ShinRa Magazine
Héros et Boss, les semblables
Le but de tout bon RPG est d’incarner un héros serviteur du bien pour détruire le boss final incarnation du mal et ainsi admirer le happy end . La lutte entre le bien et le mal se traduit donc toujours par un héros et par un boss . Cela est d’autant plus vrai dans les tous premiers RPGs qui ont vu le jour comme les Dragon Quest ou les Final Fantasy . On se rappelle tous la quête des cristaux que l’on devait trouver afin qu’ils ne tombent pas dans les mains du mal . D’un côté les bons , de l’autre les méchants , la caractéristique même de l’univers des contes de fées. On est soit le bien , soit le mal et il n’existe pas de nuances entre ces deux extrêmes .
Ce manichéisme a fait ces preuves durant les premières générations de consoles 16 bits. Pourtant , aujourd’hui , les concepteurs de jeux vidéos s’amusent à présenter ces mêmes méchants comme des victimes et à nous poser des questions sur ces soi-disants héros . D’un manichéisme pur et simple entre les héros et les méchants , nous sommes arrivés aujourd'hui à une période qui rend les RPGs plus complexes dans leur lutte du bien contre le mal .
Leur parfait exemple de cette opposition entre le bien et le mal et donc le héros et le méchant est Final Fantasy IV . Le héros Cecil , chevalier noir va devoir devenir un Paladin , donc un chevalier de la lumière pour s’opposer à Golbez . Ce dernier était classique car le " bon" méchant se devait d’être le plus cruel et le plus ignoble possible .
Il faut attendre la fin de la 16 bit pour que les boss soient plus travaillés avec ... Kefka dans Final Fantasy VI . Certes , ridicule , il n’en était pourtant pas moins abjecte n’hésitant pas à tuer tout le monde . Ce mélange de ridicule et de cruauté a beaucoup plus à l’époque , au point que les fans ont préféré le boss à certains héros . Le culte des méchants est apparu avec lui au Japon et aux Etats-Unis . Quant aux héros , ils étaient les victimes de l’ennemi , surmontant tous les dangers pour sauver les différents mondes au prix de sacrifices . Bien travaillés , pardonnés s’il le fallait de leur ancienne faute , ils restaient les héros dans tous les sens du terme par leur courage et leur abnégation .
Mais , avec la venue de la Playstation , les relations entre le boss et les héros va prendre un tournant . Dans Final Fantasy VII , il n’est plus question de lutte du bien contre le mal .
Prenons le boss , Sephiroth . Bien classe et ignoble par ces actes ( Tout le monde se souvient de la mise à mort d’Aerith ), ancien héros de la guerre , il perd la tête lorsqu’il découvre ses véritables origines . Il perd alors la notion du " bien " pour prendre plaisir à brûler le village de Nibelheim . Il est d’ailleurs le boss final . De par ses actes , il est certes détestable . Pourtant , il est présenté dans le jeu comme une victime par le simple fait qu’il est le jouet de ceux qui l’ont créé , que ce soit Génova ou la Shinra .
Il faut également parler du héros Clad . Car jusqu’à Final Fantasy VII , il n’existait pas de lien direct entre le boss et le héros , illustrant parfaitement ce manichéisme du bien et du mal . Or , Clad n’est rien de moins qu’un clone , raté certes , mais un clone de Sephiroth . D’ailleurs , juste avant la séquence vidéo de la mort d’Aerith , il avait saisi une épée pour en donner un coup à son amie . Et si ce n’était la voix de ses amis qui le réveilla , cela aurait pu être Clad son meurtrier . En tout cas , il est bien le complice de Sephiroth lorsqu’il lui donne la matéria noire dans le cratère . Ainsi , dans Final Fantasy VII , il y a peu de limite entre la frontière du bien et du mal et même Clad aurait pu être un boss final comme Sephiroth .
Final Fantasy VII a donc amorcé un tournant dans les relations entre boss et héros changeant complètement la vision d’un RPG . En effet , ici , il n’est plus question de lutte entre le bien et le mal . Il est question de destinées entre les hommes , un petit détail minime dans le jeu qui fait que ce sera le héros dans tel jeu et pas son ami .
Final Fantasy VIII illustre parfaitement ce petit détail qui va faire que ce sera Squall le héros et pas Seifer . Squall est devenu le héros car il a réussi son examen . Mais s’il avait échoué , Seifer aurait pu prendre sa place . D’ailleurs , Seifer et Squall sont des ennemis très proches puisqu’ils ont été elevés ensemble et même leur cicatrice montre à quel point ils se ressemblent. Alors , ici , où est l’incarnation du bien et l’incarnation du mal ? La seule marque de cet univers simpliste dans ce jeu qui se veut adulte sont les ailes de Rinoa et celles d’Ultimécia . L’une a des ailes comme les anges et l’autre les a noires . Or , ils existent de nombreux débats comme quoi Rinoa sera Ultimécia dans le futur à cause de la fin du jeu . Cette fois , il n’est plus question d’opposition entre le bien et le mal mais d’assimilation des deux concernant Rinoa .
Dans les autres numéros , Square va prendre un malin plaisir à diminuer la frontière entre le bien et le mal qui servait à différencier les héros des boss . Dans le 9 , que penser du héros qui retournera à l’Ifa pour aller sauver Kuja , son éternel ennemi mais néanmoins semblable grâce aux bons soins de Garland ? L’incarnation du bien sauvant l’incarnation du mal ? Mais ici , il n’est même plus question de bien ou du mal . D’ailleurs , dans ce jeu , on ne trouve plus de signes d’opposition entre les deux forces. Les héros et les boss deviennent de plus en plus proches malgré la place qu’ils occupent dans le jeu . Il n’est plus question de lutte entre le bien et le mal comme dans les contes de fées mais de guerre , de lutte entre humains . Ainsi , dans le X , on ne va pas hésiter à faire que le boss final et le héros sont pères et fils . Que peut-on donc penser d’un héros coupable de parricide ? Qu’il ne peut être un serviteur du bien absolu. Dans Final Fantasy , les seules signes d’opposition entre les forces du bien et du mal sont dans les légendes . D’ailleurs , ce jeu est intéressant par les questions qu’il pose sur les croyances . Selon les légendes de Spira , c’était Yevon qui avait sauvé le monde des griffes de Sin . Or , la fin nous en révèle plus sur la nature de ces derniers .
Ce mouvement n’a pas été la seule oeuvre de Square . D’autres jeux ont largement contribués à ce phénomène et je ne peux m’empêcher de citer Suikoden 2 . Lorsque l’on commence à jouer à ce jeu , on se dit que le prince Luca Bligt de Higland est forcement le boss final avec sa cruauté et sa soif de détruire l’ennemi . Il est la caricature même de la première génération de boss . Mais le jeu est bien plus approfondi sur le thème de la guerre en toile de fond . Car il montre que l’homme n’est qu’une plume dans la balance du destin . En effet , le jeu se base sur l’amitié entre Riou et Jowy , deux amis d’enfance . Ils doivent fuir leur pays d’origine où règne Luca pour se réfugier chez l’ennemi . Or , le destin leur a confié à chacun une rune . Riou le héros a la rune Bouclier Lumineux et Jowy la rune Epée Noire .
Le nom des runes illustre bien l’opposition du bien et du mal . Cependant le destin va faire que Riou et Jowy font chacun se retrouver à la tête des deux nations qui s’affrontent après la chute de Luca Blight . Chacun va tenter de dissuader l’autre de s’affronter en souvenir de leur amitié qui est restée intacte . Pourtant , au final , c’est Riou qui va gagner en duel contre Jowy et la légende retiendra que ce héros s’est dressé contre le méchant roi Jowy . Or , ce dernier avait le même désir que Riou . Mettre fin à la guerre et protéger ceux qu’il aimait . Ici , le boss nous apparaît aussi humain que le héros et cette humanité dans les boss , on la retrouve aujourd’hui dans la plupart des jeux de rôle . De même, le boss se doit d’avoir avec un lien avec le héros , un lien de sang ou un lien comme l’amitié .
Il est également à noter que les runes Bouclier lumineux et Epée Noire de Riou et Jowy n’étaient en fait que les deux facettes de la rune du Début qui retrouvera son aspect initiale après la mort de Jowy . Ce n’est donc plus une opposition entre le bien et le mal mais une complémentarité entre les deux forces . Après tout , ne dit-on pas que le jour et la nuit ne sont que les deux facettes d’un même phénomène ?
Virgule
NDAngie:
Golbez était déjà le frère de Cecil dans FF4. Quant à Suikoden 2, le héros n’a pas de prénom défini (c’est au joueur de le choisir) mais on l’appelle généralement Heero ou Ryu (prononcé Riou, ce qui veut dire Dragon en japonais) quand on se réfère à ce jeu au Japon. De plus, Jowy n’est pas obligé de mourir à la fin de l’histoire. Plusieurs fins sont possibles. Mais c’est vrai que la fin avec la mort de Jowy est la plus intéressante et la plus "aboutie" de mon point de vue
Malgré ces points de détail, l’analyse de Virgule reste valable, c’est pourquoi je la publie ici.