Le médecin se souvenait de leur séjour à la petite clinique l’année dernière, avant le grand chambardement du village dû à la Rivière de Vie. C’était pendant la reconstruction de la ville qu’il avait insisté pour que la clinique, plus grande et modernisée, soit installée sur cette colline. Il craignait un peu la promiscuité avec le lac, la Rivière de Vie.
Tifa se remettait très vite, sa "maladie" et sa rapide rémission venait de la même chose : le Mako qui était en elle. C’était drôle, ou plutôt étrange…
Tifa était tombée dans la Rivière l’année dernière aussi, c’était la seule explication pour son taux élevé de Mako dans le sang… Un taux tellement élevé qu’il aurait dû lui être fatal… Un taux proche de celui de son ami Clad ; celui-là aussi s’en était sorti ! Et maintenant, la clinique accueillait depuis six mois un autre patient qui n’aurait PAS dû survivre non plus, qui aurait d’ailleurs dû être mort depuis des années…
Il passa à côté du docteur Friez sans la voir.
« Bonjour Gérard ! Comment va votre nouvelle patiente ? »
Le docteur Mentor se retourna vers sa collègue et rougit ; pourquoi se sentait-il toujours nerveux devant le docteur Friez ?
« - Ahem, bonjour Celes ! La petite Tifa se remet très vite d’aplomb… Ahem, et notre patient X – Séphiroth – est-il toujours…
- Son état est toujours stationnaire, oui. Je n’arrive pas encore à croire que ce soit le fameux officier Séphiroth ! Et dire qu’on le dit mort depuis des années ! »
Séphiroth… Le docteur Mentor trembla à l’évocation de ce nom maintenant craint de tous. Mais il était médecin avant tout, il ne devait pas juger, son rôle était de secourir tous ceux qui avaient besoin de ses soins.
Trois empoisonnements graves au Mako, trois survivants… Il allait falloir réviser les livres de médecine, il allait prévenir l’Ordre des Médecins ; ce dont lui, le docteur Mentor, avait été témoin dépassait son entendement…
Vincent avait parfois l’impression que… ce métier, ce n’était pas ce qu’il voulait faire de sa vie.
Il arriva en vue de la clinique. Il remonta l’allée qui menait à l’hôpital.
Des malades, toujours entouré de patients mal en point… Des dépressions nerveuses, des victimes d’accidents ou d’agressions… Et parfois, il ne pouvait pas combattre la Mort, qui venait prendre son lot d’âmes quotidiennement, quotidiennement… Jamais on ne s’y habitue tout à fait, on aurait toujours voulu en faire plus.
La jeune patiente qu’il était allé voir pendant ces quelques jours d’absence… Encore plus jeune que sa petite sœur ! Jamais elle n’atteindrait les douze ans, jamais… On ne revient pas de la Rivière de Vie, on ne revient plus chez soi quand on est mort !
Il ne voulait plus de cette souffrance autour de lui ! Il allait démissionner !
Le docteur Mentor était maintenant en visite à Tifa ; cette jeune personne était encore plus têtue qu’il le pensait ! Elle était déjà debout et faisait le tour de sa chambre à petits pas.
« Voyez, Docteur ! Je vais très bien ! »
Ce n’était pas la peine de discuter avec elle ! Mais après tout, un peu d’exercice ne pouvait pas lui faire de mal. Demain, il allait lui permettre de se promener un peu dans le jardin. Le confinement dans une chambre à l’odeur aseptisée n’était pas idéal pour le moral, ni pour la santé.
Le médecin ouvrit la porte de la chambre pour sortir, et s’arrêta dans l’embrasure, un peu surpris de l’apparition de Vincent devant lui.
« - Ah, alors vous êtes revenu ! Je suis heureux de vous voir.
- J’ai quelque chose à vous dire, Docteur…
- Bien, allons dans mon bureau, alors…
- Non, je dois vous le dire tout de suite. Je ne veux pas risquer de changer d’avis ! »
Tifa faisait ses exercices de marche dans sa chambre. Elle avait enfin réussi à convaincre le docteur Mentor qu’elle allait bien. Pas aussi bien qu’elle l’aurait voulu, mais elle avait repris des forces et bientôt elle pourrait courir à nouveau !
Le médecin, de l’autre côté de la pièce, venait à peine d’ouvrir la porte pour sortir. Mais sur le pas de la porte, il s’était arrêté ; il avait dû oublier de lui dire quelque chose…
Pourtant, au lieu de s’adresser à elle, il parlait maintenant à voix basse avec quelqu’un - quelqu’un que le dos du docteur Mentor cachait à la vue de Tifa. Elle fut prise d’une irrésistible curiosité et commença à s’approcher discrètement du médecin.
« Mais pourquoi donc, Vincent ! » s’exclama tout à coup ce dernier.
Vincent ?!
Tifa voulut courir vers la porte, fit des pas plus grands qu’il ne lui était possible, trébucha et pensa tomber… mais elle fut rattrapée juste à temps par le docteur Mentor.
Les yeux de Tifa rencontrèrent, l’espace d’un instant, ceux de l’inconnu qu’elle avait pris pour Vincent Valentine. Peut-être se sentait-elle ridicule de les avoir confondus, ou ridicule à cause de sa chute, ou était-ce pour une autre raison ; toujours est-il qu’elle se mit à rougir et baissa vite les yeux.
Sans raison apparente, le jeune inconnu baissa les yeux aussi.
« - Hmmm, fit le médecin lorsque Tifa se fut remise sur ses pieds incertains. Je pense que vous ne vous connaissez pas encore. Vincent, voici la patiente la plus entêtée que je connaisse : Tifa Lockheart ; Tifa, je te présente mon infirmier le plus compétent : Vincent Brunaël - enfin, je devrais dire : mon ex-infirmier. Vincent veut nous quitter, mais refuse de me donner une raison pour ça – ou plutôt, son excuse peut sembler valable, mais elle inciterait en fait tout homme sensé à rester dans le service médical !
- Pourquoi voulez-vous partir ? demanda Tifa à Vincent. Oh, excusez-moi. Ce ne sont pas mes affaires…
- Oh ! Si tu peux le convaincre de rester dans notre clinique, Tifa, ta curiosité sera une bénédiction pour moi ! »
Bizarrement, Vincent sentit sa détermination de démissionner moins forte qu’avant. Peut-être était-il en train de changer d’avis comme il le craignait…
*****
Lieu : Région des Prairies - Temps : tôt ce matin-là.
Yuffie avait un étrange goût de fer dans la bouche, un goût de sang… Elle se força à ouvrir les yeux malgré le sommeil qui avait pris possession d’elle.
Vincent…
Elle ne voyait pas très bien. Le visage penché au-dessus d’elle était flou. Trop flou. Pourtant, elle crut reconnaître Vincent ; des mèches de cheveux bruns… c’était en fait tout ce qu’elle était capable de distinguer à travers ce brouillard.
« - Vincent… c’est toi ? murmura t-elle à bout de force.
- Oui… c’est moi… » entendit-elle. Une voix douce et apaisante…
Yuffie esquissa un sourire et se laissa gagner par ce sommeil si doux, si tentant et réconfortant. Elle referma les yeux.
L’infirmier qui était au chevet de la jeune ninja se releva. Clad, Cait Sith, et même Cid, vinrent vers lui pour prendre des nouvelles de Yuffie.
« - Votre amie a eu de la chance de s’en être sortie, les rassura t-il. Elle dort pour le moment, elle a besoin de calme et de repos. Lorsqu’elle se réveillera, elle pourra s’alimenter normalement, mais privilégiez les protéines : il faut qu’elle reprenne des forces.
- Merci, Docteur…
- Oh, je ne suis pas encore "Docteur" ! Je vous l’ai déjà dit, appelez-moi Vincent… Au fait, comment votre amie savait-elle mon nom ?
- Elle a dû vous confondre avec un de nos amis, il s’appelle – il s’appelait Vincent aussi. Vincent Valentine.
- Merci donc, Vincent. C’est une chance de vous avoir trouvé dans les parages. Le docteur de Kalm est en congé en ce moment…»
Lorsque Vincent Brunaël sortit de la petite maison de Clad Strife, il essayait de se rappeler où et quand il avait entendu ce nom… Vincent Valentine… cela lui disait vaguement quelque chose…
Puis il n’y pensa plus. Il repensait à la petite patiente qu’il n’avait pu guérir la veille au soir. Il ne repensa pas aux autres malades qu’il avait sauvés, il ne repensa qu’à cette petite fille. Ses échecs… Et dans son esprit mûrit une décision, la décision de démissionner.
*****
Lieu : Midgar - Temps : un matin aussi, trente et un ans auparavant.
« Hé mon Chou ! Debout, je dois ouvrir la boutique ! »
Cette voix, traînante et un peu criarde, fut comme un marteau-piqueur dans la tête de Vincent. Il porta les mains à ses deux oreilles, il avait l’impression que sa tête allait éclater. Allongé sur l’une des tables de la pièce, il gémit.
« - Ohhh, s’il vous plait, ne criez pas…
- Depuis quand tu me vouvoies, Chéri ?! T’as pris une bonne cuite, hier soir ! »
Vincent ouvrit alors les yeux, leva la tête. Derrière la mèche qui lui tombait sur les yeux, il vit… Annabelle. Il avait oublié jusqu’à son existence, jusqu’à ce qu’il l’ait revue, à l’instant…
Elle se tenait au milieu de la pièce, au milieu du bar où il avait passé la nuit. Elle aurait pu être belle, superbe même, mais derrière la peinture sur son visage… la désillusion, la malchance, les dures épreuves qu’elle avait traversées. Elle était si jeune pourtant…
Elle rit et tira Vincent par le bras.
« Allez lève-toi ! Ne vas pas faire fuir nos rares clients avec ta mine de déterré ! »
Une… fille de joie, c’est ainsi qu’une fille comme Annabelle était appelée, ou par d’autres noms qui ressemblaient à des insultes. Annabelle, elle, n’était qu’une… fille du désespoir.
Le saisissant par le col de chemise, elle attira Vincent à elle, l’embrassa et lui présenta "l’addition". Il fouilla dans la poche intérieure de sa veste, sortit quelques billets et les lui tendit.
« - Ouh ! siffla t-elle. Monsieur est généreux aujourd’hui ! Pourquoi ai-je droit à ce traitement de faveur, tout à coup ?
- Je ne reviendrai pas, Anna.
- Tu pars en mission, je sais. Mais ce n’est qu’une mission de routine, ce n’est pas comme si tu allais risquer ta peau, ou quelque chose comme ça !
- Tu ne comprends pas. Je ne reviendrai plus ici. Plus jamais ! »
Elle recula, une expression de tristesse réelle sur le visage.
« - Je, j’ai compris. Tu me manqueras alors, tu étais… mon client préféré, tu sais.
- Anna, un conseil d’ami : trouve-toi un autre… métier. Cette vie te tuera bientôt.
- Je ne sais rien faire d’autre !
- Quitte ce bouge ! Mets-toi à ton compte - je veux dire : si tu veux, ouvre un bar, un bar… respectable. »
Vincent sortit d’autres billets de sa poche. Tout son salaire du mois, qu’il avait eu l’intention de dépenser dans cet endroit sordide ; comme il le faisait presque tous les mois depuis qu’il était entré dans l’Unité Spéciale du Maintien de la Paix, plus connue sous le nom de "Turk".
Il tendit l’argent à Annabelle.
« - Je ne peux pas accepter… C’est beaucoup trop !
- Dis-toi que tu me rends service en acceptant… »
Elle prit l’argent, regarda les billets avec une lueur - d’espoir, ou de cupidité ? - dans les yeux, et donna un baiser d’adieu à Vincent.
« - Suis mon conseil, Anna.
- Je le ferai ! Je te le promets ! Au revoir, Vincent… »
Sorti dans la rue, Vincent se demanda ce qui s’était passé la première fois – qu’avait-il dit à Annabelle, cette fois-là ? Il ne se souvenait plus très bien. Cette discussion avec Anna venait de se produire à l’instant même, et pourtant, elle s’était produite trente et un ans auparavant. Vincent secoua la tête, tout cela était trop compliqué pour lui !
"Des troubles de la mémoire" avait dit Aeris… Dans son cas, il avait plutôt l’impression d’avoir du gruyère à la place du cerveau : des trous, avec un peu de fromage autour ! Vincent se mit à rire tout seul. La deuxième fois, en si peu de temps, qu’il riait. "Attention, Vincent !" se dit-il, "Tu vas perdre ton titre de M. Sérieux auprès de Clad et compagnie !"
Oui, il se souvenait de Clad, et de tous ses autres amis…qu’il avait rencontrés l’année dernière ; ou plutôt : trente ans plus tard, il les rencontrerait, dans un caveau à Nibelheim…
Vincent regarda la montre à son poignet gauche. Une main redevenue de chair et de sang… mais plus pour bien longtemps.
« - Yuffie, j’ai les mains déjà tellement sales…
- LAVE-LES ! »
« Toutes les huiles de l’Orient ne pourraient pas leur rendre leur blancheur originelle » - où avait-il lu cette phrase, déjà ?
Sept heures. Il avait encore le temps avant son rendez-vous avec Tseng aujourd’hui. Incroyable, il se souvenait de l’heure exacte où il avait rendez-vous avec son collègue Tseng ! Le rendez-vous était précisément à neuf heures moins le quart, il avait le temps de rentrer et de prendre une rapide douche, et peut-être aussi un petit déjeuner…
Euh, mais au fait… où habitait-il ?!
*****
Lieu : clinique de Mideel - Temps : Présent. Jour J+1, début de soirée.
« Mademoiselle Lockheart ! Vous ne devez pas être dehors à cette heure-ci ! »
Vincent courut vers la patiente "la plus entêtée que je connaisse" selon le docteur Mentor. Tifa fit comme si elle n’avait pas entendu et se dépêcha de tourner le coin du bâtiment. Elle se retrouva dans le jardin de la clinique et respira l’air frais du soir. Elle commençait à devenir folle entre ces quatre murs. Pour qui la prenaient-ils ? Une enfant sans défense, ou quoi ?!
L’infirmier la rattrapa très vite, les jambes de Tifa étaient encore trop faibles pour courir bien vite.
« Vous voulez me faire renvoyer ou quoi ! » la gronda t-il gentiment.
Tifa sourit et répliqua d’un ton sarcastique :
« Je CROYAIS que vous vouliez quitter cette clinique de toutes façons. Rendez-vous compte des indemnités de licenciement que vous n’auriez jamais si je n’étais pas là ! »
Il se frotta la nuque d’un air embarrassé.
« Finalement, vous avez changé d’avis, hein ? »
Il approuva de la tête et rit. Tifa fut assez fière d’elle.
« - Je savais que je vous ferais changer d’avis ; vous n’aviez plus d’arguments pour contrer les miens, n’est-ce pas ! Je suis la patiente "la plus entêtée", après tout !
- …la plus charmante aussi… »
Tifa détourna la tête et se sentit rougir. Il ne l’avait pas dit tellement fort, après tout ; peut-être pourrait-elle faire comme si… elle n’avait pas entendu.
« Si vous ne voulez pas me voir devenir folle, il faut me laisser sortir un peu. Je suis un rien claustrophobe, vous savez ! » fit-elle en riant. Un pieux mensonge, pour détourner la conversation…
Il parut la croire. Il l’enveloppa de la veste qu’il portait.
« - Bien. Prenez ça alors, vous pourriez prendre froid. Vous me la rendrez demain.
- Vous partez ?
- Bien sûr. Je ne suis pas un interne ici. J’habite un appartement en ville. »
Il désigna de l’index un point en contrebas de la colline.
« - Bien. Je dois y aller. Je suis déjà en retard pour le dîner et ma mère va me tirer les oreilles ! D’autant plus que j’ai une sacrée marche à faire avant d’y arriver !
- Mais… vous avez dit que vous habitiez en ville, c’est à peine à dix minutes d’ici.
- Oh, j’ai oublié de préciser : mes parents, et ma petite sœur, habitent en dehors de la ville. A cinq kilomètres environ à l’est d’ici. C’est un peu loin pour y revenir chaque soir, et comme je fais parfois des heures supplémentaires à la clinique, j’ai pris un appartement en ville. C’est plus pratique… A demain donc, miss Lockheart…
- "Tifa"…
- … A demain, Tifa…»
Bien après qu’il ait disparu de l’horizon, Tifa resta sans bouger, les yeux tournés vers la direction que l’infirmier Brunaël avait prise. Elle soupirait et se demandait ce qui lui arrivait… Ce n’était pas désagréable du tout, ce… décor nocturne. Elle se souvint de la dernière fois qu’elle s’était retrouvée seule dans ce même jardin. Des pensées sinistres l’avaient alors envahie et rendue bien mélancolique, mais ce soir… c’était merveilleux, tout était étrangement merveilleux, et sans aucune raison !
Elle se surprit à sourire toute seule. Et toujours en souriant, elle regagna l’intérieur de la clinique, en se serrant un peu plus dans la veste qu’IL lui avait posée sur les épaules.
Red et Barrett furent assez surpris de voir Tifa rentrer dans… cet état. Jamais elle n’avait eu sur le visage un sourire aussi… stupide !
« - Hum, Tifa ?
- Oui ? fit-elle d’un ton serein, toujours avec ce même air idiot.
- Clad vient de téléphoner. Il viendra ici demain, il a quelque chose à nous annoncer mais dit qu’il préfère ne pas en parler au téléphone…
- …demain ? Bien… fit-elle, comme absente.
- Euh, tout va comme tu veux, Tifa ?
- …à merveille, tout est merveilleux…
- Je veux dire, tu vas VRAIMENT bien, n’est-ce-pas, ma petite Tifa ?
- … je ne me suis jamais sentie aussi bien… Bonne nuit, Red. Bonne nuit, Barrett… »
Et elle passa à côté d’eux pour entrer dans sa chambre. Elle paraissait flotter au-dessus du sol, au lieu de marcher dessus.
Avant de rentrer dans la chambre, elle se retourna, avec encore le même air étrange sur le visage.
« - Barrett, Red ?
- Oui, tu as besoin de quelque chose ?
- Non… soupira t-elle d’un air transporté. Je voulais juste vous dire à quel point je vous aime tous les deux, vous savez…
- Euh… bien sûr… On t’aime beaucoup aussi, Tifa ! firent-ils déconcertés.
- Bien, bien… tout est si merveilleux… »
« - Tu crois qu’elle va vraiment bien ? demanda Red, une fois Tifa dans sa chambre.
- Je suis sûr qu’ils nous l’ont droguée dans cette fichue clinique ! » s’énerva Barrett.
*****
Lieu : la route vers Nibelheim - Temps : Passé de Vincent. Un an avant la naissance de Séphiroth.
Comme Vincent s’était trouvé stupide ce matin, à demander aux passants où se trouvait le quartier général des Turks où il logeait ! Certains s’étaient même sauvés avant qu’il n’arrive près d’eux ; effrayés parce qu’il faisait partie des Turks, ou effrayés par son air inquiétant ? Vincent ne savait pas. S’ils l’avaient vu avec l’apparence qu’il aurait trente ans plus tard, ils auraient sans doute poussé en plus des hurlements en s’enfuyant ! Une fois de plus, Vincent se mit à rire doucement. Peut-être était-il en train de devenir complètement fou ! Pourquoi évoquait-il l’avenir avec nostalgie, comme si c’était le bon vieux temps, comme si c’était le passé ?! Il ne fallait pas qu’il oublie que le passé, c’était ce qu’il vivait à cet instant très précis ! Il ne devait pas perdre de vue la raison pour laquelle il était ici. Lucrécia… Non, ce n’était pas pour revoir Lucrécia qu’il était revenu ici !
« - Valentine ! Tu as bien compris la tâche qui t’incombe ?
- Bien sûr, Tseng !
- Je l’espère bien pour toi. Si tu laisses une seule information circuler, ça va barder pour ton matricule ! Et on n’a pas envie de tous payer pour des bêtises que tu pourrais commettre ! L’honneur des Turks est en jeu ! »
Voilà ce que Tseng lui avait dit à neuf heures ce matin. Tseng avait le même "grade" que Vincent au sein des Turks, mais il se comportait comme un vrai petit chef dictateur avec tous ses collègues. Il avait assez de charisme pour se faire respecter, alors les autres Turks le laissaient prétendre leur donner des ordres.
Et voilà Vincent parti vers Nibelheim, accompagnant le groupe de trois scientifiques Shin-Ra afin d’assurer la confidentialité de leurs travaux. Nibelheim était une toute petite ville du continent Ouest, à l’écart et qui comptait très peu d’habitants. Mais un seul civil au courant des recherches pouvait compromettre les projets de la multinationale. C’est pourquoi la Shin-Ra avait envoyé l’agent spécial Valentine, connu pour son efficacité et sa discrétion. La Compagnie avait même fait construire un manoir dans la ville – ou plutôt près des montagnes à la sortie de la ville – et avait incité par de grosses subventions un hôtelier de Midgar à s’y installer, les troupes Shin-Ra ayant besoin d’un endroit où loger lorsqu’elles viendraient dans ce village.
*****
Et finalement, cet après-midi-là, ils arrivèrent. Un camion militaire banalisé s’arrêta devant l’entrée du village, un homme brun, grand et mince, complet bleu marine, en descendit par le siège du passager. Il jeta de furtifs regards aux alentours et fit un geste de la main. Les trois personnes qui étaient assises à l’arrière - deux hommes et une femme, des scientifiques d’après leurs blouses blanches - descendirent alors. Le chauffeur parla un instant avec le Complet Bleu, puis le camion redémarra et s’éloigna. Les trois Blouses Blanches se dirigèrent vers la place du village, suivies du Complet Marine. Ils eurent une brève discussion entre eux, puis les Blouses Blanches pénétrèrent dans la grande demeure qui venait d’être construite dans notre village, tandis que Complet Bleu resta à l’extérieur juste devant le manoir, comme un chien de garde. Et je me suis mise à frissonner à l’idée que ce chien de garde-là semblait TRES dangereux…
*****
Lieu : Région des Prairies - Temps : Présent. Jour J+1, début de soirée.
Lorsque Yuffie sortit de sa torpeur, elle expérimenta pour la première fois cette sensation étrange appelée familièrement… "gueule de bois". Elle porta la main à sa tête et y sentit des bandages, elle baissa les yeux vers son bras droit ; pourquoi donc était-il maintenu par… Oh ! Et elle se rappela alors cette douleur soudaine qu’elle avait ressentie au bras lorsque Clad l’avait empoigné et tiré brutalement en arrière. Ce sale porc-épic lui avait démise l’épaule !
Elle avait un bras en écharpe et un énorme bandage sur le crâne, donc ! Et bien, elle ne s’en était pas trop mal sortie, finalement… Et elle qui pensait se réveiller dans la Rivière de Vie, ou ne plus jamais se réveiller du tout…
Elle s’assit et regarda autour d’elle. La chambre de Clad ! Hé hé, quand elle irait raconter ça ! "Eh bien, figure-toi que j’ai couché dans le lit de ton petit ami, Tifa !". Bon, trêve de plaisanteries…
« CLAAAAD ! » cria t-elle. Elle se racla la gorge et recommença, une seconde après :
« HE, TETE DE HERISSOOOON !!! »
A l’appel de son surnom, il apparut à la porte de la chambre.
« - Yuffie ! Tu es réveillée !
- Non, sans blague ! lança la Ninja avec sarcasme. Dis… Tu n’aurais pas quelque chose à manger… s’te plait ?
- Sûr ! Je reviens tout de suite, bouge pas ! »
Il sortit et Yuffie pensa : "Aucun risque que j’aille danser le twist pour l’instant !"
« Iiiik ! Enlève ce cadavre de mon champ de vision ! » cria Yuffie à Clad dès qu’il apparut sur le seuil de sa porte.
Il tourna la tête pour voir s’il y avait un "cadavre" derrière lui. Apparemment, Yuffie était en train de délirer, peut-être avait-elle de la fièvre… Puis, il se rendit compte qu’elle désignait l’assiette qu’il tenait : un succulent steak-purée qu’il avait préparé pour elle…
« - Tu n’aimes pas la viande, Yuffie ? Le docteur insiste pour que tu manges des protéines…
- Je ne suis pas à proprement parler une végétarienne, mais je déteste la viande ! Fais-moi des œufs sur le plat, c’est des protéines aussi, non ?! »
Clad se retint de lui faire remarquer qu’un œuf n’était après tout qu’un futur "cadavre" de poulet… Il sortit et laissa Yuffie à ses réflexions.
Yuffie avait la tête qui tournait. C’était peut-être à cause de la faim… Elle se sentit faible tout à coup, elle se rallongea. Il fallait qu’elle parle à Clad lorsqu’il reviendrait, oui… elle avait des choses à dire à Clad, à propos de… Vincent… Il ne faudrait pas qu’elle oublie de lui parler… lorsqu’il reviendrait….
Elle referma les yeux un instant pour les reposer… Parler à… Clad… à propos… de Vincent…
Et elle s’endormit.
Clad revint quelques instants plus tard avec des œufs sur le plat destinés à Yuffie. Mais elle s’était déjà rendormie. Il ressortit avec le plateau-repas et décida d’appeler la clinique de Mideel pour prendre des nouvelles de Tifa, et annoncer aux autres son intention de venir à la clinique le lendemain. Cela lui brisait le cœur, mais ils avaient tous le droit de savoir, de savoir que leur ami… Vincent… était mort, qu’il avait sauté dans la Rivière de Vie, sans aucune raison. Qu’il… Que LUI, Clad, n’avait rien pu faire… qu’il n’avait pas été là lorsqu’un de ses amis avait eu besoin de lui ! Et Aeris… c’était parce que Clad n’avait rien pu faire non plus. Il voyait tout, il voyait… et il n’a pas agi… pas agi…
*****
Lieu : clinique de Mideel - Temps : J+2, l’après-midi.
Tifa attendait une visite depuis ce matin. Comme une gentille petite fille obéissante, elle avait suivi les conseils du docteur Mentor et au lieu d’aller dans le jardin, elle allait recevoir sa visite dans la chambre. Ce médecin était bien trop protecteur ! Pourtant cela n’ennuyait pas Tifa de recevoir son visiteur dans sa chambre. C’était même un décor plus… intime…
On frappa à la porte.
« Entrez ! » fit-elle d’un ton joyeux.
Lorsque Clad apparut sur le pas de la porte, elle fut presque… déçue. Elle reprit vite son air joyeux.
« - Clad ! C’est vrai, Barrett m’a dit que tu allais venir aujourd’hui…
- Tifa, j’ai quelque chose à te dire. Nous avons eu un… une réunion, tout à l’heure.
- Avec toute l’équipe ?
- Oui, Cid, Cait Sith et Yuffie étaient au téléphone… C’est eux qui nous ont appelés. Nous avons décidé de ne pas te réveiller, tu faisais une sieste…
- Ah ? » fit Tifa d’un air penaud.
Ils avaient tenu un conseil de guerre sans elle !
« Hier – ce matin encore, je voulais t’annoncer que Vincent était mort… » commença Clad, avec un tact fou…
Vincent ?!
Tifa se sentit mal. Comme un coup de poing en plein cœur…
Et puis, elle se rappela. Oui, …CE Vincent-là !
Elle fut envahie par un immense sentiment de honte lorsqu’elle s’aperçut qu’elle était… soulagée ; oui, il ne fallait pas se voiler la face : elle avait été presque soulagée en se rendant compte que Clad parlait de Vincent Valentine…
Tifa mit la paume de la main sur son cœur pour ralentir ses battements. Elle avait l’impression qu’il allait sauter hors de sa poitrine tellement il s’emballait. Et s’il avait sauté hors de sa poitrine, vers où, ou vers qui, son cœur serait-il allé ?
Clad ne remarqua pas le malaise que Tifa avait eu à l’instant. Il était plongé dans ses pensées, il faisait de son mieux pour rester concentré et raconter toute l’histoire, d’une façon claire et compréhensible, à Tifa…
Il lui raconta les aventures sur l’Ile Ronde - et ce qu’il avait vu Vincent faire dans la grotte à matéria - l’accident de Yuffie, la course contre la montre pour la ramener sur le continent Est et lui trouver un docteur à Kalm, et puis, alors que Yuffie se trouvait très mal en point chez lui dans les Prairies, le jeune infirmier qu’ils avaient eu la chance de rencontrer …
Et enfin, il y a une demi-heure à peine, Cid avait téléphoné à la clinique. Clad, Red et Barrett avaient tous trois envahi le bureau du docteur Mentor parce que Yuffie tenait absolument à leur parler, à tous en même temps.
Il y a quelques instants, Cid avait entendu Yuffie pousser un cri et il avait couru vers sa chambre. Elle était toujours endormie, endormie depuis la veille, semblait-il. Mais alors que Cid s’apprêtait à sortir, Yuffie avait à nouveau poussé un cri et s’était réveillée en sursaut. Elle regardait autour d’elle avec des yeux apeurés.
« - Tout va bien, l’avait-il rassurée, ce n’était qu’un cauchemar.
- Non… c’était la réalité, Cid… la réalité…
« - Non, Vincent ! Emmène-moi avec toi !
- Adieu, Yuffie ! »
- Tu veux… en parler ? demanda Cid à une Yuffie songeuse.
- Je ne… veux pas avoir à… raconter ce qui s’est passé plusieurs fois, Cid. Convoque Clad et Cait ici et apporte le téléphone, s’il te plait. Il faut que je vous parle, à tous… à propos de Vincent. »
« - Qu’est-ce que tu racontes, Yuffie ! Vincent se serait suicidé pour rejoindre Aeris !?
- Non ! J’ai dit qu’il avait sauté dans la Rivière parce qu’Aeris lui avait demandé de venir.
- Cela revient au même !
- Vous ne comprenez pas ! La… la Grande Inondation dont toi, Red, tu nous avais parlée, eh bien Aeris savait comment l’arrêter… Vincent m’a dit que lui seul pouvait empêcher la Crue. Aeris lui était apparue en rêve, elle lui avait demandé de venir dans… la Rivière, pour empêcher la Crue. Il avait un… travail à effectuer là-bas, pour arrêter la Crue qui se préparait. Mais… il a sauté, sans m’en dire plus. Il m’a affirmé qu’il fallait lui faire confiance, qu’il empêcherait cette inondation et… qu’il reviendrait, que nous ne devions plus nous en inquiéter… Mais, je suis inquiète, terriblement inquiète… »
« - Et voilà ce qu’il s’est passé, Tifa, conclut Clad, …Vincent est notre dernier espoir…
- Et nous ne perdrons jamais espoir ?
- Non, jamais. J’ai confiance en lui. Il a dit qu’il reviendrait, et c’est ce qu’il fera. Cette crue ne se produira pas et Vincent reviendra ! »
*****
Pourquoi, pourquoi suis-je donc revenu tellement loin dans mon passé ? Je niais le fait que je voulais la revoir pour autre chose, autre chose que l’horrible mission que je m’étais mis en tête d’accomplir…
J’ai cru que j’y arriverais… Et pourtant… lorsque j’ai revu son visage, ce visage adoré, toutes mes résolutions sont parties en fumée. Et Dieu – ou le Diable – sait que j’ai essayé, essayé d’éviter son regard, essayé de paraître froid et distant lorsqu’elle m’a été présentée, lorsque nous nous sommes serré la main.
Mon âme… Je n’avais plus rien à perdre, car il ne me restait plus rien, pas même mon âme…
Alors, j’ai pensé : « qu’est-ce qu’un péché de plus, ajouté à ma si longue liste ? »
" Tu ne tueras point ". Si j’étais croyant, et je ne sais même pas si je le suis – ou l’ai jamais été – je n’aurais jamais eu cette intention… cette intention de…
Mais de toutes façons, je sais maintenant que je ne pourrai plus ! Pas après l’avoir revue.
Dans la Rivière de Vie, je pensais avoir pris ma décision : « pour le bien de tous, Séphiroth doit être éliminé car il veut déclencher la Grande Crue ». Tout comme l’année dernière… Enfin, dans trente ans… Oh, tout est si compliqué, si embrouillé dans ma tête !
L’année dernière, je devais aider à tuer Séphiroth car il empêchait le Sacré de se déclencher, parce qu’il mettait la Planète en danger avec le Météore !
Mais il avait déjà fait tant de mal, bien avant la confrontation finale à la Grotte Nord…
Alors, j’ai cru…
Et si Séphiroth n’était jamais né ?! Tout ça ne serait jamais arrivé ! Pas de grand incendie à Nibelheim, pas de Météore, pas de meurtres d’innocents ; PAS DE SEPHIROTH !
Je pensais pouvoir le faire, mais je n’ai pas pu. Je n’ai pas pu me résoudre à empêcher la naissance de Séphiroth en tuant Lucrécia !
Peut-être me reste t-il une once d’espoir, une once d’humanité, une once d’amour en moi…
*****
Lieu : la Rivière de Vie - Temps : Jour J.
Aeris souriait. Vincent venait de pénétrer dans le tunnel, il était parti maintenant.
La silhouette de Bugenhagen flotta vers Aeris, il arriva enfin à sa hauteur.
« Tu es arrivé trop tard ! » lui dit-elle en souriant.
Le vieux sage baissa la tête d’un air triste et résigné. Il hocha la tête et soupira.
« - Oh, comme je suis désolé… désolé pour toi, Séphiroth !
- Que dis-tu, vieux fou ! s’écria Aeris en colère.
- Tu as envoyé à la mort le seul être qui pouvait encore te sauver, sauver ton âme !
- Tais-toi, idiot ! Je n’en supporterai pas davantage ! »
Bugenhagen plongea ses yeux dans les yeux verts qui le foudroyaient du regard.
« - Séphiroth, tu te trompes. Tu as cru qu’empêcher Vincent de parvenir jusqu’à toi te sauverait de la mort. Mais tu te trompes. Arrête la Rivière de Vie avant la Grande Inondation ; voilà ce qui te sauvera réellement !
- Sais-tu ce que je pourrais te faire, si je le voulais ?!
- Oh, oui ! Tu n’as pas complètement menti à Vincent, après tout. Nous autres, âmes de la Rivière, ne pouvons pas agir, nous ne faisons que suivre son cours… Mais toi, Séphiroth, tu contrôles ses flots ! Si tu pouvais te rendre compte que le bonheur est tout près de toi… Rejoins-nous dans la Rivière, laisse ta haine et ta colère, laisse ton désespoir derrière toi, et ne te retourne pas… »
Aeris éclata d’un rire machiavélique et reprit l’apparence de Séphiroth. Il rit encore.
« - Quel discours touchant ! Vous autres êtes si… attendrissants ! Vous êtes si facile à contrôler, à manipuler ; ce n’est même plus distrayant ! Cet idiot de Vincent, tout comme ce pantin de Clad ! C’était si facile de leur faire croire qu’ils agissaient de leur plein gré, alors qu’ils n’ont jamais pris la moindre décision vraiment importante !
- Séphiroth, si tu savais QUI sont tes vrais parents…
- Je n’ai qu’une mère, c’est Jenova !
- Elle t’a menti ! Ce n’est pas ta mère, elle ne t’a jamais aimé, elle n’a fait que te manipuler !
- C’est FAUX ! »
L’image d’un Séphiroth furieux disparut et Bugenhagen baissa une fois de plus la tête tristement.
« Si tu savais, Séphiroth… Peut-être… n’est-il pas trop tard… »
Et le vieil homme partit en quête de Vincent…
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